PRINCETON, N. J. % Shelf GR 360 .T5 J8 IB97 Junod, Henri Alexandre, 186 “ 1 934
PRINCETON, N. J. % Shelf GR 360 .T5 J8 IB97 Junod, Henri Alexandre, 186 “ 1 934 . Les chants et.les contes de Ra-Ronqa__dfi^ la haie Ha 1^1 O M y fÇ^A 1 P%\i- Àl! 3^ j6q^' xî? f l|g^/ kJ^ .Æ -- ot[. 1 ÈJ^ Jl %l£^1Ef^ Jfpi Les Chants et les Contes des Ba-Ronga. Lausanne 1897. — lmp. Georges Bridel & C‘®. iES des Ba-RoriSa DE LA BAIE DE DELAGOA RECUEILLIS ET TRANSCRITS PAR V ' Henri - A. Junod de la Mission romande. LAUSANNE i Georges Bridel & éditeurs. INTRODUCTION C’était au tout premier printemps. Mars venait à peine de commencer. Sous les buissons encore sans feuilles, les violettes apparaissaient timidement. A midi, les véroniques s’enhardissaient et ouvraient leurs corolles d’un jour. Des petites fleurs insignifiantes, crucifères minuscules aux pétales blancs décoraient le flanc d’un rocher que la neige recouvrait encore il y a quelques semaines. Par-ci, par-là, dans les champs, quelques touffes vertes se détachaient sur l’herbe grise et morte de l’an passé. Ces premiers parfums, ces ves- tiges touchants du renouveau m’émouvaient douce- ment l’âme, tandis que je vaguais à la lisière du bois, jouissant immensément d’un rayon de soleil péné- trant. Le spectacle n’était point varié. La végétation n’était guère opulente. Mais qui dira le charme du tout premier printemps ? Quelques semaines plus tard, les renoncules d’or 6 avaient paru. Déjà les feuilles nouvelles couronnaient tous les rameaux. Les merles chantaient : ils lançaient aux coteaux leurs notes hardies comme pour célébrer la victoire de la saison nouvelle. Les rouges-gorges roucoulaient leurs chansons d’amour. La verdure es- caladait les pentes des collines et les emportait de haute lutte. Enfin, lorsque juin fut venu, ce fut le triomphe com- plet de la vie et de la couleur, tout du long de la lisière. Les esparcettes flamboyèrent dans les prés, véritable décor de feu au travers duquel les papillons passaient sans se brûler les ailes. Les pures margue- rites, les sauges à l’odeur saine, les géraniums res- plendissants se dressèrent au milieu des herbes grandes prêtes à être fauchées. Et par terre, dans les trous, sous les feuilles, retentit le concert de l’été, les mille instruments de l’orchestre des champs : cris de fête des grillons, bourdonnement inquiétant des abeilles et des guêpes, susurement de bêtes en extase et de sources claires, par ce beau soleil de juin. En vérité, là-bas, sur la lisière, ce fut un éblouissement de cou- leurs et une symphonie assourdissante ce jour-là. * * * Et je songeais que telle qu’est la nature, tel est aussi l’homme et sa pensée. Depuis que l’étincelle créa- trice, le rayon d’en haut a fait surgir l’être humain au sein du monde inconscient, il a traversé, et plu- sieurs fois peut-être, ces trois phases de l’évolution. Les créations de son imagination furent d’abord très rudimentaires et très éparses : quelques chants populaires, quelques récits parfois filandreux, littéra- ture primitive et qu’aucune écriture n’a conservée, car on n’écrivait pas encore dans ce temps-là. Puis la vie intellectuelle s’affirme et se développe : c’est l’ère des épopées, de VIliade et de la Chanson de Roland^ des ménestrels, des bardes et des poètes itinérants : merles hardis et rouges-gorges amoureux. Enfin parurent les grands siècles : celui de Périclès au temps des Grecs et celui du Roi-Soleil, époques de gloire et de maturité où la prose est sonore et la ! prosodie parfaite : symphonie oii tous les genres s’unissent et se complètent, tragédie, comédie, sa- tire et poésie lyrique ; c’est un orchestre auquel nul instrument ne manque ; dernière phase de l’évolution : la campagne est près d’être fauchée. * * ^ Que ce rapprochement soit juste ou faux, un fait demeure certain : la contemplation de la nature de juin est instructive, enivrante sans doute ; les jouis- sances qu’elle procure sont riches et variées; mais il y avait, dans la promenade du tout premier printemps, une émotion secrète, presque douloureuse et pourtant bienfaisante que je n’ai plus ressentie ni en avril ni en juin. Ce parfum de violettes, cette floraison grêle et uniforme, premiers vestiges de vie, avaient parlé à mon cœur fatigué de l’hiver en des accents étrange- — 8 — ment pénétrants. C’était un hymne d’espérance dis- cret, mais persuasif et puissant. Telle est aussi l’impression que nous cause cette littérature primitive que, de toutes parts, les savants et les explorateurs exhument, pour ainsi dire, des profondeurs de l’âme populaire. Nos romans, nos drames, nos poésies du dix-neuvième siècle sont fort artistiquement composés. La musique de Bach, Bee- thoven et Wagner, c’est le triomphe de l’art. Que de ressources, que d’habileté dans leurs fugues et leur contrepoint! Et cependant les chants des sauvages, leurs récits fantastiques, les compositions gauches de leur imagination enfantine, tout cefolklore des peuples primitifs possède un charme particulier qu’on cherche- rait vainement dans des œuvres plus accomplies. Et ne voit-on pas, de nos jours, l’âme moderne, fatiguée de ses propres chants, rechercher et sonder l’âme primi- tive et lui demander le secret d’une fraîcheur qui s’est perdue ? * * Il s’est fondé un peu partout, et même en Suisse, des sociétés qui recueillent précisément ces traditions, ces chants populaires, dans les villages reculés et les vallées des montagnes où l’homme a gardé quelque chose des temps anciens. Mais il est facile de com- prendre que les peuples non civilisés fournissent à la jeune science du folklore des matériaux beaucoup plus nombreux et précieux. L’Afrique, qui a vécu jusqu’ici de sa propre vie et — 9 que le contact avec les Européens a fort peu modifiée encore, tend à devenir la terre classique de cette lit- térature traditionnelle. Dans n’importe quelle tribu, pour peu qu’on sache la langue des indigènes et qu’on se donne quelque peine pour les faire causer, on ré- coltera une moisson abondante de contes, de chants, de proverbes et d’explications fantaisistes des phéno- mènes naturels. Pour ne parler que de l’Afrique cen- trale et méridionale, bien des livres ont déjà paru donnant la traduction en anglais, français ou alle- mand des contes de certaines peuplades. On a même publié un temps au Cap un journal du folklore sud- africain qui contient des échantillons de traditions bushmen, hottentotes et cafres. Les Ba-Ronga qui occupent les environs de la baie de Delagoa possèdent des richesses considérables à cet égard, et si nous avons réuni quelques-unes des perles de la tribu, il en reste encore beaucoup plus à découvrir. A certains égards les contes que nous pu- blions ici diffèrent passablement des productions lit- téraires des Zoulous et des Bassoutos. Néanmoins c’est le même fond de naïveté, les mêmes histoires pittoresques d’animaux, d’ogres et autres bêtes fan- tastiques que nous retrouvons, un peu partout, en Afrique et même en Europe. D’où viennent ces récits? On pourrait croire, à pre- mière vue, qu’ils sont les produits modernes de l’ima- gination des noirs. Mais tel n’est nullement le cas. Les narrateurs eux-mêmes sont tous d’accord pour déclarer que ce sont de très anciennes traditions re- lO montant à leurs ancêtres les plus reculés. Et nous ne faisons aucune difficulté pour l’admettre. La preuve en existe d’ailleurs : certains contes se retrouvent sous une forme très semblable au sein de tribus éloi- gnées les unes des autres, et il n’est pas probable qu’ils aient été empruntés de l’une à l’autre à une époque récente. Qu’est-ce à dire, sinon que ces tra- ditions datent de très loin, qu’elles appartenaient à la souche primitive et qu’elles ont été emportées par ces diverses tribus au cours de leurs migrations. (Voir l’introduction à la seconde partie.) Ainsi nous avons dans le folklore africain un mo- nument antique de l’activité littéraire de l’homme. Ces races noires, tout semble prouver qu’elles sont de- meurées stationnaires durant des siècles : leur religion, leurs mœurs, leurs récits portent à un haut degré le caractère du primitif. Lors donc que nous écoutons leurs poètes, il semble qu’il nous arrive un écho de ce temps très ancien oü l’humanité commençait à bé- gayer. Nos pères ont dû passer par un stage semblable dans leur évolution. Et c’est pourquoi ces traditions nous intéressent et nous émeuvent, comme le parfum des premières violettes à la lisière du bois. * * Nous osons croire que le lecteur partagera cet in- térêt et cette émotion. Il sera certainement frappé par la douceur, l’innocence enfantine des quelques mélo- dies qu’il trouvera plus loin. On se serait attendu à de sauvages clameurs, à des improvisations épiques, à une poésie sanguinaire : rien de tout cela dans ces refrains mélancoliques et parfois suaves. Les chants de guerre eux-mêmes ont un accent plaintif et résigné. Quant aux contes, une imagination désordonnée s’y donne libre carrière parfois. Et pourtant que de finesse d’observation, que de malice, que de bonne humeur simple ils trahissent î C’est la véritable narra- tion populaire, avec ses longueurs, ses redondances, ses répétitions, sa monotonie qui n’est point sans charme. Mais déjà un art réel se laisse deviner. Tout n’est point livré à l’arbitraire uploads/s1/ imslp587560-pmlp945486-les-chants-et-les-contes-des-ba-ronga-junod-pdf.pdf
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- Publié le Jul 26, 2021
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