TD n°4 Droit administratif ALAVOINE Cyrielle Les contentieux des SP industriels

TD n°4 Droit administratif ALAVOINE Cyrielle Les contentieux des SP industriels et commerciaux et leurs juges « Certains services publics sont de la nature, de l’essence même de l’État ou de l’administration publique (…). D’autres services, au contraire, sont de nature privée, et s’ils sont entrepris par l’État, ce n’est qu’occasionnellement, accidentellement parce que nul particulier ne s’en est chargé ». C’est en ces termes que le commissaire du gouvernement Paul Matter, à la suite de l’arrêt « Bac d’Eloka » du 22 janvier 1921 qui a marqué un tournant décisif, définit la complexité de la notion de service public en affirmant que certains services relèvent du droit administratif et d’autres du droit privé. La naissance de la notion de service public est apparue en 1873, lors de l’arrêt Blanco, rendu par le Tribunal des conflits. En effet, à travers cet arrêt, la jurisprudence a permis l’émergence du critère de service public, qui devient source de la compétence du juge administratif. La répartition entre les juridictions, jusqu’alors assez simple, va cependant connaitre une évolution dans le domaine du service public du fait de la diversification des missions qui étaient assignées aux personnes publiques, notamment en matière économique et sociale. Le dualisme des juridictions judiciaire et administrative va ainsi avoir un rôle à jouer en ce que le juge judiciaire ne se voit pas totalement écarté des litiges concernant les services publics. En effet, lors de l’arrêt Terrier rendu le 6 février 1903, le Conseil d’État consacre la possibilité, pour une personne morale de droit privé, d’assurer la gestion d’un service public. Il va alors être admis que certains services publics sont soumis au droit public tandis que d’autres peuvent être soumis au droit privé, dont leur contentieux est respectivement connu des juges administratif et judiciaire. Bien que les services publics puissent être concernés par le droit privé dans certains aspects de leur activité, le fait que certains services publics soient entièrement soumis au droit privé a été perçu comme une « crise » du service public par la doctrine au XXe siècle. Pourtant, le Tribunal des conflits va consacrer cette distinction à travers l’arrêt Société commerciale de l’Ouest africain, rendu le 22 janvier 1921, dit l’arrêt « Bac d’Eloka ». En effet, c’est au cours de cet arrêt que le juge judiciaire va se voir donner la compétence dès lors qu’un service de transport est exploité dans les mêmes conditions qu’un industriel ordinaire. Ainsi, la jurisprudence va admettre le principe de dualité du service public et, ce n’est que plus tard, dans l’arrêt Union syndicale des industries aéronautiques du 16 novembre 1956, appelé arrêt « USIA », que le Conseil d’État crée la distinction entre un service public administratif et un service public industriel et commercial. Mais la portée de cet arrêt va plus loin que simplement diviser en deux catégories les services publics, il établit pour la première fois des critères cumulatifs d’identification des services publics administratifs et des services publics industriels et commerciaux en ayant recourt au faisceau d’indices afin de leur appliquer deux droits différents. La notion de service public qui était à l’origine homogène va alors se complexifier avec l’apparition de services publics relevant du droit privé et dont les juridictions judiciaires auront la compétence la plus importante. Néanmoins, cette méthode d’identification, bien qu’elle s’affine au fil des jurisprudences, peut apparaitre limitée voire confuse, ce qui entraine des interrogations sur le véritable fondement de cette distinction. Ces différents critères établis permettent-ils de déterminer une nature distincte de ces deux types de services publics ? Ou au contraire, ne tendons-nous pas vers une confusion entre les services publics administratifs et les services publics industriels et commerciaux ? Ainsi, il convient de s’interroger sur la compétence des juridictions dans les contentieux en matière de service public industriel et commercial et la confusion qu’elle engendre dans la pratique. TD n°4 Droit administratif ALAVOINE Cyrielle Si le principe d’identification de la compétence du juge judiciaire démontre la nature privée des services publics industriels et commerciaux (I), cette compétence doit être relativisée dans la pratique du fait d’une confusion entre les juridictions (II). I) L’identification de la compétence du juge judiciaire, source de la nature privée des services publics industriels et commerciaux La nature privée des services publics industriels et commerciaux a vu son origine dans la jurisprudence qui, au fil des décisions, procède à une qualification de plus en plus précise du régime juridique appliqué aux litiges et ainsi de la juridiction compétente (A). Cette identification de plus en plus affinée, se justifiant par une nécessaire distinction des services publics, est fondé par le juge grâce à des critères spécifiques aux services publics industriels et commerciaux (B). A) La qualification des services publics industriels et commerciaux, caractérisée par la jurisprudence Depuis l’arrêt « Bac d’Eloka » de 1921, il a été estimé que certains services publics, étant exploités dans les mêmes conditions qu’un service industriel ordinaire, se rapprochaient d’une entreprise privée et devaient donc être détachés du service public administratif. Un autre arrêt est rendu cette même année, lors duquel cette forme de service public va être pleinement consacré dans le cadre d’un service d’assurance maritime. En effet, le Conseil d’État, dans un arrêt Société générale d’armement rendu le 23 décembre 1921, donne naissance à la qualification des services publics à caractère industriel et commercial, aussi appelés SPIC. Cette qualification est donc concrète et peut être caractérisée aussi bien par le juge que par le législateur. En effet, le législateur procède à la qualification de certains services publics en amont, cette qualification doit donc être respectée par le juge qui est appelé à connaitre du litige en présence. Néanmoins, la qualification faite par le législateur reste insuffisante, ce qui laisse au juge un rôle très important dans la distinction des services publics. C’est pourquoi il est du ressort du juge de déterminer, au moment où il statue, si l’activité de service public effectuée peut être réalisée par une entreprise privée auquel cas il paraît difficile de le soumettre aux règles du droit public. Les règles de droit privé sont également plus adaptées à la forme de ces services industriels et commerciaux car elles permettent une plus grande souplesse dans la gestion de ces services s’apparentant à une entreprise. On voit ainsi que le droit privé est préférable pour ce type de service public. Ce processus est dû à l’interventionnisme de l’État dans des domaines de plus en plus étendus et de plus en plus étrangers à ses fonctions régaliennes. De ce fait, les personnes morales de droit privé sont des structures juridiques mieux adaptées que les services de l’État pour connaitre des litiges raccrochés au droit privé. Apparait alors une multiplication de la gestion de services publics par des personnes morales de droit privé et ainsi une multiplication de services publics industriels et commerciaux. À titre d’exemple, la SNCF est une entreprise de service public qui remplit une mission de service public mais dont la libéralisation de son activité de fret a imposé qu’elle soit soumise à la concurrence. Ainsi avec le développement du droit de la concurrence, le droit privé a pris l’avantage sur le droit public au sein même des services publics. En outre, cette jurisprudence procédant de la qualification de services publics industriels et commerciaux se voit revêtir un caractère constant puisqu’elle va être suivie dans de nombreuses décisions. En effet, lors de l’arrêt Caisse primaire « Aide et Protection » rendu le 13 mai 1938, le Conseil d’État continue de consacrer la possibilité, pour TD n°4 Droit administratif ALAVOINE Cyrielle une personne morale de droit privé, de gérer un service public à caractère administratif et de prendre des décisions à caractère administratif. La nature du service public est alors une étape nécessaire avant de juger du litige en présence afin de déterminer la juridiction compétente. De plus, il est essentiel de déterminer à quelle catégorie le service appartient en vue de déterminer les actes qui ne sont pas par essence d’administration. Ainsi, afin d’identifier la nature du service public industriel et commercial ainsi que le cadre juridictionnel applicable, le juge a été amené à fonder une méthode basée sur des critères d’identification. B) Des critères d’identification spécifiques aux services publics industriels et commerciaux, justification d’une nécessaire distinction au sein des services publics Afin d’identifier un service public industriel et commercial, le juge suit deux grandes étapes dans son raisonnement. La première étape est celle de la présomption du service public administratif, en effet une fiction juridique existe afin de présumer que le service public en présence a un caractère administratif. Le juge procède à une présomption simple du service public administratif, ce qui signifie que dès lors que le juge la renverse, et ce dans une seconde étape, il effectue l’identification d’un service public industriel et commercial. Lors de cette seconde étape, le juge réalise l’identification du service au moyen de critères cumulatifs, ce qui signifie que si l’un des critères fait défaut, la présomption de service public administratif sera justifiée et la compétence du juge uploads/s1/ droit-administratif-le-spic-et-le-juge-judiciaire 1 .pdf

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  • Publié le Mai 08, 2021
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