MANAGEMENT INTERCULTUREL : « TRAVAILLER AVEC DES GENS DIFFÉRENTS N’A RIEN D’UNE

MANAGEMENT INTERCULTUREL : « TRAVAILLER AVEC DES GENS DIFFÉRENTS N’A RIEN D’UNE ÉVIDENCE » Si les rapports interculturels sont aussi anciens que la découverte des civilisations, le concept a pris une ampleur toute particulière dès les années 60. C’est à cette période que la formalisation d’études et l’analyse de codes culturels ont permis de dégager un sujet d’expertise applicable au niveau professionnel pour travailler plus efficacement. Autre élément fondateur : l’étude menée auprès des 100 000 collaborateurs d’IBM, venant révéler l’existence du « plus petit dénominateur commun » des modes de fonctionnement de diverses cultures, comme le rapport au temps, variable d’un peuple à l’autre. Coup d’accélérateur à la fin des années 80, avec la chute du Mur de Berlin, qui brise les carcans et fait émerger la pluralité des comportements culturels et des spécificités nationales. La fin des modèles et l’amorce de la mondialisation mettent alors l’interculturel au cœur du débat. Charles Rostand, directeur général d’Akteos, cabinet spécialisée dans l’accompagnement de l’interculturel, nous livre son analyse. Quelles sont les grandes évolutions en termes de management interculturel ? En l’espace d’une quinzaine d’année, le contexte a changé. Si, à l’origine, les interventions se tournaient vers la gestion de l’expatriation, elles sont devenues plus complexes avec la globalisation. Il s’agit aujourd’hui d’aborder la gestion des équipes à distance, mais aussi celle de projets internationaux, les collaborateurs interagissant de façon matricielle tout en étant physiquement à distance. Nous sommes passés de problématiques individuelles ou bilatérales à des problématiques multiculturelles et transversales. Ceci s’est renforcé avec l’inclusion de talents internationaux, ces collaborateurs de pays aux codes différents qui doivent s’adapter à des environnements étrangers à leurs yeux. Comment préparer ses collaborateurs à travailler dans des environnements différents ? Pour aider leurs futurs expatriés, les entreprises s’appuient sur des prestataires, lesquels apportent un point de vue indépendant et objectif. Il s’agit pour ces derniers de donner des clés de fonctionnement et de compréhension de diverses cultures afin d’éliminer les éventuels grippages qui pourraient survenir lors du choc des cultures. Le métier d’accompagnement à l’international s’est fortement développé, amenant les prestataires à donner des cadres de références précis. Quels sont les contextes de travail les plus faciles à l'international ? Et les situations les plus complexes ? Certaines cultures ayant des références communes collaborent de manière fluide. C’est le cas par exemple de l’Allemagne et du Japon, qui ont la même notion de déférence et de respect face à la hiérarchie, au groupe et aux procédures. C’est aussi le cas des pays Scandinaves et des Etats-Unis, où la communication est plus directe et la hiérarchie assez plate. Dans ces deux cas de figure, les relations sont assez simples, en revanche, un scandinave et un latin auront besoin d’être briefés avant d’entamer une collaboration. Les écueils à éviter ? De façon générale, il s’agit de ne pas couper la communication, ni de faire faire perdre la face à son interlocuteur. Par exemple, une remarque perçue comme étant sans importance pour un Néerlandais habitué à des relations frontales, pourra être très blessante pour un Français ou un Asiatique, très scrupuleux quant à son image. Il ne faut pas oublier que si les comportements changent, les grands référents qui sous-tendent chaque culture ne changent pas. Les valeurs profondes - rapport au groupe, à la hiérarchie, aux institutions - évoluent relativement peu. C’est ainsi que les intégrations réussies sont celles du plus petit dénominateur commun du mode de fonctionnement, sans considération de pays ou de culture. Frédérique Guénot "L'interculturalité obligé à s'étonner et poser un diagnostic" Philippe Pierre est docteur en sociologie, consultant et ancien DRH de L’Oréal. Il est aujourd’hui codirecteur du Master de Management Interculturel de Paris- Dauphine. « L’interculturalité, c’est l’étonnement volontaire devant un comportement, des pratiques différentes des nôtres. Cela implique, pour le manager, de poser un cadre dans lequel il accepte de recevoir les étonnements des personnes étrangères à son propre mode fonctionnement. Cet « art du questionnement » peut prendre la forme d’un rapport d’étonnement (les dix points qui vous ont étonnés depuis que vous êtes en entreprise ?), d’une mise en image (à quelles images vous font penser notre structure ?), ou encore de questions invitant à s’interroger sur une personne qui quitte l’entreprise (les cinq actions qui auraient fait que l’on aurait pu mieux travailler ensemble). Une démarche qui implique beaucoup d’énergie et qui se pose comme un vrai défi, travailler avec des gens différents n’ayant rien d’une évidence. Au niveau de la pratique RH, l’interculturalité apporte un enjeu de création de valeur : que cela soit l’exportation de produits ou services ou l’intégration de personnes à distance dans des équipes déspatialisées. Pour le DRH enfin, l’interculturalité oblige à s’étonner, questionner et poser un diagnostic avant d’agir. Pour garder toute sa force, le RH doit alors poser un regard sociologique et anthropologique sur les individus de culture différente, en n’oubliant pas la notion d’identité et d’histoire propre à chacun. » Sommaire Les cultures d'entreprise et le management interculturel N° 16 Hans Merkens : Management interculturel 1. A propos des pratiques du management interculturel 2. Le management interculturel : des dimensions à définir 3. Les communications interculturelles 4. Le management interculturel et les notions 5. Bibliographie Management interculturel Ce texte est issu d'un cycle de recherche-formation de l'Office franco-allemand pour la Jeunesse mené sur "les compétences à développer dans des situations internationales et pluriculturelles de management", par une équipe de chercheurs composée, du côté français, de Jacques Demorgon, Franck Gauthey, Christine Condominas, Guy-Olivier Faure, du côté allemand, de Gunter Gebauer et de l'auteur de ces lignes. Autour du thème du management interculturel, ce groupe accueillit, d'une part, des étudiants allemands et français, d'autre part, des cadres moyens, aussi bien allemands que français, réunis pour aborder les questions de coopération interculturelle. Que soient ici remerciés tous ceux dont la coopération et les encouragements sont aussi à l'origine de cette contribution. En recourant dans ce texte à des notions telles que "culture- mère" (Mutterkultur) et "culture affiliée" (Tochterkultur), c'est se conformer à un usage qui s'est imposé dans les ouvrages spécialisés : s'agissant de relations au sein d'entreprises et de groupes industriels, il est courant de se servir de termes empruntés à la terminologie des rapports de parenté : famille, mère, fille. L'ensemble des personnels d'un groupe est, par exemple, subsumé sous la notion de famille (la "famille Siemens"). Mais pour les relations externes d'une entreprise, on utilise de préférence la terminologie militaire : un front, une stratégie. Il est plus difficile d'élucider la notion de culture. Elle fut introduite dans le langage spécialisé après que les ethnologues aient commencé des recherches sur les institutions de leurs sociétés d'appartenance. A cet effet, ils se sont servis de théories et de méthodes de recherche expérimentées, dans un premier temps, lors d'enquêtes sur les habitants ou les groupes ethniques d'autres pays. Dans l'ethnographie, une tradition s'était établie pour définir une culture à travers des représentations, des systèmes de valeur, une langue, des symboles (Geertz 1987 ; Smircich 1983). Pour les entreprises, le terme de "culture d'entreprise" signalait en même temps une valorisation supplémentaire de leur image car le sens commun associe souvent "la culture" à la culture cultivée. Ce qui explique que la notion de culture ait rapidement fait école, les entreprises parlant facilement de leur "culture". Au sein des organisations et entre elles, des raisons diverses peuvent être à l'origine de problèmes de management. Le management interculturel est censé contribuer à résoudre ou à prévenir ceux dus à la diversité des cultures-mères qui influencent les décisions et les actions au sein des organisations, ou les relations entre elles ; dans ce cas, la distinction est faite entre les cultures-mères et les cultures d'entreprises : ces dernières concernant la culture d'une organisation particulière, les premières la culture du pays qui constitue son environnement. C'est partir de l'hypothèse que les cultures-mères exercent des influences aussi bien sur l'agir individuel que sur celui des organisations ou de leurs différentes unités, compte tenu des liens présupposés entre l'agir individuel / organisationnel et la culture- mère correspondante. Description qui amène à se demander si, premièrement, il y a des problèmes de management dont la cause serait uniquement à rechercher dans les différences entre cultures-mères ou si, deuxièmement, au sein des organisations, la tendance existe à attribuer à celles-ci des problèmes liés à d'autres causes. Pour aboutir à une première élucidation, le regard est porté d'abord sur les pratiques, puis, dans un second temps, sur les conditions nécessaires pour un examen satisfaisant du problème sur un plan théorique. 1. A propos des pratiques du management interculturel Dans les entreprises, les liens de coopération internationale noués avec des partenaires de divers pays ont amené à formuler le management interculturel comme une exigence que les instances du management sont censées réaliser. Les différences dans les formes de coopération engendrent, cela dit, différents types d'articulation du management interculturel : - Classique, le cas de la grande entreprise créant des filiales étrangères essentiellement à des fins de distribution et de service après-vente (désigné désormais par uploads/Societe et culture/ management-interculturel.pdf

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