1 Séance 3 III : LE REGARD SOCIOLOGIQUE ET LES AUTRES IIIA : Le regard sociolog

1 Séance 3 III : LE REGARD SOCIOLOGIQUE ET LES AUTRES IIIA : Le regard sociologique et les Sciences humaines et sociales. Qu’est-ce qui distingue le regard sociologique de celui porté sur la réalité humaine et sociale par les autres sciences ? Sur cette question l’ouvrage d’Oli- vier Martin, Emmanuelle Brun et Alexandre Mathieu- Fritz, Je Réussi en socio (2012) peut servir de guide. IIIA1 : Sociologie et psychologie. Elles parta- gent le fait d’étudier le comportement des individus en société. Mais psychologues et sociologues ne voient pas le même individu. Les premiers considè- rent que ce sont les propriétés mentales propres à chaque personne qui gouvernent son comporte- ment (intelligence, personnalité, traumatismes). Les seconds estiment que les comportements humains sont conditionnés par le contexte social. Autrement dit, si nous agissons comme nous le faisons, c'est parce que la société nous a appris à faire ainsi. « De manière un peu schématique, la psychologie cherche à rendre compte des faits humains à partir des pro- priétés psychiques individuelles, tandis que la socio- logie cherche à rendre compte de ces mêmes faits à partir des structures et propriétés des groupes (leur culture, leur structure, leur organisation...) » (pp. 57- 58). Emile Durkheim dit dans sa leçon inaugurale à la Sorbonne en 1902 que « L'homme que l'éducation doit réaliser en nous, ce n'est pas l'homme tel que la nature l'a fait, mais tel que la société veut qu'il soit » (Education et sociologie, 1922, p. 100). Pour en rendre compte, il préconise l’usage de l’appareillage statistique et le questionnaire [029] lorsque le psy- chologue use de l’entretien [023]. IIIA2 : Sociologie et histoire. Comme la sociolo- gie, l’histoire analyse le fonctionnement des sociétés et des hommes : les structures familiales, les goûts culturels, les hiérarchies et stratifications sociales, les mouvements migratoires, les échanges économiques. A ceci près que si la première se concentre sur leurs manifestations contemporaines, la seconde à vocation à étudier celles du passé. Pour ce faire, leurs outils divergent : en sociologie l’enquête domine tandis qu’en histoire le recours aux archives est majeur. Mais les frontières peuvent se brouiller lorsque, par exemple, le sociologue étudie le passé d’une commu- nauté. Cela dit, lorsque qu’il étudie la société d’hier, c’est seulement pour éclairer le présent. IIIA3 : Sociologie et ethnologie. Avec l’ethnolo- gie (ethnographie [024] ou anthropologie) les diffé- rences sont minces puisque toutes les deux analysent des peuples et des sociétés. Il est toutefois quelques divergences : « l'ethnologie se consacre à l'étude des propriétés sociales et culturelles des sociétés « an- ciennes », « traditionnelles », ou des aires culturelles « exotiques », par opposition à la sociologie qui se consacre prioritairement à l'étude des sociétés mo- dernes développées (ou en voie de développement) » (p. 60). Puis tandis que l’ethnographe procède volon- tiers en pratiquant le récit de vie [030] ou l’observa- tion [028] participante, de façon à s’immerger dans la culture d’une ethnie, le sociologue, au contraire, opère souvent une rupture et une distanciation avec la société/communauté qu’il étudie de manière à acqué- rir une certaine objectivité. IIIA4 : Sociologie et économie. Parmi les sciences humaines et sociales, il y a l’économie avec laquelle la sociologie partage de nombreux sujets d’études. IIIA4a : L’exemple de l’entreprise. A la diffé- rence de l’économiste, le sociologue n’analyse pas le bilan comptable, la stratégie industrielle, le position- nement sur le marché ou la productivité. Il prête da- vantage attention aux relations humaines voire aux modalités d’organisation du travail au sein de l’entre- prise. Il peut observer le niveau de bien-être, la cul- ture d’entreprise, les solidarités entre salariés. IIIA4b : Mayo et la Western Electric Cie. Il est une enquête américaine célèbre : celle qu’Elton Mayo réalise dans les années 1930 auprès des ouvrières d’une usine de montage d’équipements télépho- niques. La Western Electric Cie fait appel à lui pour remédier à quelques dysfonctionnements portant at- teinte à la productivité de l’entreprise et qui se mani- festent par de l’absentéisme au travail, du freinage des cadences et des montages défectueux. Elton Mayo a, dans un premier temps, amélioré l’éclairage, aug- menté les temps de pause, accordé le droit de parler 019 020 021 2 en travaillant et offert une collation ce qui a immédia- tement eu un effet positif sur la productivité des ou- vrières. Or, dans un second, contre toute attente, la productivité a continué d’augmenter alors même que les experts retirent, un a un, les avantages accordés aux ouvrières et dégradent leurs conditions maté- rielles de travail. IIIA4c : Les relations humaines au travail. L’explication d’Elton Mayo est la suivante : le simple fait que les ouvrières soumises aux expériences scien- tifiques se soient senties considérées a transformé po- sitivement le climat et l’ambiance dans l’atelier d’une part et les relations humaines au travail d’autre part. Pour le dire autrement, les ouvrières avaient gagné en estime d’elle-même ainsi qu’en autonomie ce qui s’est traduit par une augmentation de leur productivité indépendamment de leurs conditions matérielles de travail. Ces résultats sont exposés dans Les Pro- blèmes humains de la civilisation industrielle (1933) et Les Problèmes sociaux de la civilisation indus- trielle (1947). IIIA5 : Sociologie et démographie. Comme le sociologue, le démographe étudie des groupes hu- mains et les populations. Mais, tandis que le démo- graphe s’en tient aux caractéristiques quantitatives de cette population afin d’en prévoir le devenir (à moyen ou long terme), le sociologue peut user de méthodes qualitatives [025] pour en étudier la condition pré- sente. Si l’on prend l’exemple du vieillissement, le démographe en rend compte en montrant l’évolution de la pyramide des âges et le poids des plus de soixante ans dans la structure de la population. Le so- ciologue, lui, préfère étudier les conséquences de ce vieillissement de la société sur les rapports de forces politiques, les relations de solidarité intergénération- nelle ou encore la dynamisation du tissu associatif. IIIA6 : Sociologie et philosophie. Enfin, si la so- ciologie est « fille » de la philosophie, elle s’en dé- marque fortement. Tandis que l’analyse sociale du philosophe repose sur un travail théorique et critique des concepts, celle du sociologue s’appuie sur des données empiriques (appelées aussi corpus [020]) émanant d’observations réalisées sur un terrain d’en- quête. « Ainsi, par exemple, le sociologue travaillant sur les inégalités cherche plutôt à identifier les formes concrètes d'inégalité et les mécanismes qui les produisent ; il mesure leur ampleur et leurs évolu- tions au fil du temps ; il étudie les conséquences de ces inégalités... De son côté, le philosophe cherche plutôt à identifier le contenu de cette notion d'inéga- lité ; il s'interroge sur les justifications possibles des inégalités ou sur les valeurs véhiculées par cette no- tion. » (pp. 63-64). IIIB : Le regard sociologique et le regard jour- nalistique. On trouve enfin, sous la plume d’Olivier Martin, Emmanuelle Brun et Alexandre Mathieu-Fritz quelques remarques intéressantes sur la différence entre le métier de sociologue et le métier de journa- liste, sur le regard de l’un et le regard de l’autre. « A première vue, le journaliste et le sociologue parta- gent le même intérêt pour les faits de société. Il n'est pas rare […] que des journalistes sollicitent des so- ciologues pour commenter ou analyser tel ou tel fait. Et il existe des journalistes d'investigation qui mènent des recherches presque aussi longues que celles con- duites par les sociologues. Mais, en dehors de ces rapprochements ponctuels, le journalisme et la socio- logie ne peuvent pas être assimilés l'un à l'autre. D'une part, parce que les sociologues ont besoin de beaucoup de temps pour conduire des enquêtes ap- profondies, pour recueillir toutes les informations dont ils ont besoin : disposer de temps […] pour ana- lyser les faits de société est évidemment peu compa- tible avec les exigences du métier de journaliste et la nécessité de pouvoir informer et commenter très ra- pidement ces mêmes faits. D'autre part, le sociologue s’attache davantage à dépasser les faits pour saisir les logiques sous-jacentes, les structures sociales, les mécanismes invisibles qui sont à l’œuvre : tel ou tel fait de société ne sera pour lui qu’un premier indice pour s'interroger sur le contexte social, politique ou culturel permettant de comprendre voire d'expliquer ce fait. Le fait social, que les journaux rangeraient parfois dans la rubrique « faits divers » et qui pour- rait faire la une des médias, n'intéresse pas nécessai- rement le sociologue en tant que tel. Par exemple, un crime peut être la matière principale de l'intérêt jour- nalistique, alors qu'il ne s'agit pour le sociologue, au mieux, que d'un élément à replacer dans un contexte plus général à analyser en détail. […] il est fréquent que le sociologue recueille des informations sur de nombreux cas avant de pouvoir les étudier, de repérer 022 023 024 3 les régularités et de prétendre en faire une analyse. Tandis que, de son côté, le journalisme commente souvent des cas isolés » (pp. 64-65). IIIB1 : L’exemple de la prophétie autoréalisa- trice. IIIB1a : La pénurie d’essence. L’actualité uploads/Societe et culture/ socio-cours3.pdf

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