ÉDITO 3 UN REGARD HISTORIQUE 4 SUR L'IDENTITÉ VISUELLE R. Roger Remington LOG

ÉDITO 3 UN REGARD HISTORIQUE 4 SUR L'IDENTITÉ VISUELLE R. Roger Remington LOGOS, DRAPEAUX 14 & ÉCUSSONS Paul Rand LOGOLOGIE. 15 CE QUE LOGO VEUT DIRE Vivien Philizot FAUT-IL « BRANDER » UN ÉTAT 24 DÉMOCRATIQUE ? POUR UNE CULTURE CIVIQUE DE LA REPRÉSENTATION DU SECTEUR PUBLIC Ruedi Baur DES IDENTITÉS VISUELLES 27 STATIQUES AUX IDENTITÉS VISUELLES FLEXIBLES Martin Lorenz BIOGRAPHIES 38 CALENDRIER 39 PRIX & PUBLICATIONS 52 HOMMAGES 54 GRAPHISME EN FRANCE 2017 Logos & identités visuelles 3 Cette 23e édition de Graphisme en France propose, pour la première fois, un objet central dans la pratique des designers graphiques : les logotypes et les identités visuelles. Ce sujet très large est abordé selon plusieurs aspects qui tendent plus à une compréhension globale des origines et des pratiques qu’à une quelconque exhaustivité. Ainsi, Roger R. Remington, historien et directeur du Vignelli Center for Design Studies, revient sur les origines et les développements des identités visuelles aux États-Unis. La traduction d’un texte de Paul Rand datant de 1991 permet de comprendre la position de cet immense designer qui a aussi beaucoup écrit sur sa pratique. Vivien Philizot, lui même designer et chercheur en études visuelles, nous invite à un parcours sur l’histoire des logos, et décrypte leur impact et leur sens dans notre environnement visuel. Ruedi Baur, designer et concepteur d’innombrables identités visuelles pour des institutions en France et à l’étranger, partage ses préconisations au regard de son expérience. Enfin, Martin Lorenz, designer, nous fait part de ses recherches sur les identités visuelles fluides, suscitées par la généralisation des supports numériques. Cette nouvelle édition est l’occasion d’une collaboration avec Elsa Aupetit et Martin Plagnol. Diplômés de l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris en 2012, ils ont fondé l’atelier Kiösk en 2015. S’inspirant de la structure des chartes graphiques, ils ont conçu ce document à la manière d’un ouvrage technique. L’utilisation du caractère typographique Programme, créé par les designers suisses de Maximage, permet des variations tout en donnant à l’ensemble une identité forte. Comme chaque année, le calendrier des événements organisés dans toute la France témoigne d’initiatives et de projets toujours plus nombreux. Le Cnap accompagne et promeut par de nombreuses actions ce réseau de diffusion national du design graphique et de la typographie afin de permettre une meilleure reconnaissance de ces pratiques et d’aller à la rencontre d’un public toujours plus large.  Yves Robert, directeur du Centre national des arts plastiques 4 IDENTITÉ ET ORIGINES Depuis des millénaires, les groupes comme les individus ont jugé essentiel de s’identifier. Être connu par son nom, c’est avoir de la valeur. Les signes préhistoriques sur les murs des cavernes et les symboles héraldiques ne sont que deux repères historiques de ce besoin fondamental. Le commerce se développant, ce besoin s’élargit du niveau local au niveau national puis international. Bien plus tard, après la révolution industrielle, au début du XXe siècle, une entreprise allemande innovante mit en place un modèle qui deviendrait ce qu’on appelle aujourd’hui l’« identité visuelle ». AEG (Allgemeine Elektrizitäts- Gesellschaft), grande manufacture d’électricité, mit en œuvre sous la direction du graphiste Peter Behrens un système complet de graphisme qui s’appliquait aussi bien à son organisation qu’à son architecture et à un grand nombre de ses produits industriels et de grande consommation. Pour la première fois, l’utilisation uniforme du design graphique conféra à AEG une image homogène. L’entreprise appliqua un logotype standardisé, des structures de grilles organisationnelles sur ses supports imprimés, et utilisa de manière uniforme la typographie sans empattement, la couleur et la photographie. Ce système posa les jalons de l’avenir de l’identité visuelle et de la stratégie de marque. Aux États-Unis, un autre exemple fondateur d’identité coordonnée fut conçu par Charles Coiner, légendaire directeur artistique de N. W. Ayer à Philadelphie. En 1939, il dessina, sur une base pro bono, un système de symboles graphiques de service public pour le Citizens Defense Corps (le Corps de défense des citoyens). Le pays avait besoin d’un programme signalétique en cas d’attaque du territoire par les forces de l’Axe. Plusieurs symboles furent créés pour de nombreux services publics comme les pompiers, les policiers, les médecins et les infirmières. Le système obéissait à un concept simple : un cercle avec un triangle à l’intérieur. Centrées dans le triangle, des formes symboliques distinctes identifiaient les diverses fonctions. Pour ce système graphique, Coiner imagina des tableaux et des diagrammes ainsi qu’une charte graphique très simple qui détaillait chaque logo, sa description et son application. La charte donnait aux utilisateurs une conscience de leur métier respectif ainsi qu’une connaissance du programme dans son ensemble. Le travail de Coiner contribua à renforcer l’état de préparation des États-Unis à la guerre durant la fin des années 1930 et les années 1940. Aux États-Unis encore, dans les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, l’industrie et les entreprises passèrent massivement de la production de matériel de guerre à celle de biens de consommation. L’essor économique qui s’ensuivit fut, pour de nombreuses sociétés et entreprises, à l’origine d’un véritable « âge d’or » dans la mise en œuvre de systèmes d’identité. La Container Corporation of America (CCA) à Chicago fut l’un des chefs de file de l’excellence graphique appliquée à l’identité visuelle et au marketing. Egbert Jacobson, responsable du design chez CCA, fut un ardent défenseur du graphisme au sein de l’entreprise. Basé à Chicago, il put constater l’importance de celui-ci dans les sociétés commerciales modernes. L’identité visuelle de la CCA constitua l’essentiel de son activité. En 1947, il édita un livre intitulé Seven Designers Look at Trademark Design, dans lequel il attirait l’attention des graphistes sur l’importance de l’identité visuelle. Cet ouvrage se concentrait sur des études de cas de différentes identités réalisées par sept éminents graphistes, parmi lesquels Herbert Bayer, Will Burtin, Paul Rand, Alvin Lustig, Bernard Rudofsky et H. Creston Doner. Dans son chapitre sur Burtin, Jacobson écrivait : « Une application uniforme donne une impression générale cohérente de la personnalité d’une société, impression qui avait des effets non seulement sur le public, mais également sur l’image que le fabricant avait UN REGARD HISTORIQUE SUR L'IDENTITÉ VISUELLE R. Roger Remington [1] [2] [1] Peter Behrens, logo de l’Allgemeine Elektrizitäts-Gesellschaft (AEG), 1907. Accompagné de son système graphique, il constitue l’un des premiers exemples d’identité visuelle systématique. [2] Charles Coiner, système de symboles du Citizens Defense Corps [Corps de défense des citoyens] des États-Unis. Ce système de signes conçu par le directeur artistique américain Charles Coiner servit de programme signalétique pour les services d’urgence mis en place durant la Seconde Guerre mondiale en cas d’attaque touchant le sol des États-Unis. 5 de lui-même 1. » Dans les décennies qui suivirent, cette attention portée à la cohérence du design conduisit à l’adoption de chartes graphiques qui imposèrent une unité à l’apparence des applications graphiques. La Container Corporation of America avait aussi produit un ouvrage précurseur, Modern Art in Advertising, publié en 1946. Conçu par le graphiste américain Paul Rand, le livre offrait un excellent regard rétrospectif sur les noces de l’Amérique entrepreneuriale et de l’avant-garde artistique européenne et détaillait certaines applications de l’identité de la CCA dans ses premières campagnes publicitaires. Il comprenait notamment des travaux de Cassandre, Gyorgy Kepes, Herbert Bayer, Jean Carlu, Herbert Matter, Leo Lionni, Fernand Léger, Ben Shahn et Paul Rand. Voyant s’ouvrir des marchés potentiels, les designers industriels se lancèrent eux aussi dans l’identité visuelle. Raymond Loewy, célèbre pionnier du design de produit, conçut des logos devenus des classiques pour Shell, International Harvester, TWA et Greyhound. Ces systèmes, toujours en vigueur pour certains, prenaient en compte les relations des logos aux symboles qu’ils incarnaient. L’IDENTITÉ DURANT L’« ÂGE D’OR » Dans les années 1950, de nombreuses sociétés américaines de graphisme commencèrent à concevoir des systèmes d’identité visuelle pour des marchés en spectaculaire expansion. En 1951, William Golden, directeur de la publicité et de la promotion des ventes chez Columbia Broadcasting System (CBS), conçut l’emblématique logo en forme d’œil de la firme, encore utilisé aujourd’hui. Golden trouva l’inspiration en visitant New Holland en Pennsylvanie. Il y découvrit ces symboles de sorcellerie rappelant un œil humain. On les retrouve peints sur les granges des Shakers, pour chasser les mauvais esprits. Golden tomba aussi sur une image qui ressemblait à un œil dans un livre d’art shaker. L’« œil » fit sa première apparition sur la chaîne CBS le 19 novembre 1951, posé en transparence sur la photographie d’un ciel rempli de nuages. Le symbole fut vite repris dans tous les aspects de l’identification de CBS. Son utilisation répétée ne fut pas sans causer quelques doutes à Golden : « [Il] est utilisé si souvent qu’il me fait parfois l’effet d’un Frankenstein, mais je suis très heureux que sa polyvalence soit telle qu’il semble n’y avoir aucune limite au nombre de déclinaisons qu’il peut subir sans perdre son identité. » Après la mort prématurée de Golden, Lou Dorfsman, son successeur chez CBS, fit les louanges de ce symbole et de son créateur : « Aujourd’hui, quand nous regardons le médium le plus évolutif de notre époque, uploads/Societe et culture/ cnap-graphisme-en-france-23-2017-fr.pdf

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