3. Culture et éducation : le rôle de l'éducation dans la culture Comme nous l'a

3. Culture et éducation : le rôle de l'éducation dans la culture Comme nous l'avons souligné plus haut en définissant le concept de culture, cette dernière se transmet non pas par hérédité mais par éducation ; elle est tout ce qui rend l’homme «humain»: la connaissance, les sciences, les mœurs, l'art, la religion, le langage, la pensée, les sentiments, la morale etc. Dans ce cas-là, la culture a un sens d'éducation et de civilisation c'est à dire de procédé de formation de l'homme à travers l'éducation et l'histoire dont il hérite. L'homme n'est pas seulement un être naturel comme les animaux, il a besoin de culture et d'éducation. La culture entendue au sens du travail que l'homme effectue sur lui- même afin de « s'humaniser » ; elle peut alors être entendue au sens de l'éducation et de l'effort moral de l'homme pour réguler ses rapports avec ses semblables. Olivier Reboul, dans La Philosophie de l’éducation (1989), qui postule que c'est l'éducation qui permet l'entrée dans la culture, nous livre une réflexion sur l’éducation, son rapport avec la culture, sa finalité et ses institutions. Eduquer à pour racine le latin « educare », élever des animaux, des plantes, et par extension seulement, des enfants. Au 19ème s., être éduqué prend le sens de « savoir vivre », suivre les normes des classes supérieures de la société. Reboul souligne qu’en anglais « educated » est un faux ami et veut dire « instruit » (dans le sens d’avoir fait des études par exemple). Reboul distingue trois synonymes du verbe « éduquer »: élever, enseigner, former. Le premier renvoie à la famille, le second à l’école, le troisième tend, depuis quelque temps, à se substituer à la notion d’éducation, qu’il s’agisse de formation initiale, professionnelle, tout au long de la vie. Reboul examine ensuite la place de l’éducation entre nature et culture (naît-on homme ou le devient-on par l’éducation ?), s’interroge sur les fins de l’éducation (éduque-t-on l’enfant pour la société ou pour lui-même ?), avant de proposer cette définition : « L’éducation est l’ensemble des processus et des procédés qui permettent à tout enfant humain d’accéder progressivement à la culture, l’accès à la culture étant ce qui distingue l’homme de l’animal ». Pour Reboul, « il n’y a pas d’éducation sans valeurs », même si, comme l’affirment certains, toutes les valeurs sont relatives. Ainsi le Bien, le Mal, la Justice, etc. peuvent être diversement appréciés selon les époques, les sociétés, les cultures. Toutefois, « la relativité des valeurs n’abolit pas l’éducation, mais l’universalité de l’éducation ». Mais une question demeure : « Comment éduquer selon des valeurs sans endoctriner ? » en sachant que le plus grand danger qui menace l’éducation aujourd’hui n’est pas l’endoctrinement idéologique ou religieux – du moins dans les sociétés démocratiques – mais l’indifférence ou la démission de tous ceux qui devraient « éduquer ». Kant définit l'éducation comme la conjonction des soins, de la discipline et de l'instruction. Pour lui, c'est d'ailleurs cette dernière qui permet réellement à l'homme l'entrée dans la culture. Dans Réflexions sur l'éducation, traduites en français sous le titre Traité de pédagogie en 1855, Kant expose sa théorie sur l'éducation, sur sa nécessité et son rôle dans le progrès de l'humanité, l' « homme ne pouvant devenir homme que par l'éducation ». Il pose ici le problème de l'importance accordée à l'éducation et cherche à expliquer en quoi son côté fondamental et ses conséquences sur le développement peuvent participer à l'amélioration de l'individu, les répercussions de l'éducation étant souvent mal évaluées et sous-estimées L'idée centrale de Kant est que « l'homme ne peut devenir homme que par l'éducation »: l'éducation assure la transition entre l'être envisagé dans sa condition frustre et sauvage, encore proche de l'animalité et un statut humain où l’essence de l'humanité est conquise par l'accession à une destination morale. Selon Kant, la discipline est nécessaire à une étape de l'éducation qui précède l'autonomie (c'est-à-dire le pouvoir de se diriger soi-même selon ses propres lois). Si la Nature prend soin de l'animal, elle laisse l'homme prendre soin de lui-même. Or : « comme il n'en est pas immédiatement capable, et qu'il arrive dans le monde à l'état sauvage, il a besoin du secours des autres. L'espèce humaine est obligée de tirer peu à peu d'elle-même par ses propres efforts toutes les qualités naturelles qui appartiennent à l'humanité ». L'état sauvage, ici, se comprend au sens des penchants brutaux qui existent en l'homme et qui menacent de le ramener à la barbarie morale. Kant souligne que : « la discipline est purement négative, car elle se borne à dépouiller l’homme de sa sauvagerie ; l'instruction au contraire est la partie positive de l’éducation. » Si « la sauvagerie est l'indépendance à l'égard de toutes les lois. La discipline soumet l'homme aux lois de l'humanité ». Ainsi l'homme n'est pas condamné à la violence ; par sa faculté de raison il peut s'en délivrer, et pour que cette faculté s'exerce, il suffit qu'elle soit éduquée. C'est là le rôle de l'éducation, et la discipline contraint l'homme à se redresser et à lutter contre ses mauvais penchants. L'homme est le seul être à avoir besoin de l'éducation précisément parce qu'il est doué de raison, et, contrairement aux animaux, il n'est pas livré à l'instinct. C’est cette faculté même qui demande l'éducation, car, sans instinct, il ne peut se développer entièrement en tant qu'homme. Seule l'éducation, le secours des autres, peut l'aider à développer ses potentialités et à faire de lui un Homme, au sens où son humanité est pleinement développée : « Eduquer, ce n’est pas fabriquer des adultes selon un modèle, c’est libérer en chaque homme ce qui l’empêche d’être soi, lui permettre d’accomplir son « génie » singulier […] l’éducation ne peut pas tout. Inversement, si l’éducation ne peut pas tout, on ne peut rien sans elle ». L’homme qui est cultivé est l’homme qui a reçu une éducation. Il faut à ce sujet dissiper un malentendu. On est en effet tenté de dire que l’éducation est partout, dans la famille, à l’école, dans les loisirs comme dans les études – même les jeux d’enfants peuvent être éducatifs. La vie elle-même serait, à sa manière, une éducation, non seulement par les leçons que l’on tire de l’expérience, mais par l’exercice le plus immédiat de nos facultés et d’abord de nos sens. Dans ce cas, certains n’hésitent plus à parler d’une éducation de la vue, du toucher, du sens gustatif, etc., chez le jeune enfant. A ce niveau de généralité, il faudrait appeler éducation le développement de l’homme qui passe de l’état d’enfance à l’état adulte. Jean-Jacques Rousseau, dans Emile ou de l’éducation (1762), le dit avec son sens des formules : « Nous commençons à nous instruire en commençant à vivre, notre éducation commence avec nous ; notre premier précepteur est notre nourrice. Lorsque l’école se fixe pour objectifs les savoirs, les savoir-être et les savoir-faire, elle s’inscrit dans cette perspective très générale d’une éducation qui se propose d’élever les enfants et de développer chez eux les aptitudes et les comportements qui feront d’eux des adultes. » L’homme ne peut devenir homme que par l’éducation. Il n’est que ce que l’éducation fait de lui. Ce propos de Kant sur l’enjeu de l’éducation est l’écho fidèle de, Jean-Jacques Rousseau dans Emile ou de l’éducation: « On façonne les plantes par la culture, et les hommes par l’éducation. » Mais ce n’est évidemment pas seulement en ce sens que l’on parle de la culture qu’un homme reçoit par l’éducation qui fait de lui un homme instruit et un homme de goût. Lorsqu’il s’agit de devenir cultivé, l’éducation commence non avec la vie, mais avec la lecture, l’écriture et le calcul. Ce sont là les aptitudes et les apprentissages élémentaires de l’homme qui reçoit une éducation : apprendre à « lire, écrire et compter », selon la fameuse formule d’Adolphe Thiers. Pourquoi en effet cet apprentissage sinon parce que l’éducation ne saurait se contenter d’élever les enfants comme les animaux élèvent leurs petits, c’est-à-dire leur prodiguent des soins et développent leurs aptitudes et leurs comportements naturels ? Mais l’éducation humaine ne veut pas seulement élever les enfants ; elle veut en faire des élèves, c’est-à-dire les élever jusqu’à la culture. Si l’on apprend aux enfants à lire, à écrire et à compter c’est parce qu’on ne saurait se contenter de leur apprendre à parler et à ne compter que les sous qu’ils ont dans la poche ou les points qu’ils ont gagnés en jouant. On veut aussi leur donner les moyens d’accéder aux lettres et aux sciences, c’est-à-dire à des livres. On ne veut pas seulement leur faire découvrir les choses qui les entourent ou les faire communiquer avec les autres. On veut leur donner la possibilité d’aller au-delà de l’expérience de la vie pour entrer dans le monde de la culture, celui des bibliothèques, des dictionnaires, des encyclopédies, des traités, des doctrines et des idées. Dans ce monde, on pourra posséder un savoir uploads/Societe et culture/i-3-culture-et-education.pdf

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