Les trois voyages de l'apprenti » Le jour de mon entrée en Franc-Maçonnerie, j'
Les trois voyages de l'apprenti » Le jour de mon entrée en Franc-Maçonnerie, j'ai effectué trois voyages. Cependant, c'est au fil de ma première année de tenues que j'ai commencé à mesurer la portée de ces périples. Pour ordonner ma réflexion, et avant d'approcher le sujet spécifiquement du côté maçonnique, je désire en premier lieu répondre à la question suivante. Que représente l'idée du voyage dans l'inconscient collectif ? J'aborde cette interrogation en mêlant mes souvenirs de lecture, mes modestes connaissances, et mes découvertes en cours. Selon Jung : « c'est l'insatisfaction qui pousse à la recherche et à la découverte de nouveaux horizons » ; Alain Gheerbrant et Jean Chevalier dans le Dictionnaire des symboles expliquent que le voyage représente la quête de « la mère perdue », ou encore « le voyage exprime un désir profond de changement intérieur, un besoin d'expériences nouvelles, plus encore que de déplacement local ». Des indications qui se trouvent en concordance avec l'état d'esprit de l'impétrant qui, en frappant à la porte de la Franc-Maçonnerie est mû, en principe, d'un désir de changement intérieur. Le terme de Jung « horizon » est à mettre en relief. On voyage rarement sans buts, et dans un même temps voyager c'est aller vers l'inconnu. Combien d'hommes n'ont-ils pas rêvé face au spectacle du soleil qui se couche à l'horizon ? Un espace lointain, lieu d'utopies, d'espoirs, de phantasmes, d'idéaux ou de peurs. Où encore retrouver cette idée du voyage dans l'inconscient des hommes ? Je pense que l'on peut retrouver les racines de cette thématique dans la mythologie et dans les livres. Que ce soit de manière consciente ou inconsciente, la représentation du voyage nous a été transmise de façon orale puis par la littérature à travers les époques. Le livre des morts Le premier voyage symbolique connu est certainement celui qui était effectué « Post Mortem » par les Égyptiens dans le livre des morts. La cérémonie de la pesée du cœur (Ib) et de l'âme (Ba) décidait, selon ses actes, de son futur. Pour cela, le cœur du défunt ne devait pas peser plus qu'une plume (représentant maât). Bardé de formules sacrées, le mort est prêt pour son jugement final. Placé dans la barque de Rê afin de traverser sans encombre l'au-delà et atteindre la lumière éternelle. « Le symbole est celui du secret divin qui n'est livré qu'à l'initié » (Alain Gheerbrant, Jean Chevalier Dictionnaire des symboles). Un voyage vers l'immortalité que l'on retrouve dans le livre des morts tibétains (le Bardo). C'est, j'en conviens, un résumé condensé, mais il s'agit de mettre en lumière les archétypes si chers à Jung qui ont forgé la pensée humaine. Les Pharaons, les notables, ou les simples artisans dédiaient leur vie et leur fortune à la préparation de leur voyage vers le monde des ombres. Cela démontre un état d'esprit perdu aujourd'hui. Sur le voyage dans l'antiquité Dans l'antiquité, la transmission orale était souveraine. Les personnages mythologiques effectuant des voyages initiatiques sont nombreux : Ulysse, Hercule, Ménélas, Jason. De cette transmission orale, les œuvres de l'antiquité parvenues jusqu'à nous sont en particulier « L'Iliade » et « L'Odyssée ». Si le premier poème est consacré à l'héroïsme et à la guerre de Troie, l'Odyssée est certainement le plus connu des voyages. Après dix ans de guerre de Troie, il faudra à Ulysse dix nouvelles années pour rentrer chez lui. Poséidon furieux contre lui d'avoir rendu aveugle son fils le cyclope lui imposera lors d'un long périple de multiples épreuves. On remarque que ce voyage est nommé périple, car le désir d'Ulysse est de revenir à son point de départ pour retrouver femme et enfant et une vie normale. Dans ce cas précis, Ulysse n'a pas choisi son exil et il est confronté à des êtres surnaturels. Il renoncera notamment à la jeunesse éternelle que lui fait miroiter Calypso. En effet, pour Ulysse, la condition de simple mortel et bien plus louable. Devant le désordre des guerriers grecs pillant Troie, de l’impatience des prétendants autour de sa femme Pénélope en sa maison, son but ultime est de mettre de l'ordre à ce chaos. La synchronisation avec le cosmos. La notion de cycle est retrouvée. Il y a dans ce mythe fondateur la dualité entre Ulysse, symbole masculin qui agit, et Pénélope, symbole féminin qui attend passivement, tout en tissant le linceul de son beau-père pour faire patienter ses prétendants. « Le symbole du tissage représente le destin. Le fuseau tenu en main qui va et vient dans le métier peut représenter le déroulement des jours et l'enchainement des actes. Une fois le tissage terminé la tisserande coupe le fil qui le retient au métier tel le cordon ombilical du nouveau-né, c'est alors également un acte de création » Alain Gheerbrant, Jean Chevalier Dictionnaire des symboles. On retrouve ici l'épreuve initiatique qui donne à Ulysse toute sa teneur héroïque. Le voyage est effectué là encore sur les mers sur une barque, symbole définitivement associé au voyage. La barque de Rê égyptienne se nommait aussi navette tout comme l'instrument de tissage de Pénélope. Ménélas mari d'Hélène, à l'origine de la guerre de Troie, a lui aussi subi des épreuves durant huit ans pour retrouver sa terre d'origine. Il reviendra cependant couvert d'or. À la fin de l'Odyssée, la divinité Hermès apparaît en passeur des âmes vers le royaume des ombres pour les prétendants de Pénélope, massacrés par Ulysse et Télémaque, vers le pré de l'Asphodèle. Voyages bibliques Les plus grands personnages bibliques sont des voyageurs. Abraham, Moïse et bien sûr Jésus n'ont de cesse de parcourir la terre sainte. Je ne suis pas un spécialiste de l'évangile, mais je retrouve dans la Bible le voyage correspondant à l'exil d'un peuple. Le désir de retour à la source devient le retour en terre promise. Les épreuves ne sont plus individuelles, mais collectives. Et le désir du retour à ses racines se déroule sur plusieurs générations. On retrouve pourtant toujours le fondamental du retour au point de départ, à ses racines, à l'origine. Le pèlerinage si cher aux croyants n'est autre qu'un voyage spirituel ayant pour but de transformer le pèlerin mis au-devant d'épreuves. Sur le voyage au moyen-âge L'idée de voyage en Europe au moyen âge est représentée entre autres par les croisades et la quête du Graal que l'on retrouve dans les écrits de Chrétiens de Troyes. Mais, la croisade est-elle un voyage ? Le terme « croisade » n'apparaît pas avant le milieu du XIIIe siècle en latin médiéval. Les textes médiévaux parlent le plus souvent de « voyage à Jérusalem » pour désigner les croisades, ou encore de « pèlerinage ». (Cécile Morrisson, Les Croisades, PUF, 1969, nouvelle édition). La principale raison des croisades est la récupération du Saint Sépulcre et la reconquête de la terre sainte. À l'idée du voyage en tant qu'épreuve initiatique vient s'ajouter la notion de quête spirituelle. C'est un concept similaire que l'on retrouve dans la légende d'Arthur et la quête du Graal. De cette même époque, la divine comédie de Dante, voyage initiatique où le narrateur visite l'enfer, le purgatoire, et le paradis partage ces idées avec la promesse du salut pour chacun. Le voyage dans la maçonnerie opérative L’âge d’or de la maçonnerie opérative (ou compagnonnage) se situe du XIIe au XVIe siècle Même si historiquement, aucun document n'atteste que la Maçonnerie spéculative en est l'héritière directe, l'analogie initiatique ne fait pas de doute. Comment alors ne pas faire le rapprochement entre sur le voyage d'initiation du compagnon et son tour de France ? L'itinérance est d'ailleurs une caractéristique notoire des bâtisseurs médiévaux. Le compagnon acquiert au fil des rencontres avec des maîtres la connaissance. Chaque chantier apparaît comme une nouvelle épreuve qu'il doit réussir pour passer à l'étape suivante. C'est le principe de l'initiation vers la connaissance. Sur le voyage à la renaissance À partir du XVe siècle et la traversée de l'Atlantique par Christophe Colomb, le voyage va s’enrichir par la découverte de l'inconnu, la recherche de trésors, la possibilité d'un monde nouveau. Cela a sûrement influencé la littérature qui a suivi. De manière non exhaustive, il y a les aventures de Télémaque (Fénelon), Candide (Voltaire), Pantagruel (Rabelais), les voyages de Gulliver (Swift), voyage en Orient (De Nerval), plusieurs œuvres de Jules Verne. Nous retrouvons toujours le thème de l'épreuve, de la transformation qu’elle engendre et le retour à l'origine. Quels messages subliminaux nous ont été transmis dans les littératures ? En conjuguant l'analyse de Jung et les messages subliminaux transmis dans la littérature, j'en arrive à la conclusion suivante. C'est l'insatisfaction qui pousse l'homme curieux vers de nouveaux horizons, la recherche d'un trésor, d'une connaissance concrète ou spirituelle. Cette recherche le place au-devant d'épreuves qui, en les vivant, le transforment durablement. Pourtant, toujours insatisfait et s'apercevant que c'est en fait une fuite de lui-même, il finit par revenir au lieu de départ de son voyage et voit alors son environnement d'une vision éclairée grâce à la transformation opérée. Le symbolisme du voyage se résume dans la uploads/Voyage/ les-trois-voyages-de-l.pdf
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- Publié le Jan 29, 2022
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