28 CHAPITRE 4: Rupture rapide, ténacité et fatigue 1. Introduction Il ne suffit
28 CHAPITRE 4: Rupture rapide, ténacité et fatigue 1. Introduction Il ne suffit pas de dimensionner une pièce en limitant les déformations et l'écoulement plastique qui peuvent s'y développer. Un autre phénomène connu sous le nom de rupture rapide peut survenir et conduire à la ruine de manière catastrophique. Ce phénomène a beaucoup été observé dans le cas des structures soudées telles que les bateaux, les ponts, les tuyaux et enceintes pressurisés. La rupture se caractérise à chaque fois par la présence d'une fissure qui se propage à la vitesse du son dans le milieu. La fissure initiale peut être le résultat d'une opération de soudage imparfaitement réalisée. Au moment de la rupture, la fissure atteint un régime instable de croissance et commence à se développer et à se propager très rapidement. Ce phénomène est extrêmement dangereux car il se produit à des niveaux de contraintes qui sont bien inférieures à la limite de plasticité du matériau. 2. Critère de l'énergie pour la propagation des fissures En gonflant un ballon en caoutchouc, l'énergie est graduellement stockée sous la forme d'une énergie de déformation due d'une part à la compression de l'air contenu dans le ballon et d'autre part à l'extension membranaire de sa paroi. En appliquant une aiguille sur la ballon, celui-ci explose et toute l'énergie stockée est libérée spontanément. La membrane du ballon rentre ainsi en ruine par propagation rapide de la fissure initiale crée par l'aiguille et ce même si la tension qui y régnait était très inférieure à la limite d'élasticité (déformations purement élastiques de la paroi). Si maintenant, on applique une aiguille sur un système qui contient moins d'énergie que le ballon précédent (ballon partiellement gonflé), la fissure créée ne se propage pas et l'on se trouve dans un domaine stable. Si on gonfle à partir de cet état le ballon, on peut éventuellement atteindre une pression qui fait exploser à nouveau le ballon. Cette pression définit une pression critique qui fait spontanément exploser le ballon. Elle permet à la fissure de se propager rapidement et constitue donc la limite entre l'état stable de la fissure et son état instable qui entraîne la ruine. 29 Si l'on veut, dans le cas du ballon partiellement gonflé pour lequel la fissure se trouve dans un état stable, faire augmenter la taille de la fissure, disons d'un mm, on doit exercer sur la paroi du ballon une force de traction afin d'augmenter la surface globale de la fissure. Cette opération consomme une quantité d'énergie qui est égale à l'énergie de tension par unité d'aire, nécessaire pour la fissuration, multipliée par l'aire de la fissure créée. Si le travail effectué par la pression dans le gaz plus l'énergie libérée par la membrane du ballon est inférieure à l'énergie nécessaire pour la propagation de la fissure, le développement de la fissure ne peut se produire. En gonflant davantage le ballon, on peut bien sûr augmenter la quantité d'énergie stockée et atteindre éventuellement le point où l'énergie pouvant être libérée est bien plus grande que l'énergie requise par la propagation de la fissure. Dans ce cas, la pression critique est atteinte et on observe la rupture rapide (fracturation instantanée). Beaucoup d'accidents dus au phénomène décrit précédemment se sont produits et continuent de se produire. Dans tous les cas, la contrainte critique a été dépassée en prenant complètement à contre pied le concepteur qui n'avait pas envisagé l'occurrence de ce phénomène au moment où il avait dimensionné le projet. Afin de mettre en équation le phénomène de rupture rapide, on peut exprimer la condition d'équilibre énergétique qui doit satisfaite si l'on veut que la fissure progresse. Considérons ainsi une fissure de longueur a dans un matériau d'épaisseur h qui progresse de a . Ceci ne peut être possible que si le travail effectué par les charges extérieures est au moins égal à la variation totale de l'énergie élastique et de l'énergie absorbée au niveau du pic de la fissure, soit ext el c W W G h a (4.1) où c G est l'énergie absorbée par unité d'aire de surface de la fissure initiale et h a est l'aire de la nouvelle surface formée au pic de la fissure. Le coefficient c G est une propriété du matériau qui est accessible expérimentalement. Il représente l'énergie à fournir au matériau pour créer une surface unitaire de fissure et on l'appelle ténacité (ou parfois énergie évacuée de déformation critique). Elle s'exprime en 2 J.m. Une ténacité élevée signifie qu'il est difficile de faire progresser une fissure dans le matériau comme c'est le cas par exemple du cuivre pour lequel 6 2 c G 10 J.m . Le verre se fissure facilement au contraire car 2 c G 10 J.m. 30 3. Propagation d'une fracture sous déplacements imposées La figure 4.1 montre une plaque mise sous tension par une force F et encastrée sur ses deux bords inférieur et supérieur. Figure 4.1: Plaque tendue à bords fixes Du fait que les bords sont fixés, les forces extérieures agissant sur la plaque ne développent aucun travail. Le critère de progression de la fissure prend dans ce cas la forme el c W G h a (4.2) Lorsque la fissure se propage dans plaque, le matériau au voisinage de la fissure se relaxe, perd sa précontrainte en perdant l'énergie élastique. el W est donc négative, de sorte que el W est positive. Afin d'évaluer el W , on peut se référer au schéma de la figure 4.2 . Un élément de volume élémentaire d'épaisseur h et d'aire de section dA pris dans la plaque se trouve soumis à la contrainte de traction en se déformant de . L'énergie élastique emmagasinée dans cet élément est F F a a Plaque d'épaisseur h 31 2 el 1 dW hdA hdA 2 2E (4.3) Figure 4.2: Progression de la fissure En présence d'une fissure de taille a, on peut supposer grossièrement que la région délimitée par le cercle hachurée de rayon a s'est relaxé et a perdu toute l'énergie élastique qu'il contenait. Cette énergie est donnée par 2 2 el a h W 2E 2 (4.4) Lorsque la fissure progresse de la quantité a , on peut calculer l'énergie élastique libérée par 2 2 el el dW 2 ah ah W a a a da 2E 2 2E (4.5) La condition critique de progression de la fissure (4.2) devient alors en tenant compte de (4.5) 2 c a G 2E (4.6) Remarquons que la relation (4.6) donne l'ordre de grandeur seulement de la condition de criticité car le modèle choisi ici pour évaluer l'énergie élastique libérée est très grossier. Une a a 32 analyse mathématique plus fine du problème permet de montrer en effet que l'énergie libérée est le double de la quantité donnée par (4.4). La nouvelle quantité pouvant aussi être légèrement affectée par la valeur de l'épaisseur de la plaque. La condition de criticité est alors 2 c a G E (4.7) soit c c a K EG K (4.8) La quantité K a s'appelle facteur de concentration des contraintes. La constante c c K EG est appelée ténacité de rupture ou facteur critique d'intensité de contrainte. K et c K s'expriment en 3/2 MN m L'analyse du critère défini par (4.8) montre que la rupture rapide se produit dans un matériau soumis à un niveau de contrainte lorsque la fissure atteint une taille crique. De même un matériau présentant une fissure de taille a risque de développer ce phénomène lorsque la contrainte qui lui est appliquée atteint une intensité critique. Les troisième et quatrième membres de la relation (4.8) ne dépendent que des propriétés du matériau à savoir le module d'élasticité E et l'énergie requise par le matériau pour créer une fissure d'aire élémentaire c G . Les premiers membres de (4.8) décrivent les conditions de charge. Les derniers membres (4.8) décrivent des propriétés matérielles intrinsèques. De ce fait la relation (4.8) est une formule de dimensionnement à l'image de la formule y qui sert à effectuer le dimensionnement élastique. Le facteur de concentration de contrainte critique c K peut être déterminé expérimentalement en produisant une fissure de taille donnée dans le matériau et en le chargeant jusqu'à observer la rupture. c G peut alors être déduit de c K en utilisant la relation c c K EG . Les valeurs c K et c G sont très faibles dans le cas des matériaux peu tenaces comme les verres, la glace ou les céramiques. Ces valeurs sont grandes dans le cas des métaux réputés pour être très tenaces. Les polymères ont une ténacité intermédiaire, mais c K est faible à cause du faite que pour ces matériaux E est petit. En renforçant les polymères, on fabriques des composites qui eux ont une ténacité bien supérieure à celle uploads/Voyage/ chapitre4 1 .pdf
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- Publié le Oct 05, 2021
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