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35-50 Distribution électronique Cairn pour Presses Universitaires de France © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit. Chapitre III Implantation et institutionnalisation du sport en France (1870-1914) Thierry Terret I. – L’implantation des « sports anglais » Professeur à l’université Claude-Bernard (Lyon-I). Recteur de l’académie de la Réunion 1 Avant même que les sociétés de gymnastique ne se présentent comme autant de freins à l’avènement du sport, l’aristocratie et la haute bourgeoisie expérimentent, à l’abri de cercles fermés, des activités fortement distinctives. Escrime, équitation et arts académiques hérités des siècles passés, passions du hippisme – le Jockey-Club est créé en 1833 – premières courses de cyclisme ou d’aviron, qualifié de rowing pour renforcer la part de distinction que confère explicitement la référence britannique, attrait de l’aventure montagnarde que structure en 1874 le Club alpin français : ces passe-temps de sportsmen annoncent la conquête du modèle sportif anglais qui s’impose bientôt durablement en France. 2 Le sport pratiqué en France l’est d’abord par des Anglais venus sur le sol français pour leurs affaires ou pour leurs loisirs, à Paris ou dans certaines stations du littoral atlantique prises d’assaut en raison de la saturation de leur équivalent en Angleterre. Ces premiers sportsmen pratiquent l’aviron, la course à pied, le lawn-tennis (tennis sur gazon) le golf, le tir au pigeon, le hippisme, le skating (patin). 3 Si le football-rugby est alors plus rare, les premiers clubs ne tardent pas à apparaître lorsque la communauté britannique est localement suffisamment développée, à l’instar du Havre Athletic Club, en 1872. En 1877, des négociants en textile britanniques implantés à Paris pour des raisons commerciales et quelques étudiants français créent le club des English Taylors ; le Paris Football Club suit deux ans plus tard. Plusieurs collèges anglais de la capitale possèdent aussi leurs propres clubs de football : le Standard Athletic Club, les White Rovers, l’United Sport Club… À Implantation et institutionnalisation du sport en France (1870-1914) https://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_TERRE_20... 1 sur 10 12/03/2015 12:57 Bordeaux, ce sont encore des négociants britanniques qui, en 1879, fondent le Bordeaux Athletic Club avec l’aide de quelques étudiants français ayant séjourné outre-Manche. 4 À Paris, l’exemple touche rapidement quelques jeunes Français qui, tels les lycéens de Condorcet, provoquent volontiers l’autorité bourgeoise en dehors de tout cadre institutionnel, en se défiant à la course à pied dans la gare Saint-Lazare ou dans le bois de Boulogne, en tenue de jockey, pour mimer des courses hippiques. Ils s’essaient même à quelques matches débridés de football-rugby. Le 20 avril 1882, quelques-uns d’entre eux fondent le Racing Club de France. En réaction, ils sont imités le 13 décembre 1883 par leurs camarades de Saint-Louis, sur la rive gauche, qui créent le Stade français. Bientôt, la mode se diffuse au sein de la jeunesse estudiantine bourgeoise parisienne puis provinciale, dans les villes universitaires (Bordeaux, Grenoble, Dijon, Lyon, Toulouse). La première association sportive de Lyon, par exemple, est celle du lycée Ampère, fondée en 1890. Dans le Sud-Ouest du pays, à Bordeaux, apparaît un peu dans les mêmes circonstances, en 1897, le Bordeaux Université Club (BUC), précédé cependant dès 1889 par un club où dominent davantage les employés, le Stade bordelais, ainsi que par le Sport athlétique bordelais, fondé en 1892. Avec le Stade athlétique bordelais créé à l’initiative de quelques Britanniques et d’étudiants en 1892, le Stade bordelais est à l’origine, après 1893, de la mise en place d’un championnat du Sud-Ouest au moment où le football et le rugby se différencient définitivement en France. Doyen des clubs provinciaux encore en activité [Callède, 1993], il fusionne avec le BUC en 1901 pour devenir le Stade Bordeaux Université Club (SBUC). 5 Malgré l’indifférence des autorités politiques, les réticences des institutions scolaires et universitaires qui voient davantage dans la gymnastique matière à former les corps et les esprits, et l’hostilité manifestée par les sociétés de gymnastique elles-mêmes, l’émergence du mouvement sportif associatif en France bénéficie, dans les années 1880, d’éléments favorables à plusieurs niveaux. 6 Prenant acte de la réussite politique et économique de l’Angleterre, un courant réformateur se développe pour vanter les mérites de son système éducatif et dénoncer les carences du système français. Certains, résolument anglophiles, considèrent les sports comme l’avenir. C’est notamment le cas de Pierre de Coubertin, un jeune aristocrate qui, dans L’Éducation en Angleterre (1888), se positionne comme un ardent défenseur du sport comme moyen d’éducation de la jeunesse. Avec Jules Simon (alors sénateur), il crée en 1888 un Comité pour la propagation des exercices physiques dans l’éducation. Bien que concurrencé par Paschal Grousset, communard et anarchiste, qui fonde au même moment une Ligue nationale d’éducation physique extrêmement favorable au développement des grands jeux de plein air, et Philippe Tissié, conservateur, qui lance à son tour une Ligue girondine d’éducation physique, ce mouvement de réforme, certes timide, contribue à Implantation et institutionnalisation du sport en France (1870-1914) https://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_TERRE_20... 2 sur 10 12/03/2015 12:57 II. – Pratiques et sociabilité conforter une partie de la jeunesse bourgeoise dans son désir d’activités sportives. Il est, du reste, relayé par un déplacement sensible du regard scientifique et médical sur l’exercice physique et le plein air, dont attestent, par exemple, la création de la Station physiologique du Parc des Princes en 1881, le rapport que l’Académie de médecine publie le 9 août 1887 afin d’ouvrir le système éducatif français aux grands jeux, ou encore le succès de l’ouvrage de Fernand Lagrange, Physiologie des exercices du corps (1888). 7 Certains établissements scolaires privés, telle l’école des Roches, en profitent pour s’approprier les modèles éducatifs britanniques. Mais l’initiative institutionnelle provient bien des premiers clubs. Le 18 janvier 1887, Georges de Saint-Clair (1845-1910), secrétaire général du Racing Club de France, fonde avec le Stade français une Union des sociétés françaises de courses à pied qui organise son premier championnat de France l’année suivante, le 29 avril 1888. Rejointe par quelques autres clubs parisiens, la structure s’élargit le 31 janvier 1889 à l’ensemble des sports, sous le terme d’Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA). 8 Par sa composition, l’USFSA reflète les caractéristiques sociales (jeunes adultes), sexuelles (uniquement des hommes), géographiques (Parisiens) et économiques (bourgeois) des nouvelles classes dirigeantes du pays. Elle prend dès lors largement modèle sur l’Amateur Athletic Association britannique qui lui inspire directement sa définition de l’amateurisme et l’essentiel de ses statuts. Elle se dote aussi de commissions par sport : course à pied, football, lawn-tennis, vélocipédie, aviron. D’autres viendront progressivement s’ajouter, par exemple pour la natation ou encore les sports d’hiver. Elle diffuse deux revues : La Revue athlétique (mensuelle) et Les Sports athlétiques (hebdomadaire). Enfin, elle s’organise en comités régionaux après 1894 et développe des règlements et championnats pour chacun des sports qu’elle a en charge. 9 L’USFSA s’impose en quelques années comme la principale fédération sportive du pays. Seules lui échappent des pratiques dont l’antériorité a pu générer des structures unisport (par exemple le Club alpin français en 1874, la Fédération des sociétés françaises d’aviron en 1890), celles dont les acteurs souhaitent maintenir une distance aristocratique aux autres sportifs (escrime en 1882, automobile en 1895, golf en 1912, voile en 1912) ou celles qui sont résolument plus populaires (cyclisme en 1881, boxe en 1903, lutte en 1913, haltérophilie en 1914). Les fédérations internationales, pour leur part, sont souvent postérieures à la création des structures françaises et, pour une partie d’entre elles, à l’initiative de dirigeants français. 10 Au niveau local, loin des bureaux parisiens de l’USFSA, les clubs constituent la Implantation et institutionnalisation du sport en France (1870-1914) https://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_TERRE_20... 3 sur 10 12/03/2015 12:57 structure de base du sport. Dans leurs statuts, ils mettent fréquemment en avant les relations entre les membres (camaraderie, solidarité), le développement des forces physiques, l’organisation de rencontres sportives, mais aussi de fêtes et de sorties, de même que le développement du sport (règlement, perfectionnement technique et matériel). La présence de finalités patriotiques et militaires, moins perceptibles que dans les sociétés de gymnastique, s’intensifie cependant à l’approche de 1914. Les clubs poursuivent ainsi simultanément de nombreuses fonctions : hygiéniques, mutualistes, militaires, civiques, ludiques, éducatives, toutes valeurs conformes aux attentes de la République. 11 Les statuts permettent aussi de faire du club une microsociété, avec son système de sanctions, de discipline, de récompenses et d’amendes. Devenir membre suppose une cooptation, avec tous ses rituels d’intégration. L’adhésion entraîne un véritable apprentissage de la vie en société d’autant plus efficace qu’apparaît très vite une division sociale au sein des clubs. En effet, alors que les membres connaissent une relative et progressive démocratisation après 1890, les dirigeants continuent d’appartenir aux franges dominantes de la société. Le club contribue alors à renforcer les divisions sociales existantes [Arnaud, 1986]. 12 Toutefois, une variété de situations existe selon l’activité. Golf, tennis, automobile demeurent plus élitistes que l’aviron et l’alpinisme qui, uploads/Sports/ implantation-et-institutionnalisation-du-sport-en-france-1870-1914.pdf

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  • Publié le Oct 08, 2022
  • Catégorie Sports
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