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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=ETHN&ID_NUMPUBLIE=ETHN_023&ID_ARTICLE=ETHN_023_0447 Esthétiques de l’authenticité. Tourisme et touristes chez les Hmong de Guyane française par Marie-Odile GÉRAUD | Presses Universitaires de France | Ethnologie française 2002/2 - Tome XXXVII ISSN 0046-2616 | ISBN 2-13-052525-3 | pages 447 à 459 Pour citer cet article : — Géraud M.-O., Esthétiques de l’authenticité. Tourisme et touristes chez les Hmong de Guyane française, Ethnologie française 2002/2, Tome XXXVII, p. 447-459. Distribution électronique Cairn pour les Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Esthétiques de l’authenticité T ourisme et touristes chez les Hmong de Guyane française Marie-Odile Géraud Université de Montpellier 3 RÉSUMÉ Les villages hmong de Guyane font l’objet d’un engouement touristique de la part des visiteurs métropolitains, ainsi que des Hmong venus de France ou des États-Unis. Ce tourisme, construit sur le mode du retour aux sources de la tradition hmong, a modifié la représentation que se fait d’elle-même la communauté de Guyane et nourrit des projets de développement. Au-delà des clivages qui dans l’analyse du tourisme ethnique opposent souvent visiteurs et populations indigènes, changement exogène et résistance culturelle des minorités, l’exemple des Hmong de Guyane permet de réinterroger de façon originale l’interaction touristique. Mots-clefs : Hmong. Guyane. T ourisme culturel. Esthétisation. Marie-Odile Géraud Université de Montpellier 3 Route de Mende 34199 Montpellier Cedex 5 marie-odile.geraud@univ-montp3.fr Les villages hmong installés depuis plus de vingt ans au cœur des forêts de Guyane française font l’objet d’un tourisme déjà ancien puisque, quelques mois à peine après leur arrivée en 1977, les villageois accueillaient des visiteurs lors de la première fête de Nouvel An hmong célébrée sur place. Les formes prises par cette activité touristique ne sont pas sans conséquences sur la vie de la communauté, mais n’en ont jamais véritable- ment bouleversé le cours. En revanche, le développe- ment récent d’un tourisme hmong « intra-ethnique » se révèle déterminant dans l’évolution des villages de Guyane où de nombreux Hmong de la diaspora se ren- dent dans une perspective de « retour aux sources ». Le regard que ces visiteurs portent sur la communauté est notamment au principe d’interrogations nouvelles sur le passé, la tradition ou la préservation culturelle. Les études sur le tourisme ethnique, particulièrement abondantes dans le milieu anglo-saxon, ont successive- ment oscillé entre deux postures : les premiers travaux dénonçaient les effets néfastes du tourisme sur les popu- lations directement affectées. On leur a objecté à bon droit que le développement du tourisme témoignait d’une intégration de certains groupes dans l’économie globale plutôt qu’il ne la provoquait : la massification touristique est la conséquence et non la cause d’une diffusion générale des modèles culturels et économiques des sociétés occidentales. Depuis quelques années, l’insistance est mise sur la capacité de résistance des communautés ethniques qui utiliseraient le tourisme pour affirmer leur existence et leur identité. La « glo- balisation » n’est en rien déniée, mais ces études tendent à démontrer qu’elle suscite une réappropriation « locale » attestant la capacité à maintenir une spécificité culturelle contre l’hégémonie occidentale 1. Ces auteurs mettent ainsi en avant l’autonomie symbolique des groupes ethniques engagés dans l’activité touristique. Or, s’il est incontestable que toute idéologie occidentale peut donner lieu à une réinterprétation dans d’autres schèmes culturels, on ne peut envisager ce processus en dehors du rapport de domination qui soumet ces mino- rités culturelles à des logiques étatiques, à la pression des sociétés globales ou à des impératifs économiques. Bref, ces deux positions tendent à pécher soit par « misérabi- lisme », soit par « populisme » pour reprendre les expres- sions de Grignon et Passeron [1989]. Les clivages entre hosts et guests, selon la terminologie de Valene Smith [1989], y sont d’un usage plutôt rigide : l’opposition entre la thèse du changement exogène et celle de la résistance interne, entre la dénonciation d’une « mar- chandisation » culturelle destructrice et l’affirmation d’un renouveau identitaire ethnique contribue à réduire l’interaction touristique à la confrontation de deux Ethnologie française, XXXII, 2002, 3, p. 447-459 entités culturelles dont chacune tenterait de tirer parti de l’autre. Des approches beaucoup plus constructivistes ont été menées sur la production de « cultures touristiques », pour reprendre le mot de Michel Picard : loin de sous- crire à l’idée d’une « ethnicité reconstruite » factice selon l’expression de Dean MacCannell [1986], ces auteurs insistent sur la dimension dialogique des comportements touristiques et leurs conséquences sur la transformation du rapport que les groupes ethniques concernés entre- tiennent à eux-mêmes. Ces études m’intéressent ici pour deux raisons principales. Tout d’abord en ce qu’elles permettent de resituer la question du tourisme dans sa dimension d’imposition de modèles extérieurs, média- tisés par des institutions ou des acteurs spécifiques, sans toutefois faire l’impasse sur la diversité des réinterpréta- tions locales : le récent recueil de Michel Picard et Robert Wood [1997] analyse ce processus dans toute sa complexité au travers de nombreuses études de cas. D’autre part, ces travaux – je pense notamment à l’ou- vrage dirigé par Erve Chambers [1997] – conduisent à remettre en cause l’excessive polarisation entre hosts et guests, en insistant en revanche sur les clivages intérieurs à ces catégories et en particulier sur le fait que les dif- férents acteurs impliqués dans l’activité touristique n’y ont pas ni les mêmes intérêts, ni les mêmes stratégies. C’est dans ce cadre que j’ai situé l’étude des pratiques touristiques dans les villages hmong de Guyane 2, préci- sément en ce qu’il y est impossible de considérer comme pertinentes certaines idées reçues généralement admises dans l’analyse du phénomène. Les Hmong ne sont pas des victimes démunies contraintes à se livrer au tourisme : devenus maraîchers en Guyane, ils connaissent un niveau de vie matériel assez satisfaisant 3. Ils consentent donc au tourisme dans leurs villages et l’encouragent même, dans un objectif donné comme à la fois social (contribuer à leur intégration dans le département) et symbolique (donner à voir la communauté et témoigner de sa vita- lité). En outre, le tourisme « interne » hmong bouscule la distinction entre visiteurs et populations « visitées », étrangers et indigènes, en mettant en présence les mem- bres d’une même communauté ethnique, mais qui n’est pas homogène : plus que des entités culturelles, ce sont des groupes socialement déterminés qui sont amenés à se définir et à se distinguer dans l’interaction touristique. Cet aspect est sans doute l’un des plus caractéristiques du tourisme chez les Hmong de Guyane. Alors que le tou- risme ethnique se définit souvent comme une interaction entre deux groupes d’origine culturelle différente, c’est, dans ce cas, la présence de touristes hmong chez les Hmong qui contribuera à placer un nouveau rapport, de type urbain, à la rusticité et à l’authenticité culturelle au fondement de la définition que la communauté se forge d’elle-même et de son devenir. ■Le succès touristique des Hmong : les visiteurs métropolitains et créoles 4 La Guyane ne représente pas une destination classique de villégiature. La plupart des « touristes » au sens communément admis du terme y viennent pour raison 1. Vente aux touristes de broderies figuratives sur le marché de Cacao (photo de l’auteur, 1992). 448 Marie-Odile Géraud Ethnologie française, XXXII, 2002, 3 2. Une scène très photogra- phiée : maisons en bois sur pilotis et mobilier urbain (photo de l’auteur, 1992). professionnelle ou pour rendre visite à leur famille 5. Cela dit, les Métropolitains de Guyane nourrissent un véri- table tourisme intérieur qui a contribué à développer diverses activités de loisirs. C’est la dimension amazo- nienne de la Guyane qui va principalement déterminer son attrait touristique : les Français qui visitent le dépar- tement sont à la recherche de grands espaces, de nature vierge et d’aventure [Géraud, 2001]. Mais l’exotisme des paysages ne le dispute en rien à l’exubérance des cultu- res. Brochures touristiques et agences de voyages insistent en effet sur le double aspect d’une nature exceptionnelle et d’une profusion de groupes ethniques « pittoresques », passés soigneusement en revue, et dont chacun dispose d’une singularité touristiquement remarquable : les Créoles et leur carnaval, les Indiens et leur environne- ment naturel, les Surinamais et les anciens bâtiments du bagne de Saint-Laurent-du-Maroni où ils se sont instal- lés. On ne peut parler véritablement de tourisme eth- nique : les communautés présentes en Guyane « font partie du paysage », comme le dit si bien l’expression populaire, et contribuent surtout par leur diversité au sentiment de dépaysement. Les Hmong occupent dans ce dispositif une place tout uploads/Societe et culture/ geraud-esthetiques-de-l-x27-authenticite-2002.pdf
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- Publié le Apv 05, 2021
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