LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL EST-IL UN BIEN COMMUN ? LE CAS DE LA PIERRE S

LE PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL EST-IL UN BIEN COMMUN ? LE CAS DE LA PIERRE SÈCHE EN FRANCE Francesca Cominelli ESKA | « Revue de l’organisation responsable » 2012/2 Vol. 7 | pages 83 à 92 ISSN 1951-0187 ISBN 9782747224796 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-de-l-organisation-responsable-2012-2-page-83.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- !Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Francesca Cominelli, « Le patrimoine culturel immatériel est-il un bien commun ? Le cas de la pierre sèche en France », Revue de l’organisation responsable 2012/2 (Vol. 7), p. 83-92. DOI 10.3917/ror.072.0083 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ESKA. © ESKA. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 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Francesca.cominelli@univ-paris1.fr RÉSUMÉ L’objectif de ce texte est d’étudier les savoir-faire liés aux métiers d’art en tant qu’éléments du patrimoine culturel immatériel et en tant que biens communs. En premier lieu seront présentées les notions de savoir-faire, de bien commun et de bien culturel commun. Cette introduction conceptuelle, élaborée à partir d’une analyse bibliographique et d’un travail de terrain, permettra de préciser la nature de ces éléments et leurs similitudes. Par conséquent, on se demandera : les savoir-faire liés aux métiers d’art sont-ils des biens communs ? Ensuite, si ces savoir-faire peuvent être considérés comme des biens communs, quelles seront les conséquences sur le plan de la gouvernance de ce patrimoine culturel immatériel ? Pour ce faire, on illustrera le cas de la pierre sèche en France et le rôle fondamental de la communauté dans la sauvegarde de ce patrimoine immatériel et matériel. Pour conclure, les principaux enjeux liés à une approche « bien commun » pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel seront rappelés. Mots-clés : patrimoine culturel ; métiers d’art ; bien commun. ABSTRACT The objective of this text is to study the know-how related to craft activities as part of the intangible cultural heritage and as a commons. First are presented the concepts of knowledge and skills, common good and common cultural property. This conceptual introduction, drawn from a literature review and fieldwork, will clarify the nature of these elements and their similarities. Therefore, we will wonder: the know-how related to craft activities can be considered as common goods? Then, if these skills can be considered as common goods, what are the consequences in terms of the governance of the intangible cultural heritage? To do this, we will illustrate the case of dry stone in France and the fundamental role of the community in preserving this intangible and tangible heritage. In conclusion, the key issues related to “common good” approach to safeguarding intangible cultural heritage will be recalled. Keywords: cultural heritage; crafts; common good. Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Cheikh Anta Diop de Dakar - - 196.1.95.248 - 29/10/2015 17h57. © ESKA Document téléchargé depuis www.cairn.info - Université Cheikh Anta Diop de Dakar - - 196.1.95.248 - 29/10/2015 17h57. © ESKA Le patrimoine culturel immatériel est-il un bien commun ?… ROR — REVUE DE L’ORGANISATION RESPONSABLE — RESPONSIBLE ORGANIZATION REVIEW • N° 2 • VOL. 7 84 INTRODUCTION Le patrimoine culturel est un concept dynamique, susceptible de changer, dont les limites sont difficiles à tracer. En France, la loi du 31 décembre 1913 le définit strictement comme un « ensemble de monuments et de sites bâtis anciens présentant un intérêt artistique, historique et culturel ». Puis son champ a été élargi aux « objets mobiliers (soit meubles proprement dits, soit immeubles par destination, c’est-à-dire attachés au fond à perpétuelle demeure) dont la conservation présente, du point de vue de l’histoire, de l’art, de la science ou de la technique un intérêt public » (Bady 1984). Cette définition s’avère aujourd’hui encore trop restrictive et, comme le souligne Nathalie Heinich (2009), des extensions de nature différente sont possibles : chronologique (de l’ancien à des biens de plus en plus récents), topographique (du monument au paysage naturel, du rural à l’urbain), catégorielle (des biens prestigieux au patrimoine modeste, des monuments au patrimoine industriel et aujourd’hui immatériel), ainsi que conceptuelle (de l’unicum au typicum). Dans ce dernier cas, la valeur n’est plus liée à la rareté et à l’unicité de l’objet, mais plutôt à sa typicité, qui résulte de son lien à une communauté ou à un territoire définis. Du point de vue de l’extension catégorielle, après l’élargissement du champ du patrimoine à toute manifestation tangible du passé, l’attention se porte désormais également sur ses expressions immatérielles : les chants et les traditions populaires, les rituels qui ont lieu dans les édifices sacrés, les techniques et les savoir- faire des constructeurs et des décorateurs de cathédrales et de maisons traditionnelles, ou encore les savoir-faire liés au tissage, à la peinture sur porcelaine, à la fabrication d’objets en pâte de verre. Ce qu’on entend aujourd’hui par patrimoine s’étend donc bien au-delà des objets et des limites matériels. Ce processus d’élargissement du champ du patrimoine culturel a franchi une étape importante avec l’adoption par l’Assemblée Générale de l’Unesco de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI), le 17 octobre 2003. Cette convention est l’aboutissement d’un long travail de réflexion et de concertation visant au développement de mesures aptes à la sauvegarde du PCI et dans lequel l’Unesco et l’Ompi ont joué un rôle central (Srinivas 2008). À l’origine, la question du PCI était traitée comme un problème de protection intellectuelle, dans l’objectif d’identifier les auteurs et les créateurs individuels et de leur assurer la reconnaissance des droits économiques et moraux correspondants. C’est dans cet esprit, qu’en 1967, la Conférence de Stockholm révise la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques en adoptant un nouvel article concernant la protection du folklore (Actes de Stockholm 1967; Actes de Paris 1971, art. 15.4 (a)). Dans l’année qui a suivi l’adoption de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel de 1972, le gouvernement bolivien, non satisfait de la protection accordée aux expressions immatérielles du patrimoine, soulève la question du PCI et propose à l’Unesco l’ajout d’un protocole à la Convention universelle sur le droit d’auteur, afin d’assurer un cadre juridique à la protection du folklore. Plus tard, en 1976, l’Unesco adopte la loi-type de Tunis sur le droit d’auteur à l’usage des pays en voie de développement, dont l’article 6 est consacré à la protection du folklore. Par la suite, pendant les années 1980, de nombreuses conférences, rencontres, débats et la diffusion de nouveaux travaux de recherche, donnent accès à une meilleure compréhension du PCI, de sa complexité, ses formes et ses spécificités. Ces recherches ont permis d’élaborer des instruments juridiques de protection plus appropriés, comme par exemple la Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire, adoptée par l’Unesco en 1989. Pour marquer l’importance de ce patrimoine et réfléchir à des dispositifs pratiques de sauvegarde, l’Assemblée générale de l’Unesco met aussi sur pied deux programmes innovants de sauvegarde du PCI : le système des Trésors humains vivants, en 1993, et la Proclamation des chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité, en 1997. Toutes ces expériences sont au fondement de l’élaboration et de l’adoption de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Ratifiée le 12 août 2011 par 137 États, cette Convention définit le PCI comme la source principale de la diversité culturelle ainsi que de la créativité, et comprenant « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel ». De cette définition émerge immédiatement le rôle central des communautés dans la reconnaissance de ce patrimoine, uploads/Societe et culture/ patrimoine-materiel-et-immateriel.pdf

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