Commentaire Décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017 Société de participation

Commentaire Décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017 Société de participations financière (Contribution de 3 % sur les montants distribués) Le Conseil constitutionnel a été saisi le 10 juillet 2017 par le Conseil d’État (décision n° 399757 du 7 juillet 2017) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par la société de participations financière portant sur le premier alinéa du paragraphe I de l’article 235 ter ZCA du code général des impôts (CGI), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015. Dans sa décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution. I. – Les dispositions contestées A. – Historique et objet des dispositions contestées 1. – L’article 235 ter ZCA du CGI : la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés au titre des montants distribués La contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés (IS) au titre des montants distribués a été instituée par l’article 6 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 créant un nouvel article 235 ter ZCA dans le CGI. * Le paragraphe I de l’article 235 ter ZCA institue la contribution, en détermine le champ d’application, l’assiette, le taux et les exonérations : – sont assujetties à la contribution les personnes passibles de l’IS. En sont néanmoins exonérés, d’une part, les organismes de placement collectif et, d’autre part, les petites et moyennes entreprises ; – la contribution est due par la société distributrice ; – la contribution est assise sur l’ensemble des revenus distribués au sens des articles 109 à 117 du CGI ; – la contribution est due au taux de 3 % ; – dans la rédaction de l’article 235 ter ZCA antérieure à la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, la contribution ne s’appliquait pas aux distributions réalisées entre sociétés membres d’un groupe fiscalement intégré au sens de l’article 223 A du CGI ou entre membres d’un groupe d’établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) fiscalement intégré au sens de l’article 223 A bis ; aux distributions entre sociétés d’un même groupe bancaire mutualiste ; aux distributions réalisées par les sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC) ; aux distributions réalisées sous forme de titres (actions, certificats coopératifs d’investissement ou d’associés). * Le paragraphe II exclut l’imputation sur la contribution de crédits d’impôt et de la créance née du report en arrière de déficits. * Le paragraphe III est relatif aux règles d’établissement, de contrôle et de recouvrement de la contribution, qui sont identiques à celles applicables en matière d’IS. 2. – Le contexte de la création de la contribution La contribution additionnelle à l’IS au titre des montants distribués a été conçue comme un impôt de rendement destiné à compenser le manque à gagner, alors estimé entre 800 millions et un milliard d’euros en année pleine, résultant de la suppression de la retenue à la source de 30 % sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) non-résidents. Cette suppression est la conséquence d’un arrêt de la CJUE du 10 mai 20121. Ainsi, l’exposé des motifs de l’article 5 du projet de loi, devenu l’article 6 de la loi indique : « I. – Par un arrêt du 10 mai 2012, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que la liberté de circulation des capitaux garantie par le droit communautaire s’opposait à la législation française qui soumet à une retenue à la source les dividendes de source française lorsqu’ils sont versés à des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) non- résidents tandis que ces mêmes dividendes n’y sont pas soumis lorsqu’ils sont versés à des OPCVM résidents de France. « Afin de se mettre en conformité avec le droit communautaire, il est proposé de supprimer la retenue à la source applicable aux revenus distribués aux OPCVM étrangers et, pour le même motif, d’étendre cette suppression aux autres organismes de placements collectifs (OPC) étrangers qui sont soumis actuellement à la retenue à source alors que leurs équivalents résidents de 1 CJUE, 10 mai 2012, aff. 338/11 à 347/11, Santander Asset Management SGIIC SA et autres, RJF 07/12 n° 775. 2 France sont hors du champ ou exonérés d’impôt sur les bénéfices (organismes de placement collectif immobilier, sociétés d’investissement à capital fixe) [...]. « II. – Par ailleurs, pour compenser la perte de recettes pérennes liée à la suppression de cette retenue à la source, il est proposé d’instaurer une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés (IS) de 3 % sur les montants distribués par les sociétés et organismes français ou étrangers passibles de l’IS en France ». L’évaluation préalable de l’article 5 du projet de loi de finances rectificative pour 2012 indique quant à elle : « Il s’agit de mettre la législation nationale en conformité avec le droit communautaire, tout en préservant les recettes de façon à ne pas mettre en péril la stratégie de redressement des finances publiques : sur le plan budgétaire, l’instauration de la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés est calibrée de manière à neutraliser le coût de la suppression de la retenue à la source sur les dividendes de source française ». 3. – Les distributions transfrontalières et les exigences européennes découlant de la directive « mère fille » La directive n° 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents régit les distributions de bénéfices entre une société mère et une filiale situées dans des États membres de l’Union européenne (UE) différents. Les dispositions de cette directive ont été reprises par la directive n° 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011, modifiée en dernier lieu par la directive n° 2015/121/UE du Conseil du 27 janvier 2015. Il s’agit de l’une des premières directives relative à la fiscalité des entreprises. Elle vise notamment à éviter la double imposition économique des remontées de dividendes des « filles » vers les « mères », lorsqu’elles sont situées dans des États membres différents. B. – Origine de la QPC et question posée * Dans une première procédure, le Conseil d’État avait été saisi d’une QPC soulevée par l’association française des entreprises privées (AFEP) et autres portant sur l’ensemble des dispositions de l’article 235 ter ZCA du CGI et mettant en cause le principe même de la contribution. Il était alors soutenu que ces dispositions étaient contraires aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques en raison de la discrimination dite « à rebours » que crée leur incompatibilité avec les articles 4 et 5 de la directive « mère fille » du 30 novembre 2011. Selon les requérants, en 3 effet, l’article 235 ter ZCA était contraire au droit de l’UE et ne devait donc pas s’appliquer aux situations transfrontalières intracommunautaires. Dès lors, son application aux seules situations internes ou transfrontalières extracommunautaires méconnaîtrait le principe d’égalité devant la loi. Le Conseil d’État a considéré que la question de la compatibilité des dispositions de l’article 235 ter ZCA du CGI avec les articles 4 et 5 de la directive soulevait une difficulté sérieuse, qu’il revenait à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de trancher. Il a, dès lors, fait application d’un raisonnement identique à celui retenu dans sa décision d’assemblée Jacob du 31 mai 20162, dans laquelle il a jugé que lorsque le motif d’inconstitutionnalité soulevé dans une QPC dépend d’une incompatibilité du droit national avec une directive, qui soulève une difficulté sérieuse d’interprétation du droit de l’UE, il convient alors de renvoyer la question à la CJUE, dans le cadre du litige de fond (et non pas dans le cadre de la QPC), et de regarder la QPC posée comme non sérieuse en l’état, les requérants conservant la faculté de présenter une nouvelle QPC à la suite de la décision de la CJUE. Par sa décision n° 399024 du 27 juin 20163, le Conseil d’État a donc jugé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer la QPC de l’AFEP, et a renvoyé à la CJUE une question préjudicielle sur la compatibilité de la contribution additionnelle avec la directive « mère fille ». Par un arrêt du 17 mai 20174, la CJUE s’est prononcée sur cette question préjudicielle, en jugeant que la contribution en cause était contraire à l’article 4 de la directive : « l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive mères- filiales doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une mesure fiscale prévue par l’État membre d’une société mère, telle que celle en cause au principal, prévoyant la perception d’un impôt à l’occasion de la distribution des dividendes par la société mère et dont l’assiette est constituée par les montants des dividendes distribués, y compris ceux provenant des filiales non-résidentes de cette société ». * À la suite de cet arrêt de la CJUE, la société de participations financière a formé un recours pour excès de pouvoir contre uploads/Societe et culture/ la-decision-du-conseil-constitutionnel.pdf

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