Le tatouage LA DEMARCHE L’acte Le tatouage est vécu, consciemment ou non, comme
Le tatouage LA DEMARCHE L’acte Le tatouage est vécu, consciemment ou non, comme une prise de liberté. La modification définitive du corps est source de sentiment de contrôle, de maîtrise. L'acte du tatouage en lui-même est déjà porteur de sens forts pour l'individu, qui est vécu comme un rituel. L’être unique La question de la liberté est essentielle dans le traitement de la question du tatouage, puisqu'elle en constitue l'une des raisons d'être. Le couple liberté / identité apparaît, et avec lui l'on comprendra l'insistance dont font preuve les tatoués à défendre l'aspect individuel, personnel de leurs tatouages. La construction identitaire Le corps est le support de l'identité, et le tatouage est vécu par les individu tatoués comme un instrument d'expression parmi d'autres. En modifiant son corps, en le marquant définitivement, on y empreinte une partie de son identité. Le phénomène est d'ailleurs réversible et la modification corporelle engendre une modification de soi. L'origine des sentiments de fierté, de confiance en soi conséquents de la pratique du tatouage sont à prendre en compte. Un corps marqué, de surcroît volontairement, c'est une identité affirmée, une image modifiée qui sera soumise à l'interprétation d'autrui. Les moments de vie Le tatouage marque des époques de la vie, des étapes, et il est considéré comme une mémoire pour le tatoué. Marquer son corps revient finalement à se garantir une mémoire inaliénable. Tout ce qui est encré sur le corps est une étape importante de la vie du tatoué et son passé, voire son présent, se trouve ainsi structuré. Une ligne de conduite auto-imposée Les tatouages sont dans l'ensemble vécu comme des rappels. On l'a vu ce peut être un simple rappel à une époque de la vie : un voyage, un anniversaire. Cependant, ils peuvent également être un rappel à l'ordre en quelque sorte, concernant un événement ou un état d'esprit passé. Cette fonction du tatouage est d'ailleurs la plus répandue. D'un rappel à une période passée à une incitation à l'action, la fonction de structuration de l'action du tatouage revêt différents degrés. Les tatoués vivent leurs encrages comme des lignes de conduite, des rappels ostentatoires à leur identité. Leur liberté s'exerce paradoxalement dans un autocontrôle et le marquage corporel est un garde fou. Le tatouage tel qu'il est pratiqué aujourd'hui dans les sociétés dites développées s'inscrit pleinement dans le développement de l'individualisme moderne. L’individu socio-historique Le tatouage est une technique d'amélioration de soi et structurant de l'action individuelle, qui peut être analysée comme une autre forme d'assistance à l'individu. Cette fonction du tatouage n'est pas consciente pour la plupart des tatoués. Pourtant, la description de leurs démarches laisse souvent entrevoir le tatouage comme une réponse à un besoin d'expression, de signification... Loin d'être perçu comme un simple instrument d'autocontrôle, le tatouage est réellement vécu comme une liberté. Le tatouage visible Les individus portant des tatouages visibles en public recherchent par cette démarcation à exprimer le rejet des normes sociales. Issues pour la plupart de classes sociales moyenne ou populaire, ils vivent le tatouage comme signe de l'exclusion dont ils sont ou se sentent victimes et à la fois comme prétexte à une exclusion plus forte encore. Ayant conscience de la connotation négative de cette modalité de pratique du tatouage, ils doivent toutefois s'accommoder de celle-ci du point de vue professionnel, puisqu'ils se coupent ainsi de nombreuses possibilités, inadéquates avec le port de tatouages visibles. Ainsi les métiers correspondant aux CSP supérieures sont bannis de l'univers des possibles, ainsi que tous les métiers qui impliquent des interactions avec le public dans un cadre public ou privé, exceptées les professions libérales intellectuelles. Malgré un choix apparent du refus du jeu, des normes sociales, les individus sont largement déterminés dans le choix des emplacements des tatouages, et donc de leur visibilité, mais aussi dans le choix et la taille des motifs. Ceux-ci sont en effet assez universels, c'est-à-dire qu'ils correspondent à des dessins très répandus, et qui ne sont pas retravaillés avant d'être inscrits sur la peau. Ils sont également assez imposants de part leur taille, et plutôt colorés. Une conformité dans l'exclusion peut donc être mise en évidence comme premier paradoxe, accompagné du piège de la marginalisation, c'est à dire l'impossibilité d'une exclusion volontaire du jeu social. Vécue comme une marge de liberté, le tatouage est un indice supplémentaire permettant de rendre compte de la détermination sociale, et de la fatalité de l'emprise de la structure sur l'individu. Malgré la forte exposition de leurs encrages, certains tatoués expriment la préférence paradoxale que ceux-ci ne soient pas interprétés par autrui... Un point central est toutefois clair et partagé : celui de la connotation négative que gardent les tatouages visibles dans une grande partie de la société malgré son évolution. Même si le choix du motif est vécu par les tatoués comme une marge de liberté favorisée par un univers des possibles illimité, elle est visiblement à nuancer puisqu'elle aboutit à un choix qui se trouve être celui de la conformité. Et la démarche des individus portant des tatouages visibles s'inscrit elle même dans un cadre de conformité. Dans certains domaines, les tatouages, même visibles, sont bien acceptés, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas un frein à l'embauche. C'est le cas des domaines créatifs (art, publicité, mode...), des métiers où le contact avec le public est réduit (BTP...) et des métiers à faible responsabilité sociale Conclusion : une liberté doublement niée Certes les individus qui choisissent de se faire tatouer le font dans une démarche de liberté, et dans une conscience de l'exclusion que peut entrainer ce rejet des normes sociales. Toutefois, leur démarche revêt une double conformité qui facilite leur intégration à certains groupes mais entraîne conséquemment leur marginalisation de la société. Ce qui pouvait apparaître comme une simple connotation négative du tatouage s'avère être la source d'une perte de maîtrise des codes sociaux de l'interaction, de surcroît déterminée par l'appartenance sociale. La démarche de liberté que les individus suivent en se faisant encrer un motif visible est doublement niée. Tout d'abord cette démarche aboutit paradoxalement à une conformité, qui est déterminée socialement. Le poids des déterminismes est une invariable sociale qui s'applique aux individus portant un tatouage visible comme aux autres. Cependant, leur liberté d'individu portant un tatouage visible est également niée par le fait que leur démarche aboutit à un résultat opposé à l'objectif de départ qu'il soit conscient ou inconscient. Souhaitant manifester un rejet des normes sociales et affichant un détachement de celles-ci, ils font un choix, qui on l'a vu n'est pas réellement un choix puisqu'il est socialement déterminé, qui les amène à être davantage soumis à ces normes sociales, puisqu'ils ne maîtrisent plus les codes sociaux de l'interaction. La distance au rôle aboutit finalement à un engagement involontaire plus important encore dans un autre rôle. Le rejet des normes sociales n'est qu'une soumission à d'autres normes en vigueur dans d'autres groupes de la société. Dans le cas du tatouage visible ce sont des groupes qui ont des codes plus tolérants en terme de modifications corporelles mais qui sont en contrepartie marginalisés. Les individus se retrouvent donc toujours soumis à des normes qui sont simplement différentes, et ils doivent toujours jouer des rôles, qui dépendent simplement d'un registre différent, mais sont toujours issus de représentations sociales préétablies. VISIBLE OU INVISIBLE Le tatouage non visible La modification de soi et la mise en scène de soi est utilisée différemment par les personnes tatouées appartenant à des catégories sociales plus aisées, qui préfèrent aux manches ou aux tatouages dans le cou des tatouages beaucoup plus discrets de part leur taille, leur couleur (plus souvent en noir et gris) et surtout leur emplacement puisqu'ils sont invisibles en public. Ils s'offrent pour leur part le luxe d'une identité flexible : d'être ou non tatoués, puisqu'ils ont la possibilité de cacher leurs tatouages en public ou de les dévoiler dans des cercles de relations plus privés. Contrairement aux tatouages visibles, les motifs sont beaucoup moins universels, ou si c'est le cas sont plus retravaillés par la personne ou son tatoueur, et la signification accordée au tatouage est bien plus importante. Elle peut même dépasser l'intérêt pour le motif. On peut reprendre à ce propos l'expression de David Le Breton : le « bricolage identitaire », en le déclinant en deux aspects. La signification des tatouages est souvent multiple et résulte d'un bricolage de plusieurs origines pour le dessin (géographique, graphique, stylistique...) et la symbolique. Un point d'honneur est mis au caractère personnel du tatouage, à l'aspect privé voire secret de sa signification : seuls les personnes les plus proches, voire les tatoués eux-mêmes peuvent déchiffrer la signification de leurs tatouages. Contrairement au constat de conformité évoqué pour les personnes portant des tatouages visibles, les tatoués issus des catégories sociales plus aisées cherchent en premier lieu la distinction. L'identité individuelle dépasse l'identité sociale. L'individu s'offre le plaisir de pouvoir apparaître d'une manière différente de ce que l'on perçoit habituellement de lui. Le caractère historiquement stigmatisé du tatouage rajoute une touche rebelle qui n'apparaît pas sans déplaire à ces tatoués uploads/Societe et culture/ le-tatouage 1 .pdf
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- Publié le Jan 29, 2021
- Catégorie Society and Cultur...
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