Chapitre 2 Classification des Fluides non-Newtoniens __________________________

Chapitre 2 Classification des Fluides non-Newtoniens ______________________________________________ Qu’est ce qu’un liquide non-Newtonien? Il convient préalablement, pour répondre à cette question, de définir précisément les caractéristiques d’un comportement newtonien. D’après Barnes et al. (1989), un comportement newtonien est un comportement dans lequel, à température et pression constantes:  la viscosité de cisaillement η est indépendante du taux de cisaillement  ;  pour un cisaillement simple, la seule contrainte générée est la contrainte de cisaillement σ, les différences de contraintes normales N1 et N2 étant nulles;  la viscosité est constante en fonction du temps et la contrainte est nulle lorsque le cisaillement est arrêté; si on reprend le cisaillement ultérieurement, la viscosité doit être la même que précédemment;  les viscosités correspondantes aux différents types de déformations sont proportion- nelles entre elles, et le rapport de proportionnalité est simple: par exemple la viscosité élongationnelle vaut 3 fois la viscosité de cisaillement. Un fluide non-newtonien est par conséquent un fluide qui ne satisfait pas à une ou plusieurs de ces caractéristiques. Toutefois, des fluides non-newtoniens peuvent satisfaire à certaines de ces caractéristiques des fluides newtoniens sous certaines conditions (de taux de cisaillement, de temps de cisaillement, etc.). Ainsi, par exemple, si un fluide non newtonien présente une viscosité de cisaillement η constante pour une certaine gamme de taux de cisaillement  , on dira que ce fluide présente dans cette gamme un plateau newtonien sur la courbe de η = f( ). L’allure de la courbe d’écoulement (courbe de la contrainte en fonction du taux de cisaillement) d’un fluide newtonien est montrée sur la figure 2.1. Cette courbe met en exergue la première propriété newtonienne suivant laquelle la viscosité η est la constante de proportionnalité entre la contrainte σ et le taux de cisaillement . De nombreux matériaux tels que des solutions de polymères, des émulsions, des suspensions, présentent des propriétés non-newtoniennes. Nous allons étudier différentes catégories de fluides non-newtoniens suivant les caractéristiques qu’ils présentent. Fig. 2.1– Courbe d ’écoulement (la contrainte σ en fonction du taux de cisaillement ) pour un fluide newtonien. 2.1- Les fluides dont la viscosité dépend du temps Au cours du cisaillement, la structure interne du fluide, et par conséquent sa viscosité, peut évoluer. Nous étudions ici différentes caractéristiques d’un fluide dont la viscosité dépend du temps de cisaillement. 2.1.1- Les fluides thixotropes et anti-thixotropes Les fluides thixotropes voient leur viscosité diminuer avec le temps lorsqu’ils sont soumis à un cisaillement constant ou à une contrainte constante. À l’arrêt du cisaillement, la viscosité augmente avec le temps, ce qui indique une réversibilité (au moins partielle) du phénomène [Mewis (1979), Barnes (1997)]. Une évolution typique de la viscosité en fonction du temps pour un fluide thixotrope sous cisaillement est représentée sur la fig. 2.2. De très nombreux fluides sont thixotropes : peintures, encres, suspensions d’argile, boues de forage, crèmes cosmétiques ou pharmaceutiques, produits alimentaires (yahourts, sauce tomate concentrée par exemple), sang, solutions concentrées de polymères, etc. Une interprétation est que la thixotropie reflète la destruction progressive, en fonction du temps et sous cisaillement, d’une microstructure interne du fluide. La microstructure peut signifier par exemple, suivant le fluide étudié, des enchevêtrements d’amas de macromolécules pour les polymères, ou des configurations spatiales de particules pour les suspensions ou de gouttelettes pour des émulsions. La modification de cette microstructure résulte de la compétition entre les contraintes dues à l’écoulement qui détruisent la microstructure, et les collisions et le mouvement brownien qui amènent les éléments composant le fluide à se rencontrer et à reformer la microstructure [Barnes (1997)]. Fig. 2.2– Évolution typique de la viscosité d’un fluide thixotrope en fonction du temps sous cisaillement. À t = 0, le fluide est au repos. Le fluide atteint un équilibre avec le temps et la viscosité est alors constante. Notons que la viscosité à t = 0 dépend du temps de repos du fluide avant l’expérience, de la préparation de l’échantillon et de la manière dont elle a été éventuellement versée dans le récipient du rhéomètre. Lorsque la microstructure est détruite, la viscosité du fluide diminue; on parle alors de «rajeunissement» («rejuvenation» en anglais). Lorsque la microstructure se reforme, la viscosité augmente; on parle alors de «vieillissement » (« aging » en anglais). Si le rajeunissement l’emporte sur le vieillissement, il y a thixotropie. La compétition entre rajeunissement et vieillissement est ainsi le mécanisme à l’origine de la bifurcation de viscosité [Coussot et al. (2002a)] (voir paragraphe sur les fluides à seuil). Les fluides antithixotropes sont plus rarement rencontrés que les fluides thixotropes. Ce sont des fluides pour lesquels la viscosité augmente sous cisaillement et diminue à l’arrêt du cisaillement. Ceci arrive lorsque, le fluide étant au repos, le mouvement brownien détruit les regroupements des éléments du fluide qui se sont faiblement liés et éventuellement étendus spatialement sous cisaillement. Ainsi, pour un fluide antithixotrope, l’écoulement favorise la microstructure, alors que le repos la détruit. Une suspension d’oxyde ferrique dans de l’huile minérale ou une suspension de billes de verre de 4 µm dans du sirop de maïs sont des exemples de fluides antithixotropes [Barnes (1997)]. 2.1.2- Les fluides vicoélastiques Un solide ou un fluide viscoélastique présente des caractéristiques tantôt d’un solide, tantôt d’un liquide, selon le temps de sollicitation auquel le matériau est soumis. Les premières expériences quantitatives sur la viscoélasticité remontent à la fin du XIX siècle et ont porté sur des matériaux tels que le caoutchouc ou la fibre de verre. Sous cisaillement ou élongation, ces matériaux subissent une première déformation instantanée comme un solide élastique, puis continuent à se déformer de manière continue comme un liquide visqueux. A l’arrêt du cisaillement ou de l’élongation, le matériau reprend en partie sa forme initiale. Dans certains cas, le matériau trop sollicité peut se déformer jusqu’à la rupture. Le Silly Putty (nom en anglais qu’on pourrait traduire par le « mastic fou ») est un exemple de matériau viscoélastique. Il s’agit d’un polymère à base de silicone qui s’étale comme un liquide au repos, et qui rebondit lorsqu’il est projeté sur le sol. Le Silly Putty peut également être brisé en plusieurs fragments en le frappant suffisamment fort avec un marteau ou sur une surface dure. Lorsqu’un matériau viscoélastique est soumis à des sollicitions brèves (par exemple une variation rapide de contraintes, comme lors de l’impact du Silly Putty sur le sol), la configuration moléculaire ou structure interne du matériau n’a pas le temps de se réarranger et de s’adapter à ces changements. Le temps de relaxation du matériau (qui correspond à un réarrangement, à un retour à l’équilibre) est alors trop long par rapport à son temps de sollicitation, et le matériau se comporte plutôt comme un solide. Lorsque le réarrangement de la structure interne est plus rapide que le temps de sollicitation, le matériau se comporte comme un liquide. Fig. 2.3- Expérience du bouncing-putty (gel de silicone) Le modèle mécanique équivalent pour représenter le caractère élastique est le ressort, pour le caractère visqueux est l’amortisseur et enfin pour le caractère plastique est le patin. Le rapport entre le temps de relaxation du matériau et le temps de sollicitation donne un nombre adimensionnel appelé nombre de Déborah3 : ion sollicitat relaxation t t De  (2.1) Pour De << 1, le matériau se comporte comme un liquide; pour De >> 1, le matériau se comporte comme un solide. Pour de l’eau, le temps de relaxation est de l’ordre de 10-12 s. Pour de l’huile lubrifiante, ce temps est de l’ordre de 10-6 s, et pour certains polymères ce temps peut atteindre plusieurs secondes. 10-9 s 10-3 s 1 h Solide Elastique Liquide visqueux Pour des écoulements stationnaires de liquide présentant des contraintes normales, le nombre de Déborah De est défini comme étant [Larson (1999)] :     De (2 .2) où λ est homogène à un temps: il s’agit d’un temps de relaxation caractéristique du liquide viscoélastique et lié aux contraintes normales.   est l’inverse d’un temps de sollicitation du matériau4. Pour De > 1, les contraintes normales dominent sur les contraintes visqueuses, donnant lieu à des effets tels que le gonflement de jets ou l’effet Weissenberg (fig. 2.4). Le nombre de Déborah De peut donc être associé au rapport des contraintes normales sur les contraintes tangentielles visqueuses: De=N1 /σ. Pour des valeurs de De supérieures à une valeur critique, les contraintes normales peuvent engendrer des instabilités viscoélastiques dans l’écoulement. Fig. 2.4- Mise en évidence de l’effet Weissenberg Dans une cellule de Couette, un liquide newtonien devient instable lorsque le nombre de Taylor Ta associé à l’écoulement est supérieur à un nombre de Taylor critique Tac [Taylor (1923), Guyon et al.(2001)]. Le nombre de Taylor, rapport entre les forces inertielles centrifuges et les forces visqueuses, est défini ainsi : 2 3 2  R e Ta   (2.3) où ῼ est la vitesse angulaire de rotation du cylindre intérieur, e représente l’entrefer, R le rayon du cylindre en rotation et ν la viscosité cinématique du liquide5. On peut caractériser ou quantifier les propriétés viscoélastiques d’un matériau, en utilisant uploads/Voyage/ zert.pdf

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  • Publié le Jui 01, 2022
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