Tracés. Revue de Sciences humaines 22 (2012) Écologiques. Enquêtes sur les mili
Tracés. Revue de Sciences humaines 22 (2012) Écologiques. Enquêtes sur les milieux humains ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Tim Ingold Culture, nature et environnement ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. T oute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Tim Ingold, « Culture, nature et environnement », Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne], 22 | 2012, mis en ligne le 21 mai 2014, consulté le 29 juin 2012. URL : http://traces.revues.org/5470 ; DOI : 10.4000/traces.5470 Éditeur : ENS Éditions http://traces.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://traces.revues.org/5470 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. Cet article a été téléchargé sur le portail Cairn (http://www.cairn.info). Distribution électronique Cairn pour ENS Éditions et pour Revues.org (Centre pour l'édition électronique ouverte) © ENS Éditions TRACÉS 22 2012/1 PAGES 169-187 Culture, nature et environnement. Vers une écologie de la vie TIM INGOLD TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR PIERRE MADELIN, PRÉSENTÉ PAR PIERRE CHARBONNIER Le texte de Tim Ingold dont nous proposons la traduction off re un regard à la fois ori- ginal et de très large portée sur l’enquête écologique dans les sciences humaines¹. Il s’inscrit de plus dans une démarche intellectuelle engagée depuis une trentaine d’années par un anthropologue qui, tout en cultivant un style théorique profondément singulier, mobilise des enjeux qui sont au cœur de sa discipline. Tim Ingold est d’abord un spécialiste des sociétés arctiques d’Europe du Nord, où il a réalisé ses premiers terrains, avant de s’intéresser à leurs voisines de Sibérie et d’Amé- rique. Son travail relève d’une anthropologie économique, attentive aux modes de sub- sistance, aux technologies et aux formes de coopération sur lesquelles ils reposent, ainsi qu’aux structures institutionnelles qui les accompagnent. L’impulsion initiale de la pen- sée anthropologique de Tim Ingold prend la forme d’une réfl exion sur les formes d’en- cadrement du renne, un animal clé pour de très nombreuses sociétés arctiques. Alors que certaines sociétés s’en tiennent à une acquisition par la chasse, d’autres ont développé des techniques pastorales, consistant à suivre les troupeaux dans leurs déplacements pour prélever nourriture, peau et lait selon les besoins ; d’autres enfi n ont domestiqué ces animaux, se rendant propriétaires des troupeaux (Ingold, 1980). À partir de conditions déterminées de coexistence entre ces deux espèces clés dans un milieu donné, se décline un ensemble de pratiques distinctes, qui sont autant de transformations issues de possi- bilités et d’impossibilités communes. Les analyses de Tim Ingold sont dans un premier temps proches d’une anthropolo- gie technique d’inspiration matérialiste, mais elles s’enrichissent très vite, en montrant que ces transformations s’accompagnent d’autres, qui relèvent de la vie symbolique des sociétés. Les systèmes religieux et rituels des sociétés de chasseurs, de pasteurs et d’éle- veurs suivent en eff et les contours de ces diff érences matérielles, et prennent des voies elles aussi contrastées. C’est notamment à travers l’étude des formes de mise à mort du bétail, c’est-à-dire du sacrifi ce, qu’apparaissent ces diff érences (Ingold, 1987). Mais 1 Ce texte est la traduction du chapitre « Culture, nature, environment : steps to an ecology of life », paru dans Th e Perception of the Environment. Essays on Livelihood, Dwelling and Skill, Londres, Routledge, 2000, p. 13-26. Ce texte a été traduit et publié avec l’aimable autorisation de Routledge. 170 TIM INGOLD les types de propriété, les croyances religieuses ou encore les pratiques rituelles qui les entourent ne sont pas, pour Tim Ingold, réductibles à une « superstructure », simple résultante d’une dynamique strictement économique : elles participent activement d’un complexe où le naturel et le social, le matériel et le symbolique sont solidaires. Parallèlement, Tim Ingold développe certaines des implications théoriques géné- rales de ces analyses. D’une part, il affi rme clairement un décentrement de la démarche anthropologique par rapport à la défi nition traditionnelle de son objet, l’anthropos, par sa diff érence à l’égard de l’animal (Ingold, 1988). Les relations de codépendance inters- pécifi que, l’affi nité entre les dynamiques éthologiques, écologiques et sociologiques, le conduisent là encore à relativiser les repères ordinaires du naturel et du culturel, ainsi que de l’humain et du non-humain. Il mène également une critique de l’évolutionnisme sous-jacent à l’interprétation utilitariste du comportement social, telle qu’elle est par exemple mise en avant par les tenants de l’écologie culturelle déterministe (comme celle de Marvin Harris ou de Roy Rappaport) : les motifs de l’action collective ne sont pas, selon lui, réductibles à l’optimisation de l’effi cacité énergétique, pas plus qu’ils ne sont le produit d’une sélection défi nie par une adaptation fonctionnelle étroitement défi nie. À ses yeux, l’objet et les problèmes de l’anthropologie ne se défi nissent pas tant par une opposition à l’égard des sciences de la nature que comme des réélaborations perma- nentes du naturel et de ses règles. Le texte qui suit appartient à une seconde grande phase du travail de Tim Ingold, amorcée à partir des années 1990. Celle-ci se caractérise par une extension des compa- raisons culturelles engagées dans ses premiers travaux, et surtout par le développement d’un véritable modèle d’interprétation écologique des sociétés humaines (Ingold, 2000). Dans le recueil dont il est tiré, l’auteur articule son projet théorique autour de quelques notions clés, dont celles de « dwelling perspective » et de « skill », que l’on peut rendre respec- tivement par « perspective de l’habiter » et par « savoir-faire », et qui orientent sa réfl exion vers une restitution quasi phénoménologique des expériences perceptives et pratiques qui structurent la vie des sociétés non modernes. Tim Ingold suit alors les débats dominants de l’anthropologie contemporaine en questionnant les modes de relation au monde qui prédominent en l’absence de toute forme d’objectivation de la nature, ainsi que la signifi - cation générale de l’attribution de propriétés mentales à certaines entités non-humaines. Alors que d’autres, comme Philippe Descola (2005) ou Eduardo Viveiros de Castro (2011), cherchent à défi nir les repères ontologiques qui structurent les cosmologies non-modernes, Tim Ingold reste au plus proche de la trame sensible, ou vécue, de l’expérience, sans s’enga- ger directement dans un propos structurel, ou objectivant. L’héritage de Gregory Bateson et de James Gibson, qu’il explicite dans ce texte par contraste avec celui du structuralisme, fonctionne alors comme un catalyseur pour traduire en termes conceptuels cet eff ort visant à saisir la dimension constitutive des relations sensibles et pratiques qui animent l’être au monde. On peut alors parler d’une démarche écologique complète, puisque, de la percep- tion à l’action, et jusqu’aux formes de coopération sociale, c’est l’inscription collective de l’homme dans un milieu qui fournit à l’analyse anthropologique le plan de réalité fonda- mental, à partir de laquelle elle se déploie. Pierre Charbonnier 171 CULTURE, NATURE ET ENVIRONNEMENT En tant que chercheur en anthropologie sociale, mes intérêts ethnogra- phiques me portent vers les régions du cercle polaire arctique, aussi aime- rais-je commencer par une observation, issue de ma propre expérience de terrain, sur le rassemblement des rennes en Laponie fi nlandaise. Lorsque l’on poursuit des rennes, il arrive souvent un moment décisif où l’un des animaux prend subitement conscience de votre présence. Il fait alors une chose étrange. Au lieu de s’enfuir, il reste immobile, tourne la tête et vous regarde fi xement, au beau milieu du visage. Les biologistes expliquent que ce comportement résulte d’une adaptation du renne à la prédation du loup. Lorsque le renne s’arrête, le loup qui le poursuit s’arrête également, et tous deux reprennent leur souffl e en vue de la dernière étape de l’action, lorsque le renne se retourne pour s’enfuir et que le loup bondit pour le rattraper. Dans la mesure où c’est le renne qui prend l’initiative de débloquer la situa- tion, il possède une légère longueur d’avance, et un renne adulte en bonne santé peut généralement distancer un loup (Mech, 1970, p. 200-203). Mais si cette tactique donne aux rennes un avantage considérable vis-à-vis des loups, elle les rend particulièrement vulnérables lorsqu’ils se retrouvent face à des chasseurs humains munis de projectiles ou même d’armes à feu. Quand l’animal se retourne pour faire face au chasseur, il off re à ce der- nier une occasion idéale pour le viser et tirer. Pour les loups, les rennes sont faciles à trouver car ils se déplacent en troupeau, mais il est diffi cile de les tuer ; pour les hommes au contraire, les rennes peuvent être diffi ciles à trouver, mais une fois le contact établi, ils sont plutôt faciles uploads/Societe et culture/ ingold-cultura-naturaleza-y-ambiente.pdf
Documents similaires










-
34
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 04, 2023
- Catégorie Society and Cultur...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3070MB