LES PRATIQUES SPORTIVES Daniel Dufourt, Professeur de Sciences Economiques, SCI
LES PRATIQUES SPORTIVES Daniel Dufourt, Professeur de Sciences Economiques, SCIENCES PO-LYON Programme égalité des chances Séance du 18 janvier 2012 Plan Introduction Du sport aux pratiques sportives : à la recherche de l’identité d’un lien social 1ère Partie Les pratiques sportives en France aujourd’hui: état des lieux 2ème Partie Les représentations des pratiques sportives: de la littérature aux sciences sociales 3ème Partie L’instrumentalisation des pratiques sportives au bénéfices des intérêts des acteurs. Conclusion Introduction Afin de comprendre comment une activité physique résultant d’un choix personnel devient une pratique collective, mobilisant des institutions, des ressources, des équipements, il y a lieu de poser à titre liminaire 3 questions: - quelle est la place du sport dans la société? Ici, ce qui est en jeu c’est le passage d’une activité physique à une pratique sportive reconnue comme pratique sociale. - quel sens les pratiques sportives revêtent-elles tant pour les individus qui s’y adonnent que pour la société à laquelle ils appartiennent? Ici, c’est la capacité des pratiques sportives à participer à la construction d’un vivre ensemble qui est interrogée. - comment et pourquoi les sciences sociales se sont-elles emparées du sport pour en proposer des analyses et interprétations au motif que, au même titre que les pratiques religieuses, les pratiques sportives sont la manifestation d’un « fait social total »* * « Le sport apparaît aujourd'hui comme un « fait social total » (Marcel Mauss), en ce qu'il peut mettre en branle la totalité de la société et de ses institutions, qu'il engage toutes ses dimensions (politiques, économiques, culturelles, sociales, technologiques, etc.) et qu'il façonne, en même temps, les diverses formes de la vie quotidienne des agents qui la composent (pratiques, représentations, styles de vie, esthétiques, éthiques).» Christian POCIELLO, article Sport - Histoire et Société, Encyclopédia Universalis. Introduction 1) La place du sport dans la société a) le sport dans la société industrielle doit être distingué des jeux, souvent associés à des rites, dans les sociétés traditionnelles: « Les analyses relatives aux jeux ou compétitions dans les civilisations dites traditionnelles s’accordent à souligner leur origine sacrée, dans la mesure où, au-delà de l’occasion qu’ils offrent de se mesurer à l’autre, ils sont un appel à la manifestation de forces surnaturelles et demeurent attachés à un culte (Caillois R., 1963 ; Cazeneuve J., 1967) » A l’inverse, dans la société victorienne du milieu du XIXème siècle « les exercices physiques désignés sous le nom de sport sont les courses hippiques, les courses à pied et la boxe. Ces épreuves servent de support à des paris (« to sport ») dont les montants peuvent être très élevés. Ces compétitions sont organisées par des aristocrates. Des « écuries » de professionnels issus du peuple et sévèrement entraînés sont formées, les affrontements codifiés et l’égalisation des chances recherchée afin d’assurer au pari tout son intérêt. » C’est pourtant à partir de cette période que s’affirment l’idée et la réalité selon lesquelles «le sport est autre chose que la pratique d’une activité physique, que le simple désir de jouer. Comme le rappelle Michel Caillat « le sport est du domaine de la convention et de l’institué; le jeu appartient au monde de la transgression et de l’instituant ». Introduction 1) La place du sport dans la société b) En France le sport depuis les années 1880 et jusqu’au Front populaire, sert à discipliner la violence, à concourir à une formation militaire et à encadrer les classes populaires: Ce qui apparaît clairement en France, à la fin des années 1880, c'est l’existence d’une double orientation qui met d'un côté le sport, activité plutôt ludique organisée à l’initiative de notables à l’image du Yacht club de France (1867) et du Tennis Club de Lyon (1900) et de l'autre l'éducation physique, circonscrite à l’apprentissage de la gymnastique.. Les dirigeants de la 3ème République choisissent la gymnastique, rendue obligatoire à l’école (loi du 27 janvier 1880) contre le sport. Médecins et militaires auront pendant longtemps la même vision des choses, il faut éviter les excès pour conduire le plus grand nombre au plus grand rendement utile, qu'il s'agisse de la vie militaire ou de la vie civile. Ce choix est celui de rassembler les Français autour des valeurs de l’école laïque, gratuite et obligatoire au travers des « bataillons scolaires ».* * tout établissement public d’instruction primaire ou secondaire, ou toute réunion d’écoles publiques comptant de 200 à 600 élèves âgés de de douze ans et au-dessus pourra, sous le nom de bataillon scolaire, rassembler ses élèves pour des exercices gymnastiques et militaires pendant toute la durée de leur séjour dans les établissements d’instruction (...) Décret du 6 juillet 1882 sur la création des bataillons scolaires Introduction 1) La place du sport dans la société c) Dès le début deux types de pratiques sportives, opposant celles qui concernent l’aristocratie et lui confèrent un sentiment de distinction et celles qui visent à rassembler les classes populaires : Si l'invention du sport se trouve du côté des collèges britanniques*, le rôle des entreprises, des patronages, des syndicats et des partis politiques dans la diffusion du sport est ensuite décisif. Le FC Sochaux à Montbéliard (Peugeot), la Juventus de Turin (Fiat), le Bayer Leverkusen (Bayer), le PSV Eindhoven (Phlllips) constituent autant d'exemples ou la genèse d'un club de football dépend localement d'entreprises puissantes. D'autres institutions se sont mobilisées pour diffuser la pratique sportive et en tirer un bénéfice. On observe ainsi, sous la 3ème République, durablement une rivalité entre la FGSPF (Fédération gymnastique et sportive des patronages de France), un patronage catholique, qui s'évertue à créer des clubs de football (et de basket-ball) et I'USFSA (Union des sociétés françaises de sports athlétiques) créée en 1906 et qui interdit à ses clubs de rencontrer leurs concurrents de la FGSPF. Le problème n'est que progressivement résolu par la création de la Coupe de France (1919) puis d'une Fédération Française de Football (1932). * « la genèse du sport moderne se situe au collège de Rugby, ou le directeur Thomas Arnold de 1828 à 1840 participe à la codification des règles sportives au sein de son établissement. La naissance du sport est donc intimement liée à la révolution industrielle, dans la mesure ou son institutionnalisation dans les écoles de l élite constitue une réponse pour discipliner les désordres de la société victorienne. Le sport se définit alors comme « la violence maîtrisée ». Introduction 1) La place du sport dans la société d) les pratiques sportives exigent des équipements dont la disponibilité nécessite de coûteux efforts financiers: Si aujourd'hui, la pratique du football est si aisée en France, c'est parce que les municipalités (d'abord communistes dans l'entre -deux-guerres puis les autres ..) ont consenti des efforts financiers considérables pour bâtir des stades municipaux. Les États-Unis, qui ne disposent pas de telles infrastructures pour le football (soccer), ont en revanche aménagé de nombreux golfs, facilement accessibles (l'aire urbaine de Chicago comprend plus de deux cents golfs, dont beaucoup dans des zones déshéritées, et pour un prix d'accès modique), alors qu'en France ces parcours sont peu nombreux et réservés à une élite. Encadré: différences entre jeux des sociétés traditionnelles et sport contemporain ENCADRE En se référant aux travaux sur les jeux des Indiens Fox et des Algonkin, Claude Levi-Strauss note comment les fêtes d’adoption du mort s’accompagnent de compétitions sportives faites de jeux d’adresse ou de hasard. Les cérémonies d’adoption visent à remplacer un parent mort par un vivant afin de permettre le départ sûr et rapide de l’âme du défunt en nourrissant envers lui les mêmes sentiments qu’à l’égard du parent mort et en étant ainsi dans le même rapport de parenté vis-à-vis de l’adopté. Les rites funéraires visent à se débarrasser des morts afin qu’ils ne se vengent pas sur les vivants des regrets qu’ils ressentent de ne plus être avec eux. Lors des jeux, les camps, divisés en deux moitiés, opposent les vivants et les morts, comme si les vivants offraient aux morts leur dernière partie avant de s’en séparer. Cette « asymétrie principielle » des deux camps conduit à une issue du match fixée à l’avance : le vainqueur est le camp des morts, pour leur donner l’illusion qu’ils sont les vrais vivants et que leurs adversaires sont morts puisque tués symboliquement (Levi-Strauss C., 1962 : 45-46) Introduction 2) Quel sens les pratiques sportives revêtent-elles? a) les vertus traditionnelles reconnues aux pratiques sportives: - le culte de l’effort [« Le sport c’est le culte volontaire et habituel de l’effort musculaire intensif, appuyé sur le désir de progrès et pouvant aller jusqu’au risque » Baron de Coubertin (1905)] - un substitut à l’oisiveté, au dévergondage, à la délinquance - un antidote à l’alcoolisme, au tabagisme, à la drogue - une école de courage, de persévérance, de dépassement de soi - un apprentissage de la vie de groupe, du respect de l’autre et de la hiérarchie b) les valeurs du sport C’est dans l’œuvre des grands écrivains qu’il convient uploads/Societe et culture/ les-pratiques-sportives.pdf
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- Publié le Aoû 30, 2021
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