1 Patricia Mollet-Mercier HETSR Haute Ecole de Théâtre de Suisse Romande La Man
1 Patricia Mollet-Mercier HETSR Haute Ecole de Théâtre de Suisse Romande La Manufacture Août 2007 Mémoire de diplôme: Exigence partielle à la certification finale. 1. Cache ton visage que je puisse te voir ! En tant que comédienne, en quoi le masque peut-il m’aider à me révéler et à enrichir mon jeu ? «A tous ceux qui trouveront mon travail trop abstrait, je dis … Tant mieux. A tous ceux qui croiront n’avoir rien compris à la fin de mes divagations, je dis… Ne paniquez pas, il n’y a rien à comprendre, je prône l’incohérence, l’absurdité et le chaos positif. A tous ceux qui me trouveraient trop laid pour supporter ma vue, je dis… Fermez les yeux et surtout ne pensez pas. Laissez- vous bercer, à mes côtés…» Pierre LAPOINTE, «Ne pensez pas» 2 Table des matières Introduction Première partie: L’importance du visage A- La présence du visage nu 1. Le visage, lieu de communication entre l’intérieur et l’extérieur 2. Le visage dans le processus d’individuation a) Le visage: fruit d’un lien social b) Le face à face ou l’importance du visage dans la relation à l’autre c) La représentation du visage B- La présence du visage masqué 1. Les pouvoirs du masque a) Le masque comme outil de transformation et de transgression b) La masque comme outil de libération c) Le masque comme outil d’agression Deuxième partie: Le masque au théâtre A- Une étape dans la formation de l’acteur 1. Les différentes étapes de travail a) Le masque neutre b) Le masque expressif c) Le demi-masque de la commedia dell’arte 2. Une discipline: l’engagement du corps et la quête de l’équilibre B- Représentation et distanciation: un théâtre de signes 1. Le renouveau du théâtre par le masque Un outil de distanciation 2. Le masque et le personnage 3. Le masque comme archétype 4. La symbolique du mot Persona Conclusion Bibliographie Table des illustrations 3 Introduction Le masque: «un simulacre inquiétant». Selon la définition de Michel Corvin dans le dictionnaire encyclopédique du théâtre, le masque est un «simulacre matériel couvrant la face (ou toute autre partie du corps) pour la subvertir et lui imposer une présence étrangère, il instaure, d’une part, un affronte- ment permanent avec l’altérité soit « verticale» de la fonction extatique avec le divin ou au contraire du néant de la mort; soit «horizontale» de l’évasion magique dans d’autres époques historiques, d’autres lieux culturels ou d’autres formes d’être; d’autre part et simultanément, une tension irréductible entre les pôles opposés de notre condition: animal et humain, sauvage et civilisé, tragique et comique, rationnel et imaginaire, réel et illusoire.»¹ C’est pour cette étonnante richesse symbolique que le masque trouble et fascine depuis des millénaires. Il est un des plus anciens objets de représentation qui connaît une universalité aussi bien géographique que temporelle. Ses fonctions sont multiples aux travers des âges et des cultures. Tantôt on le retrouve présent dans l’espace privé ou public, lors de diverses manifestations païennes, tantôt il prend une toute autre dimension en s’élevant au niveau du spirituel, prêtant vie à des êtres supérieurs lors de cérémonies rituelles. Il est là à l’image de la tourmente et de l’ambivalence du cœur de l’homme et l’aide à faire surgir et exorciser ses démons intérieurs. Des maquillages aborigènes aux masques Dogons, du théâtre Nô à la commedia dell’- arte, des masques populaires valaisans aux marionnettes géantes du Bread and Puppet, des masques guerriers médiévaux aux masques à gaz, des masques de carnaval aux burkas afghanes ou dans un tout autre registre à la réalité des implants faciaux…sa présence et ses pouvoirs s’étendent vraiment à toutes les sphères de l’activité humaine. Il «proclame aux quatre vents l’ambiguïté de nos conduites»² et par la métamorphose qu’il engendre et le côté protecteur de la dissimulation, il permet à l’homme d’affirmer ses revendications, ses idées voire son identité. L’homme qui le porte est davantage à l’écoute de son message initiatique et est ainsi forcé à délaisser ses certitudes illusoires au profit du doute et de la remise en question… «C’est peut-être en somme retrouver la véritable folie créatrice de son âme, mouvante, complexe et contradictoire.»³ Pour tout cela, le masque me fascine depuis non pas des millénaires, mais depuis mon plus jeune âge. J’ai reçu en effet mon premier masque de Bugs Bunny à l’âge de 3 ans pour faire rire l’assemblée… Par la suite, à l’adolescence, j’ai suivi des cours de fabrication de masques et de jeu masqué avec Sara Barberis, qui m’ont déjà à l’époque particulièrement intéressée. Au collège, un cours de géographie interdisciplinaire sur l’Afrique m’a menée à rédiger mon travail de Maturité sur « La magie des masques africains», essentiellement basé sur l’étude comparative de deux ethnies, les Dogons du Mali et les Bwaba du Burkina Faso. Un stage sur les masques neutres et larvaires, donné par Monique Vischer, a continué d’éveiller ma curiosité et m’a fait découvrir peu à peu la réelle puissance de ces objets énigmatiques. Porter un masque n’est effectivement pas une chose anodine: c’est changer d’identité en changeant de visage. C’est l’entrée dans un voyage passionnant qui nous fait découvrir le monde sous une autre dimension. 1. Michel Corvin, Dictionnaire encyclopédique du théâtre, Paris, Bordas, 1991. pp.1068-69. 2 et 3. Jacques Bril: Le masque ou le père ambigu, Paris, Payot, 1983, p.13 4 Dans le cadre de ce mémoire de diplôme, j’ai voulu choisir un sujet personnel, s’inscrivant dans la trajectoire de mon parcours à la Manufacture. Durant ces années d’études, je me suis aperçue que je m’étais souvent retrouvée confrontée à des problèmes concernant mon image, mon apparence ou autrement dit mon masque social. Les commentaires écrits laissés par certains intervenants de première année en témoignent. Ainsi on fait référence à l’image d’une « fille sophistiquée, aux allures de poupée coquette et précieuse, de jolie idiote, enveloppée dans du papier de soie, sans vraiment d’audace, maladroite, timide, lisse et fragile, un peu calviniste sur les bords… une sorte d’adolescente naïve, sage et pas assez sexuelle », (dixit Monsieur X…qui aurait voulu me voir me dénuder devant lui et grimper aux rideaux !) Face à ces retours difficiles à accepter, j’ai décidé d’axer une grande partie de mon travail à la Manufacture sur ces problèmes d’image et de manque de confiance en moi. J’ai ainsi essayé de déconstruire au maximum ma carapace, d’apprendre à me centrer, à m’ancrer d’avantage, à ouvrir et préciser mon jeu, à devenir plus audacieuse, à prendre des risques…Et, j’ai fait des progrès, étape par étape, sans pour négliger ou gommer des traits de caractère qui me définissent: une certaine pudeur, un sens important du respect de soi et des autres, une notion de la nuance, du demi-ton et une recherche d’équilibre entre la mesure et la démesure. Dès lors, mon chemin a été de mieux comprendre les méandres complexes du paraître qui occultent l’être. Apprendre à maîtriser mon paraître pour « être » d’avantage, révéler ma réelle identité, mon authenticité. Tout cela est à mon avis directement lié à la thématique du cacher-révéler qu’impose le masque et c’est pourquoi j’ai choisi ce sujet pour mon mémoire. Ainsi, afin de mieux cerner mon sujet, je me suis interrogée tout d’abord sur ce que cache le masque : le visage. D’où le titre de ce travail : « Cache ton visage que je puisse te voir ! » Je me suis alors posée les questions suivantes : Quelle est l’importance du visage par rapport au reste du corps? Pourquoi dit-on qu’il est le siège de l’identité et de la communication? Dès lors, que se passe-t-il si je le dissimule derrière un masque? Cet outil lui confère-t-il de nouveaux pouvoirs? Lesquels et comment ? En quoi le port d’un masque peut-il m’aider à me révéler en tant que personne ou comédienne, faire éclore mon imaginaire, ma fantaisie, ma folie… Je me suis ensuite interrogée sur la pédagogie du masque. (J’ai naturellement été amenée à m’intéresser à l’approche du grand pédagogue Jacques Lecoq). En quoi le masque est-il utile dans le cadre de la formation de l’acteur? Peut-il agir comme révélateur, être formateur ? Nécessite-t-il un apprentissage particulier? Lequel ? Qu’est- ce que le masque m’a apporté ? En quoi il m’a manqué dans mon parcours ? Comment vais-je l’utiliser lors de ma pratique ? Pour finir, je me suis penchée sur des notions plus théoriques, essentiellement liées à l’histoire contemporaine du masque au théâtre. Quels grands maîtres de théâtre se sont intéressés aux masques ? Pourquoi le masque a-t-il été utilisé par Brecht comme un outil de distanciation ? En quoi le masque peut-il m’aider à comprendre justement cette notion compliquée de distanciation? Pourquoi le masque est-il communément associé à la notion d’archétype ou de persona ? Qu’est-ce qu’un archétype ? Quel rapport y -a-t-il entre le masque et la persona ou masque social ? Etre ou paraître, telle est la question…telle est ma question. 5 Première partie: L’importance du visage A- La présence du visage nu 1. Le visage, lieu de communication entre l’intérieur et l’extérieur Le mot visage, venant du uploads/Societe et culture/ mollet-mercier-patricia-cache-ton-visage-que-je-puisse-te-voir.pdf
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- Publié le Fev 06, 2022
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