Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert QUE SAIS-JE ? Les 100 m

Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert QUE SAIS-JE ? Les 100 mots de Proust MICHEL ERMAN Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Bibliographie thématique « Que sais-je ? » Paul Aron, Alain Viala, Les 100 mots du littéraire, n° 3822 Pierre Brunel, La critique littéraire, n° 664 Henri Suhamy , Les figures de style, n° 1889 Jean Lacoste, La philosophie de l’art, n° 1887 Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert 978-2-13-062711-1 Dépôt légal – 1re édition : 2013, mai © Presses Universitaires de France, 2013 6, avenue Reille, 75014 Paris Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Sommaire Page de titre Bibliographie thématique Page de Copyright Avant-Propos Corpus Liste des entrées Notes Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Avant-Propos À la recherche du temps perdu est le roman d’une initiation sentimentale, sociale et artistique qui aboutit à une esthétique métaphysique opposant à la force destructrice du devenir et de l’oubli la permanence de l’être. C’est aussi un immense témoignage d’une traversée de l’existence et des passions. En ses mille et une nuits, Marcel Proust a fait se croiser au-delà du bien et du mal des personnages authentiques et snobs, capables de sympathie comme de bassesse, des personnages ambivalents condamnés au vouloir-vivre et, pour certains d’entre eux, habités par une forte volonté de domination aussi bien libidinale que sociale. De cette lutte pour la reconnaissance qui s’inscrit dans le contexte historique de la Belle Époque, le romancier a voulu montrer la vanité sans estomper son aspect tragique. Il y a du moraliste en lui quand il prétend « déchiffrer le livre intérieur de signes inconnus » que composent le cœur et l’esprit humains, cependant il n’a en rien cherché à privilégier les déterminismes sociaux ou mondains qui l’auraient conduit à écrire une œuvre réaliste. Au contraire, son point de vue subjectif teinté d’imagination s’attache à situer les personnages – y compris le héros anonyme – dans l’univers phénoménal sans jamais expliquer toutes leurs attitudes, car « une personne est une ombre où nous ne pouvons jamais pénétrer » (II, 367)1. Tout cela condense sa vision philosophique : la réalité ne procède pas de lois propres, elle dépend de nos perceptions qui impriment en nous des impressions en rapport avec nos émotions ou nos désirs. Et il revient à la littérature de ressaisir et d’éclairer ces impressions Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert pour dire une présence au monde. Évoquer Proust et la Recherche en 100 mots, c’est entrer dans un roman qui, des drames de l’enfance aux vanités du jeu mondain, raconte l’histoire d’une vocation d’écrivain à travers les espoirs et les énigmes de la vie, et c’est découvrir des personnages et des lieux à la fois réels et imaginaires. C’est aussi décrire des émotions, tels le plaisir, la culpabilité, la hardiesse, et des inclinations comme l’art, la beauté féminine, la francité dont dérivent nombre de passions. De la jalousie qui s’épuise en ennui au snobisme qui délie de toute promesse en passant par la cruauté qui chosifie autrui, il est beaucoup question de l’amour de soi dans le roman proustien, parfois jusqu’à l’aveuglement. C’est encore rencontrer des notions relatives à l’histoire littéraire, à la poétique, à l’esthétique, à la philosophie qui parcourent toute l’œuvre. Enfin, c’est écarter nombre de clichés relatifs à l’auteur lui-même. Rien n’est plus faux que l’image d’un Proust mondain et admirateur d’une aristocratie dont il déplorerait la disparition. Dans la Recherche, il ironise autant à propos de l’esprit de cour et de la sécheresse de cœur du faubourg Saint-Germain qu’à propos de la facticité des ambitions de la bourgeoisie. Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert ALBERTINE Albertine, l’audacieuse et désinvolte cycliste rencontrée, en 1897, sur la digue à Balbec, fait immédiatement l’objet des rêveries du narrateur qui va s’éprendre d’elle. Leur liaison ne commencera, de façon sporadique, que quelques mois plus tard, à Paris, et se concrétisera lors du second séjour dans la station balnéaire ; elle connaîtra en ses commencements quelques moments de plaisir et de douceur. Comme beaucoup de personnages de la Recherche, Albertine se révèle dans la diversité de ses apparitions. Elle est sensuelle, gourmande, voire voluptueuse, comme son double éponyme, Alberte, l’héroïne du Rideau cramoisi, une nouvelle de Barbey d’Aurevilly . Toutefois, ce sont ses aspects mystérieux et inconstants ainsi que ses nombreux mensonges qui contraignent le héros à se transmuer en détective afin de débrouiller toutes ses attitudes et d’essayer de comprendre la labilité des sentiments qui font la spécificité de son personnage : « il était incroyable à quel point sa vie était successive, et fugitifs ses plus grands désirs » (III, 910). Albertine est aussi sujette aux changements d’humeur et à quelques accès hystériques d’angoisse. L ’amour inquiet que lui porte le héros est renforcé par le soupçon de ses inclinations saphiques. Cela l’amène à en faire sa « prisonnière » au cours des six mois de vie commune qu’ils connaissent à Paris avant que la jeune fille ne s’enfuie en Touraine, chez sa tante. Cette période est marquée par de nombreux épisodes de jalousie et, finalement, par l’ennui de l’amant à Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert l’égard de sa « captive », tant et si bien que celui-ci souhaite mettre fin à leur relation : la chatoyante jeune fille de la plage s’étant transformée en « grise prisonnière, réduite à son terne elle-même » (III, 679). Elle mourra bientôt des suites d’une chute de cheval. Albertine est-elle partie parce qu’elle n’aimait pas le narrateur dont elle ne supportait plus la jalousie ou pour obtempérer aux injonctions de sa tante qui voulait la marier à un autre homme ? Elle demeure à jamais insaisissable et sexuellement ambivalente en dépit des relations charnelles qu’elle a avec son amant. Elle est de ces êtres que le désir entraîne toujours ailleurs, des « êtres de fuite », comme le dit Proust. Avec Albertine, le romancier a créé une figure archétypale qui exprime l’instabilité du féminin. AMOUR Il n’y a pas dans la Recherche de passions heureuses, la violence affective – les tourments de la jalousie, en particulier, qui font de l’amant un geôlier hanté par une perpétuelle incertitude – et le désenchantement règnent partout. Les couples qui peuplent le roman communient parfois dans le plaisir mais jamais dans le bonheur ; ils semblent voués à l’angoisse. Qu’on en juge : « Une femme est d’une plus grande utilité pour notre vie, si elle y est, au lieu d’un élément de bonheur, un instrument de chagrin » (IV , 78). L ’amour renvoie à soi, l’autre n’en est que le réceptacle. Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Si l’on se porte vers le héros, il faut bien conclure que de ses amours adolescentes pour Gilberte, qui se heurtent à l’indifférence de la jeune fille, à l’échec de sa passion jalouse pour Albertine, le signe de l’amour est l’absence qui aiguise le désir, alors que la présence de l’aimée l’éteint. De là son goût pour les « passantes » à la « fugitive beauté » (Baudelaire), comme cette jeune fille aperçue sur un quai de gare (II, 16-18) ou telle autre à la cigarette rencontrée dans le petit train de Balbec (III, 276), ou cette autre encore, « fragmentaire et fugitive », croisée sur une route estivale (II, 73). De là aussi son attrait pour les femmes rêvées, comme la femme de chambre de la baronne Putbus ou Mlle d’Eporcheville qu’il n’a jamais rencontrées mais qu’il imagine voluptueuses. C’est que l’amour repose sur des tropismes sexuels enfermant les uns et les autres dans des désirs instables et anxiogènes derrière lesquels on devine l’ombre fantasmée de l’androgyne qui mène au triomphe, malheureux et tragique selon Proust, de l’inversion : « les invertis […] remonteraient […] à cet hermaphrodisme initial dont quelques rudiments d’organes mâles dans l’anatomie de la femme et d’organes femelles dans l’anatomie de l’homme semblent conserver la trace » (III, 31). Tout se passe comme si la nature se vengeait de l’évolution conduisant à la différence des sexes. Remarquons que dans cette configuration, la jalousie affecte uniquement des personnages masculins épris, dans la plupart des cas, de femmes ayant des attirances lesbiennes. Chez les invertis, l’amour repose aussi sur une sorte de folie fière et aveugle impliquant une relation bipolaire, parfois érotomaniaque. C’est le cas de Charlus abandonné par Morel que l’orgueil conduira vers des pratiques sadomasochistes. Facebook : La culture ne s'hérite pas elle se conquiert Chez Proust, le sentiment amoureux se nourrit donc du manque et des obstacles. De plus, il est exalté par l’imagination qui laisse entrevoir à l’amant la possibilité d’avoir une vie plus intense, mais il ne connaît guère de moments de cristallisation : lorsque le sentiment semble comblé, l’attirance et le désir s’évanouissent puisqu’ils ne poursuivent « que des fantômes, des êtres dont la réalité [relève de] l’imagination » (III, 401). uploads/Societe et culture/ les-100-mots-de-proust-michel-erman.pdf

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