119 ISSN 2353–3218 Vol. 9 (2020) Special Issue s. 119–130 Academic Journal of M

119 ISSN 2353–3218 Vol. 9 (2020) Special Issue s. 119–130 Academic Journal of Modern Philology Hanna Kost, Zoriana Piskozoub Université nationale Ivan Franko de Lviv Les noms propres en tant que structures classificatoires et identificatoires : étude cognitive (sur la base de trois langues : français, polonais, ukrainien) Proper Names as Structures of Affinity and Recognition: A Cognitive Study (on the Basis of Three Languages: French, Polish, Ukrainian) Abstract In the article we outline some characteristics of proper names as a linguistic phenomenon, their communicative and compositional features, stylistic functions and interpretive-perceptual models. We consider our own names as linguistic universals that convey the linguistic and cultural code of a particular nation, revealing similarities or differences in representation in different languages. In addition to naming an object or person, proper names also perform the function of characterizing those objects or people. A comparative analysis of the use of proper names in presidential inaugural speeches and in proverbs presents proper names not only as separate textual elements, but also demonstrates the historical and cultural specificity of each country, embodied in its language, political and social accents, traditions passed down from generation to generation. Due to the recurrent use of texts, proper names create additional connotations and develop associative thinking of the reader or listener. Some of these proper names are elements of national identity, while others become a civilization property. Keywords: proper names, reference, historical and cultural context, proverbs, set expressions, inaugural speech, interpretive model 1. Introduction L’étude des noms propres propose une variété d’approches qui se trouvent à l’intersection de la linguistique, de la philosophie, de la logique, des aspects sociaux et culturels, avec la prise en compte de la situation de communication et de ses différents acteurs, de leur identité culturelle, historique, religieuse. 120 Hanna Kost, Zoriana Piskozoub Ceci nous renvoie aux rapports que la présentation proprement langagière des noms propres entretient avec leur reflet dans des conditions discursives variées, ces mots étant considérés comme porteurs des traditions d’un peuple et de ses codes civilisationnels. Notre article a pour but d’offrir un panorama de caractéristiques des noms propres pris dans leurs singularité et multiplicité. Cette étude se situe dans un champ qui confronte plusieurs aspects : interprétatifs, perceptifs et fonctionnels. L’idée des noms propres s’est d’abord fondée sur la logique et est liée au nom de Saul Kripke. Influencé par S. Mill, il a introduit le terme de « désignateur rigide » pour marquer les noms propres (Kripke 1980). Dans leurs définitions des noms propres, les linguistes sont unanimes à affirmer que la lettre majuscule est la marque la plus importante des noms propres : elle les différencie des noms communs (un passage éventuel des noms propres dans la catégorie des noms communs pouvant toutefois se produire par antonomase). Certains linguistes parlent de référence unique et de stabilité de cette référence, de l’absence de sens ou de signification véritable des noms propres (Grevisse 1986, Cormier 2014). D’autres, au contraire, leur accordent un contenu ou les analysent du point de vue de leurs valeurs sémantico-référentielles et de leur réalisation dans les pratiques discursives (Gary-Prieur, Noailly 2019, Lecolle 2009). Jean-Louis Vaxelaire met un accent spécial sur « les couches historiques et les habitudes » qui conduisent « à la création de stock de Np » (Vaxelaire 2016 : 76). Si on accepte la thèse de la référence unique des noms propres et de la stabilité de cette référence, la question de l’absence de sens doit être discutée. Nous partageons l’avis de Ducrot et Todorov qui affirment qu’il est « anormal d’employer un nom propre si l’on ne pense pas que ce nom “dit quelque chose” à l’interlocuteur, si donc l’interlocuteur n’est pas censé avoir quelques connaissances sur le porteur de ce nom » (Ducrot, Todorov 1979 : 321). Pour Julien Auboussier (2016), les noms propres font partie des syntagmes nominaux « où à la dénomination s’associe la caractérisation » (Auboussier 2016). En traitant le problème de la dénomination, Georges Kleiber affirme : L’acte de dénomination préalable a pour conséquence l’établissement d’une association référentielle entre X et x, qui est durable, parce qu’elle n’a pas pour but une désignation uniquement momentanée, transitoire et contingente de x, mais vise au contraire à la fixation d’une règle référentielle stable qui permet l’utilisation ultérieure de la dénomination pour cette chose dénommée. (Kleiber 2001 : 25) La référence du nom propre représente une catégorie de base, et c’est de là que vient la notion d’unicité existentielle des noms propres et de leurs liens étroits avec la culture du pays d’origine. Selon Robert Galisson, la langue et la culture jouent « le jeu de symbiose », elles « sont le reflet réciproque et obligé l’une de l’autre », et c’est sous l’influence de ces « appartenances et identifications culturelles » qu’un mot acquiert « une valeur ajoutée » et crée « la lexiculture partagée » (Galisson 1991 : 119, 120). Proposée dans plusieurs ouvrages, cette constatation s’inscrit dans le même ordre d’idée que les réflexions d’Agathe Cormier : « L’idée de stabilité de la référence repose de plus sur la notion cognitive de mémoire à long terme et pose la question de la théorie de l’esprit mise en œuvre par les interlocuteurs » (Cormier 2014 : 3060). Apparaissent donc ici les notions de perception et de mémoire collective qui permettent d’accorder aux noms propres des propriétés « vraies dans tous les mondes possibles » (Cormier 2014 : 3063). Les linguistes proposent différents critères et méthodes d’analyse des noms propres se trouvant en mutation constante, tout comme leurs mécanismes d’interprétation variés. Par exemple, Anne-Marie Christin traite les noms propres correspondant aux personnes (Christin 1998). Cécile Leguy parle « de 121 Les noms propres en tant que structures classificatoires la fréquence d’énonciation de noms propres : le nom propre n’apparaît plus alors comme un élément marginal d’une langue, mais bien plutôt comme un élément essentiel dont le fonctionnement et le sens sont à comprendre à partir de l’usage qui en est fait en communication » (Leguy 2012 : 57). Dans ses ouvrages, Marie-Noëlle Gary-Prieur porte son intérêt sur le pluriel lexical, syntaxique et rhétorique des noms propres, leurs modifications métaphoriques et métonymiques (Gary-Prieur 1998), sur « la tendance de certains noms abstraits pourvus d’une majuscule à fonctionner comme des Noms Propres (la Liberté, la Raison, le Temps, la Mort) » (Gary-Prieur 1991 : 22). Agathe Cormier développe l’idée du dialogisme des noms propres (Cormier 2014), suivant la thèse de Paul Siblot que le dialogisme se trouve « au cœur du nom » (Siblot 1997 : 55). Dans la linguistique ukrainienne, les investigations concernant les noms propres englobent aussi un large éventail de questions, à commencer par leur classification très détaillée (Кочерган 2005) et l’analyse des traits sémantiques des noms propres rassemblés en groupes thématiques et réalisés dans les discours politiques (Салецька 2017). Une attention spéciale est accordée au fonctionnement des noms bibliques (comme un des types de noms propres) employés dans les discours des présidents américains au XXe siècle (Четайкіна 2018). Une place à part est réservée à la façon de présenter et d’interpréter, dans la langue maternelle, les noms propres empruntés aux autres langues, et inversement, à l’éventuelle traduction des réalités onomastiques de la langue maternelle dans les langues étrangères (Некряч, Чала 2005 ; Чередниченко 2007). En réunissant toutes ces réflexions, nous allons appréhender les noms propres à partir de la thèse que ce sont des « noms-messages », qui veulent dire quelque chose d’important, qui s’inscrivent dans le cadre de la néologie sémantique en prenant certaines caractéristiques stylistiques ou rhétoriques dans le discours. Nous sommes guidée par l’opinion de C. Leguy, que les noms propres sont « porteurs non seulement de sens, mais encore de valeurs et potentialités performatives, multiples, en fonction des usages qu’on peut en faire dans la communication » (Leguy 2012 : 70, 71). Dans le cadre de telles interprétations, l’objectif de notre étude est de caractériser le rôle et les dimensions cognitives des noms propres. Nous avons limité notre analyse à la présentation des noms propres dans les proverbes ou locutions figées et dans les discours présidentiels dans trois langues, le français, le polonais et l’ukrainien. Un tel choix n’est pas fortuit : nous proposons de comparer l’usage des noms propres dans les constructions toutes faites que sont les proverbes ou locutions figées, et dans les textes créés, pour ainsi dire, de façon spontanée que sont les discours d’investiture des Présidents. Une étude préalable nous permet de constater que le matériau analysé contient majoritairement des toponymes et anthroponymes de valeur universelle ou nationaux. Les noms propres appartenant à d’autres catégories seront expliqués au fur et à mesure de leur apparition. Ces deux types de sources analysées – proverbes et discours d’investiture – conditionnent la structure de notre article : la première partie portera sur la présentation des noms propres dans les constructions parémiques et la deuxième partie sera axée autour des noms propres employés dans les discours présidentiels. Puisque notre analyse s’appuie sur trois langues – français, polonais, ukrainien –, c’est la méthode uploads/Societe et culture/ j-10-kost-piskozoub.pdf

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