Bulletin suisse de linguistique appliquée © 2013 Centre de linguistique appliqu

Bulletin suisse de linguistique appliquée © 2013 Centre de linguistique appliquée No spécial 2013, 63-75 • ISSN 1023-2044 Université de Neuchâtel Socialisation langagière et agentivité du sujet Thérèse JEANNERET Anne-Christel ZEITER Ecole de Français Langue Etrangère Université de Lausanne, Anthropole 1015 Dorigny, Suisse therese.jeanneret@unil.ch anne-christel.zeiter-grau@unil.ch Il presente articolo esamina i legami tra gli aggiustamenti identitari relativi alla migrazione e/o alla mobilità studentesca e l'appropriazione della lingua del paese d'accoglienza, il francese in questo caso, attraverso lo studio di un esempio di una studentessa di lingua olandese. La metodologia utilizzata è quella di una raccolta di dati costituita da una biografia linguistica scritta, di un testo in cui la studentessa evoca il modo in cui mette in relazione maternità e appropriazione del francese e di un'intervista orale che ritorna sulle questioni trattate nei testi scritti. La nostra ipotesi è che la riflessività che si manifesta nelle diverse narrazioni ed evocazioni della traiettoria di appropriazione contribuisce all'emergenza di incrinature e di riaggiustamenti identitari. Queste tensioni tra il dinamismo e la stabilità identitaria sono un riferimento per il soggetto, un'espressione del proprio essere attivo. Questa è per noi una condizione decisiva affinché il soggetto trovi e ritrovi delle ragioni di continuare a investirsi nella sua appropriazione linguistica. L'analisi dei dati prodotti dagli studenti permette di esaminare in modo alquanto preciso in che modo identità, investimento nell'appropriazione e socializzazione possono relazionarsi fra loro. Parole chiave: biografia linguistica, riflessività, aggiustamenti identitari, investimento nell'appropriazione, esolinguismo, minorizzazione 1. Identité et appropriation de la langue étrangère Quand elle s'associe à la migration ou à un séjour de mobilité, l'appropriation d'une langue étrangère est étroitement liée à la construction par la personne de son identité, c'est-à-dire à la manière dont cette dernière "comprend son rapport au monde, à la manière dont ce rapport se construit dans le temps et l'espace, et aux possibilités qu'elle envisage pour le futur"1 (Norton 2000: 5), notre traduction). Dans la mesure où cette identité, dynamique et mouvante, se construit et se transforme dans l'interaction et la socialisation, il semble donc essentiel, toujours selon Norton, de considérer le langage comme "à la fois constitutif de et constitué par l'identité de l'apprenant-e"2 (idem). Ainsi, les expériences que vivent les étudiant-e-s de l'Ecole de Français Langue Etrangère de l'Université de Lausanne à travers leurs pratiques en français portent en germe la remise en question de constituants de leur 1 "I use the term identity to reference how a person understands his or her relationship to the world, how that relationship is constructed across time and space, and how the person understands possibilities for the future". 2 "In taking this position, I foreground the role of language as constitutive of and constitutive by a language learner's identity". 64 Socialisation langagière et agentivité du sujet système de valeurs. Leur appropriation du français comme langue de leur pays d'accueil passe par les interactions sociales qu'ils expérimentent puisque c'est ainsi que les étudiant.e.s se socialisent et se créent des opportunités de parler et d'apprendre, comme l'affirme Pekarek (2000: 7): "le développement langagier (tout comme le développement cognitif) est foncièrement lié à des pratiques sociales. En tant qu'activité sociocognitive, l'apprentissage d'une langue étrangère est indissociable de l'établissement de relations interpersonnelles, de contextes d'action et de significations sociales". C'est pourquoi nous nous proposons dans cet article de nous pencher sur les différents modes d'ancrage des pratiques langagières d'étudiant-e-s alloglottes dans l'environnement local. De cette manière, nous aurons accès aux éventuelles désorganisations des cadres d'interprétation que suscitent ces différentes expériences de socialisation, telles qu'elles peuvent être relatées lors d'autobiographies langagières et d'entretiens biographiques. A la suite de Dubar (2010: 10), nous considérons la socialisation comme "un processus de construction, déconstruction et reconstruction d'identités liées aux diverses sphères d'activité (notamment professionnelle mais aussi conjugale et familiale, religieuse et politique, etc.) que chacun rencontre au cours de sa vie et dont il doit apprendre à devenir acteur3". Pour nous, les effets identitaires de la nouvelle socialisation sont étroitement liés à la re-construction de mondes vécus (Berger & Luckmann 1986) rendue nécessaire par la désorganisation des cadres d'interprétation et partant des schémas sociaux d'actions. Le lien entre cette nouvelle construction et l'appropriation de la langue est crucial dans la perspective présentée plus haut par Pekarek, la reconstruction du monde vécu représentant une des conditions essentielles à l'appropriation. Dans cet article, c'est à la fois la nature des problèmes rencontrés dans la socialisation et la manière de les exprimer et de les résoudre qui vont nous intéresser pour tenter de lier empiriquement socialisation, réorganisation des schémas sociaux d'action, réaménagements identitaires et investissement dans l'appropriation. 2. La biographie langagière: une ressource pour l'apprentissage et pour la recherche La méthode utilisée pour documenter ces phénomènes est celle de la biographie langagière, considérée comme une démarche écrite ou orale, plus ou moins guidée, permettant de comprendre les rapports qui existent entre les réaménagements identitaires que vit l'apprenant-e durant son séjour en milieu francophone et l'investissement dans un apprentissage de FLE. Ainsi que l'affirme Pavlenko (2001), "il est possible que seuls les récits biographiques soient en mesure de fournir un aperçu de ces régions si privées, si 3 Mis en évidence par l'auteur. Thérèse JEANNERET & Anne-Christel ZEITER 65 personnelles et si intimes qu'elles sont rarement – voire jamais – prises en considération par l'étude de l'acquisition d'une langue seconde, alors qu'elles sont en même temps le cœur et l'âme du processus de socialisation en langue seconde" (2001: 167). La biographie langagière en tant qu'elle est une occasion pour l'étudiant.e de prendre de la distance avec ce qu'il est en train de faire – et notamment, évidemment, pour ce qui nous intéresse, apprendre le français – lui offre l'opportunité de questionner les conditions nécessaires à certaines actions: entre autres préoccupations, que dois-je faire pour poursuivre mon projet d'appropriation et le concilier avec, pour l'exemple dont nous traiterons ici, mon projet de maternité, ou encore, comment puis-je me comporter pour que les gens s'adressent à moi et pas à mon mari quand je suis concernée, etc. Le recueil de ces biographies langagières, susceptibles de nous permettre de comprendre le sens que des apprenant-e-s donnent à leur appropriation, répond à notre volonté de comprendre ce qui se joue effectivement pour la personne quand, étudiant en contexte homoglotte, elle apprend le français. Ainsi, pour décrire l'articulation entre la stabilité momentanée de l'identité et la réflexivité permettant à la fois d'ébranler cette identité et de la réajuster, nous utiliserons la métaphore de la tension. Afin d'illustrer cette articulation, nous montrerons de quelle manière chacune des tensions présentées ici permet à Mina, l'étudiante que nous prenons comme exemple, de se réinvestir dans son action d'appropriation du FLE, par sa propre agentivité. L'idée que nous défendons (Jeanneret & Pahud, 2013) est que la biographie langagière vient contribuer à une réflexion qui doit de toute façon avoir lieu: elle l'encadre et en fournit l'occasion. Ainsi n'est-ce pas seulement parce que cela nous intéresse que nous proposons cet exercice à nos étudiant-e-s, mais aussi parce que nous pensons que cela peut servir leur appropriation à terme. Le type de pratiques réflexives que nous leur demandons de mettre en œuvre alimente un processus de problématisation de leur situation, de leurs moyens d'y agir, une réflexion sur leurs projets de vie, d'appropriation, etc. A ce titre elles sont à la fois des occasions d'interrogation, d'incertitude sur eux-mêmes et le sens qu'ils donnent à leur vie, et des occasions de réaménagement, de réorganisation, de reconstruction de leur identité. Nous considérons en effet que c'est dans cette tension que le sujet se constitue: en s'interrogeant sur ses cadres de référence, en réajustant ses échelles de valeurs, il s'actualise comme acteur de sa vie, capable d'en infléchir certains aspects. La réflexion est ainsi tout à la fois une occasion d'ébranler ses schémas et de les réajuster. 66 Socialisation langagière et agentivité du sujet 3. Corpus Les données que nous présentons ici ont été recueillies par deux collègues4, entre octobre 2008 et décembre 2009, auprès d'une apprenante de français néerlandaise de 26 ans, que nous appellerons Mina. Dans le cadre d'un cours de méthodologie, il lui a tout d'abord été demandé de rédiger son autobiographie langagière et de mener une démarche réflexive sur sa trajectoire d'apprentissage et sur les moyens à mettre en œuvre pour rendre son appropriation plus efficace en profitant du milieu académique. Sur cette base, un entretien compréhensif a été mené quelques mois plus tard, afin de lui permettre de revenir sur certains moments clés de son apprentissage, tout en nous donnant l'occasion d'approfondir certains aspects et de clarifier certains détails. Enfin, l'apprenante a produit une seconde autobiographie langagière, orientée cette fois sur les questions de maternité et de filiation en lien avec les trajectoires d'appropriation des langues, dans le cadre d'un cours intitulé "Analyse des récits et biographies langagières". Comme nous le verrons, la trajectoire d'appropriation du français de cette apprenante apparaît comme non problématique, et relève d'abord d'un goût – à l'école déjà, aux Pays-Bas, elle aimait le français au point de poursuivre son apprentissage à l'école secondaire, puis d'un choix uploads/Societe et culture/ socialisation-langagiere-et-agentivite-d.pdf

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