Ghouati Ahmed, 2001, « Education et culture : Eléments pour une formation des e
Ghouati Ahmed, 2001, « Education et culture : Eléments pour une formation des enseignants par production de savoirs », Revue Timmuzgha, HCA, N°4 novembre 2001, 5-10 1 EDUCATION ET CULTURE Eléments pour une formation des enseignants par production de savoirs Résumé La fondation d’une éducation interculturelle est un projet complexe qui nécessité la réunion de nombreuses conditions parmi lesquelles la formation des enseignants occupe une place particulière. Pour des raisons historiques et scientifiques cette formation est de plus en plus prise en charge par l’Université. Cependant, si la formation universitaire donne un socle de compétences théoriques à travers des savoirs disciplinaires très importants pour enseigner, la complexité du métier et la variété des situations interculturelles à « gérer » par les enseignants nécessitent une complexification des dispositifs de formation entre autres par l’implication des élèves-maîtres dans la production de savoirs. Cette implication se faisant à travers un travail de réflexion et de recherche sur terrain articule les nécessités à la fois théorique et pratique de la professionnalisation des enseignants. Dans ce cadre, les éléments concernant une formation des enseignants par production de savoirs sont formulés pour appuyer un travail de recherche sur une éducation interculturelle et plus particulièrement une école fondamentale pluriculturelle en Algérie (Cf. Ghouati, 1999). Comme tels, ces éléments viennent compléter un ensemble de questionnements et de propositions, ayant fait l’objet d’articles séparés, autour de l’évaluation, des contenus d’enseignement et des valeurs à l’école. Mots-clés : Formation des enseignants, Production de savoirs, Culture, Alternance, Université. Introduction Une formation par production de savoirs ne peut pas se réduire à un choix théorique obligé, et pratiquement illusoire, entre une reproduction de savoirs hérités et une innovation ex- nihilo. Dans les missions de tout enseignant, il y a toujours une gestion contradictoire de l'ancien et du nouveau et une articulation complexe entre théories et pratiques. Or cette gestion, au niveau de la dynamique de l'acteur-chercheur-auteur (Cf. Chartier et Lerbet, 1993), se situe aussi au carrefour de trois exigences: - Celles des logiques institutionnelles qui tendent vers la conformité, c'est-à-dire un Ghouati Ahmed, 2001, « Education et culture : Eléments pour une formation des enseignants par production de savoirs », Revue Timmuzgha, HCA, N°4 novembre 2001, 5-10 2 « modelage » ou une (dé)formation par l'apprentissage de recettes psychopédagogiques fragmentées; - Celles des adultes en formation qui (re)cherchent une identité et un style propre socio- professionnels pour se valoriser ou se faire (re)connaître par un groupe ou une institution; - Et celles, enfin, des situations d'apprentissages, théoriques ou pratiques, qui engagent toutes les capacités des apprenants, toutes les histoires individuelles, toutes les motivations intrinsèques ou extrinsèques et dessinent chez les uns et les autres des rapports spécifiques aux savoirs dispensés par l'institution. Par rapport aux exigences institutionnelles, du fait que le niveau de recrutement est de plus en plus élevé et la formation exigeante, l'enseignant ne peut se positionner et revendiquer sa position sociale qu'en tant qu'intellectuel et professionnel. Il est professionnel et responsable dans un métier ou l'aspect artisanal, pédagogique et/ou didactique, complète sa (re)production de sens, tout au moins pour ses élèves et la communauté éducative. De ce point de vue, l'image traditionnelle du « commis » de l'Etat - chargé de conditionner des « têtes bien pleines» - doit céder la place à celle d'un enseignant professionnel recruté et formé selon des critères scientifiques et universitaires pour être à même de réfléchir sur sa propre pratique, accompagner le développement et/ou l’émancipation de ses élèves et participer aux débats de société. Ainsi, sa longue et riche formation universitaire le prépare à être enseignant-animateur au sein d'un groupe-classe, en vue d'éduquer et former - donc aussi de « décider...dans l'inconfort radical » qu'imposent les dispositifs pédagogiques et didactiques (Astolfi, 1995) -, et de former des sujets mais sans jamais se satisfaire d'une activité répétitive ou routinière. Un métier diversifié et enraciné socialement En principe, dans chacune de ses activités, l'enseignant se réalise socialement, culturellement et intellectuellement tout en ayant conscience qu'il rend par là un précieux et difficile service à la société avec toutes ses composantes. Tout en sachant aussi que l’inconvénient politique et idéologique majeur d’une professionnalisation poussée - de la relation pédagogique et de la formation - se paye aussi par la manipulation généralisée des rapports sociaux sous la forme de rapports pédagogiques « technicisés » et aseptisés, ayant pour conséquences la démobilisation citoyenne, l’infantilisation des parents et par la même la disqualification des modes socioculturels traditionnels de transmission des héritages culturels au sein des familles, des associations culturelles, des lieux de culte, etc. Pour l’institution comme pour les usagers, l’enseignant a en charge la transmission/apprentissage de valeurs, de savoirs, de savoir-faire, etc. dont il est tenu pleinement responsable (Charlot et Bautier, 1991) mais aussi l’ouverture sur des problématiques posées par les différents contextes de l’éducation/formation. Pour ce faire, il doit disposer d’une large palette de « compétences Ghouati Ahmed, 2001, « Education et culture : Eléments pour une formation des enseignants par production de savoirs », Revue Timmuzgha, HCA, N°4 novembre 2001, 5-10 3 professionnelles »1 (Paquay et al., 1998) qui lui permettent d’anticiper, de s’adapter à différentes situations, de concevoir, d’analyser les actions, d’évaluer et de mettre à jour en permanence ses compétences. Or la nature « altruiste » de l'enseignement et la professionnalisation poussée de la pédagogie et de la didactique sont liées aussi à celle de l'organisation socio-politique et culturelle – dite « Education nationale » - qui assure une certaine cohérence interne et permet des identifications aux groupes qui la font fonctionner au quotidien. Sachant par ailleurs que les individus souhaitent toujours appartenir à des groupes qui ont réussi, l'organisation se doit alors de promouvoir tout autant les possibilités d'investissements individuels - cadre de vie et de travail ou l'on peut éprouver les divers sentiments de respect mutuel, de sécurité, de réussite, de relations à autrui, etc. - que sa propre image vis-à-vis de son environnement. Dans ce cas, c'est l'image du métier lui-même et les qualités et/ou compétences professionnelles demandées par une institution scolaire polyculturelle – i.e. une institution qui scolarise les langues et les cultures de ses usagers (Ghouati, 1999) - qui sont portées par la culture organisationnelle. Une organisation n'a pas vraiment d’imaginaire, ce sont plutôt les individus qui en sont les vecteurs socio-culturels. Dès lors, si les cultures des individus et des groupes (façons d’être et d’interagir, croyances ou mythes, rites...) peuvent trouver des moyens de s'enraciner, à travers diverses activités pédagogiques et didactiques internes, l'organisation pourra évoluer positivement par les confrontations/interactions entre imaginaires individuels et donner d'elle-même une image d'ouverture, d'échange et de respect de la diversité humaine et culturelle. Une formation par production de savoirs Autrement dit, d'un point de vue psychosociologique, l'unicité et la force d'intégration d'une culture organisationnelle, repose sur la multiplicité des appartenances identitaires et culturelles qu'elle développe et non sur l'uniformité habituellement imposée au nom de la rationalité. Sa pérennité en dépend également. Pédagogiquement, s'il apparaît impossible de former des élèves sans tenir compte de leurs cultures d'origine, il n'est pas non plus concevable de former des enseignants et de préparer leur intégration socio-professionnelle sans un travail sur les cultures des communautés dont sont issues les élèves. De ce point de vue, une formation dite équilibrée des enseignants, articule trois grands volets : une formation universitaire générale dite de base ou apprentissages culturels et scientifiques généraux; une formation pédagogique et didactique tournée vers la préparation pratique au métier; enfin, l'individualisation et la guidance en fonction de l'objectif de production de savoirs. 1 Elles sont définies comme un « ensemble diversifié de savoirs professionnels, de schèmes d’action et d’attitudes, mobilisés dans l’exercice du métier. Selon cette définition très large, les compétences sont tout à la fois d’ordre cognitif, affectif, conatif et pratique » (Ibid., p 15). Ghouati Ahmed, 2001, « Education et culture : Eléments pour une formation des enseignants par production de savoirs », Revue Timmuzgha, HCA, N°4 novembre 2001, 5-10 4 1. La formation universitaire générale, conçue en liaison avec les acquis antérieurs de l'élève-maître, permet l'accès à des savoirs disciplinaires proposés par l'université (Mialaret, 1977). En plus de ces savoirs, qui sont aussi des contenus disciplinaires classiques (littérature, sciences et techniques, etc.), les programmes peuvent s'ouvrir également à des approches interdisciplinaires de données théoriques, techniques et pédagogiques ou de pratiques socio-culturelles formalisées par des équipes de chercheurs pour les besoins de l'enseignement. Cette formation générale vise l'acquisition d'une double compétence par : Une culture générale qui inclut aussi bien l'histoire, la sociologie que la philosophie de l'éducation. La culture générale, loin de contredire un approfondissement des disciplines à enseigner, leur donne au contraire une plus grande ouverture et solidité théoriques. Des connaissances particulières en psychopédagogie, psychologie interculturelle et psychosociologie (qualitative et quantitative) de l’éducation, introduites comme niveaux d'analyse supplémentaires pour éclairer au moins partiellement différents contextes, différentes situations éducatives et les différents rôles de l'enseignant- animateur. Mais il reste essentiel de proposer un travail d'interrogation de chaque élève-maître sur son propre parcours scolaire, socio-professionnel et ses motivations. Ceci pour deux uploads/Societe et culture/article3-formation-des-enseignants.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 16, 2022
- Catégorie Society and Cultur...
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