Les Collectionneurs d’Art Contemporain Prédispositions, Comportements et Conséq

Les Collectionneurs d’Art Contemporain Prédispositions, Comportements et Conséquences Les Collectionneurs d’Art Contemporain Prédispositions, Comportements et Conséquences Jonathan Philippe LEVY sous la direction de Philippe ERNOTTE IIème Licence - Atelier de Photographie Ecole Nationale Supérieure des Arts Visuels de la Cambre «L’imaginaire et le réel sont deux lieux de la vie.» Jacques Lacan le collectionneur Du mécénat, le collectionneur conserve un rôle de protecteur du savoir et de la création. Il protège la santé d’un cosme (celui de l’art) mais aussi s’affirme aujourd’hui individuellement dans un microcosme (celui des collectionneurs). Ce positionnement au sein du monde des collectionneurs est celui qui nous intéresse. Pour beaucoup de monde, le collectionneur d’art dégage une image négative : parfois snob, souvent riche, narcissique et intéressé. Cependant, cela participe beaucoup plus d’une mauvaise perception de l’art contemporain auquel on rattache les collectionneurs eux-mêmes. Un seul exemple, datant d’il y a une trentaine d’années : le publicitaire Charles Saatchi approche Leo Castelli, réputé le meilleur marchand du monde, qui lui propose un inves- tissement gagnant : créer une nouvelle gloire de l’art international. Le choix se porte sur le jeune Julian Schnabel, pas plus doué que ses camarades du post-modernisme new-yorkais (mais pas moins non plus), qui accepte le marché : produire sous contrat environ quatre cents grands tableaux par an. Évidemment, on lui procure de quoi embaucher des assistants, qui travailleront dans plusieurs lofts sur ses indications. Aussitôt, sur les conseils de Castelli, Saatchi acquiert des oeuvres de maîtres classiques convoitées par de grands musées ayant un département d’art contemporain et les leur offre : il s’agit du Metropolitan Museum de New-York, d’une part, de la Tate Gallery et de la Whitechapel Gallery de Londres, d’autre part. Investissement rentable : comme prévu, les trois institutions proposent au généreux donateur de devenir « trustee » chez elles. Elles n’ont rien à lui refuser : toutes trois organisent donc, en moins de deux ans, de grandes expositions Schnabel, ce qui suscite une demande mondiale pour le jeune peintre. La cote de Schnabel a atteint des sommets en quelques mois, pour le plus grand profit de Saatchi, détenteur de la production, et aussi pour sa gloire. Qui dit mieux ? Pas Pinault à ce jour, en tout cas. Jean-Luc Chalumeau, dans l’Humanité en date du 7 octobre 2006, au sujet de son livre « La Force de l’art » existe depuis toujours Il semble acquis par un grand nombre que l’art ne se définit plus comme «une œuvre» mais comme un ensemble d’acteurs et d’évènements, un champ de forces culturelles, comme un véritable milieu. En tant que composante logique du monde/marché de l’art, le groupe des collectionneurs obéit à toutes une série de règles microsociétales, codification des manières et atti- tudes, sélection intellectuelle, obligations envers ses pairs, etc. ... Il n’y a pas deux collectionneurs identiques, au mieux ont-ils des points communs ou des affinités. Cependant, ils ont de commun au moins une œuvre au mur et une au stock. et collectionneur Heliod Spieckermann L’activité des collectionneurs privés de Cologne est-elle en étroite corrélation avec les galeristes et la foire d’art contemporain ? Wilfried Dickhoff Oui. C’est exactement là que se trouve l’interaction vitale. Le noyau est formé par les artistes et leur réseau d’amis et d’ennemis, qui s’étend jusqu’aux Etats-Unis. Depuis plusieurs années, de nombreux artistes américains importants comme Cindy Sherman, Robert Gober, Richard Prince, Mike Kelley et d’autres, exposent régulièrement dans des galeries de la ville. Ils jouent un rôle actif dans la plate forme que Cologne représente aujourd’hui dans la discussion internationale sur l’art. Cela se reflètre visiblement dans les collections qui transmettent en retour des impulsions nouvelles aux artistes et aux galeristes. Voila exactement où nous voulions en venir, comme le souligne Wilfried Dickhoff, il existe une interaction vitale entre collectionneurs, galeristes et foire. Le marché pouvant se vulgariser comme un rappro- chement entre offre et demande, nous avons ici une preuve de l’existence de l’entité art comme “marchandise” échangée sur un “marché” entre différents acteurs. Le marché n’est pas pour autant un modèle fermé sur le plan économique. Outre les avantages offerts par l’investissement dans l’art (sur le plan fiscal p.e.), il y a la dimension luxueuse de l’objet d’art qui elle est historique et lui confère une existence publique. On arbore aujourd’hui - en son intérieur - une pièce maîtresse de la même manière qu’on porte un bijou ou un sac de grande marque. Les attitudes envers l’objet évoluent graduellement vers un individualisme matérialiste sans pour autant qu’on puisse le qualifier de positif ou négatif. luxe : 11 synonymes. Synonymes abondance, confort, faste, fortune, magnificence, opulence, ri- chesse, somptuosité, splen- deur, standing, superflu. Il y a différentes manières d’approcher l’objet, chacune de ces approches menant à des conséquences différentes, voire opposées. Ces approches sont fortement conjoncturelles. Comme dans chaque investissement non-indispensable, l’état de la conjoncture socio-économique générale est à l’origine de périodes de prospérité ou de disettes, renversant idéologiquement le marché et le milieu tout entier à chaque fois. L’économie fonctionnant d’une manière cyclique, il est prévisible que le marché subisse de fortes variations ou difficultés tous les 15/20 ans environ. Sans entrer dans une théorie sur ces cycles, il est bon de rappeler que toute sphère à orientation spéculative (bien que l’intention de départ puisse être différente) éclate à un moment pour se restructurer, il en va de même pour le marché de l’immobilier aussi bien que pour celui du service (service I.T. par exemple), etc. ... Ces restructurations touchent directement chacune des composantes de cette mircosociété. Artistes, galeristes, collectionneurs, acheteurs et institu- tions (publiques/privées). Heliod Spieckermann Observe-t-on chez les collectionneurs privés de Cologne une sorte de “mur du son” matériel, une limite concernant l’acquisition d’oeuvres d’art ? Wilfried Dickhoff Non, pas pour l’acquisition d’oeuvres d’art. Ces limites se trouvent uniquement dans l’esprit, la vision, le besoin de compensation et la pensée de chacun; il y a aussi les limites de la peur. Dans son numéro d’avril/mai 1992, Galeries Magazine interviewant Wilfried Dickhoff, collectionneur allemand, nous donne à lire une question et une réponse intrinsè- quement liées par un contexte écono- mique favorable. Force est de croire que si la conjoncture eut été différente, la réponse l’aurait été tout autant. Sur la définition du collectionneur privé, W .D. nous apporte une réponse elle aussi fortement en rapport avec son époque. Heliod Spieckermann Puisque ces collections privées sont exposées publiquement, certains vont sans doute se demander quelles sont les classes sociales qui vivent au quotidien avec l’art contemporain ? Les médias ont-ils raison lorsqu’ils affirment que posséder des oeuvres d’art donne un certain prestige social ? Wilfried Dickhoff Acheter des oeuvres d’art, c’est acquérir une identité; ce qui est toujours en jeu lorsqu’on collectionne. Mais le prestige social et la spéculation ont peu d’influence à Cologne. Je ne connais pas un seul collectionneur qui ait fanfaronné dans les années 80 et qui, aujourd’hui, se retrouve à courir les salles de ventes, tremblant de peur. Ce n’est pas un phénomène que l’on rencontre à Cologne. Ce jeu de construction d’identité est un des marqueurs commun à tous les collectionneurs. La construction de cette image/identité passe par une série de choix d’attitude, orientés par certaines prédispositions (éducation, histoire familiale, etc. …). C’est de ces attitudes que naît une possible classification propre au groupe des collectionneurs. Nous allons maintenant nous attarder sur cette classifi- cation qui nous apparaît de type circulaire. Les Russes Ce sont des collectionneurs/acheteurs peu précationneux de leurs choix. Ils sont souvent néophytes en la matière et entretiennent un rapport particulier aux œuvres. L’oeuvre est un accessoire de mode au même titre que pourrait l’être un objet. Le rôle attribué à l’objet d’art est profondément monstratif, quelle que soit la destination de l’image dégagée. Image et Collection sont ici intimement liées. Chaque œuvre tend à fortifier la fierté individuelle. Cependant, cette classe de collectionneurs n’a pas la capacité d’exister sans la reconnaissance matérielle de l’acquis par un ou plusieurs éléments extérieurs (personnes / publications / etc. …). L’exemple le plus vulgaire serait celui du sac à main de marque. Le Russe est celui qui par exemple achètera un sac de marque, indépendamment de son modèle, de l’année de son édition, de critère esthétique, juste car il faut avoir un tel sac. On peut dire que fonction de leurs moyens, ces collectionneurs subissent l’art. Ils le défendent par la manifestation de propriété, en découle une manifeste évidence. Les Collectionneurs-Suiveurs / de type Occidental Ce sont des collectionneurs/acheteurs prêtant une attention particulière à leurs choix. Ils sont ce que l’on pourrait qualifier de deuxième degré d’attitude. La collection se constitue en fonction d’un certain nombre de choix/critères personnels. Il s’agit du premier degré d’existence autonome au sein de ce microcosme. L’œuvre est reconnue en tant que telle par l’individu et ni l’œuvre ni le collectionneur ne nécessite l’assentiment par ses pairs. En conservant l’exemple du sac à main de marque, on pourrait considérer que le choix du modèle, de l’édition, de la couleur ainsi que de l’année est indispensable pour justifier l’acquisition. On pourra uploads/Societe et culture/ les-collectionneurs-d-x27-art-contemporain.pdf

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