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2,00 € Première édition. No 11616 MERCREDI 3 OCTOBRE 2018 www.liberation.fr IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,50 €, Andorre 2,50 €, Autriche 3,00 €, Belgique 2,00 €, Canada 5,00 $, Danemark 29 Kr, DOM 2,60 €, Espagne 2,50 €, Etats-Unis 5,00 $, Finlande 2,90 €, Grande-Bretagne 2,00 £, Grèce 2,90 €, Irlande 2,60 €, Israël 23 ILS, Italie 2,50 €, Luxembourg 2,00 €, Maroc 20 Dh, Norvège 30 Kr, Pays-Bas 2,50 €, Portugal (cont.) 2,70 €, Slovénie 2,90 €, Suède 27 Kr, Suisse 3,40 FS, TOM 450 CFP, Tunisie 3,00 DT, Zone CFA 2 300 CFA. Cinéma Entretien avec Emmanuelle Devos, lumière d’«Amin» ET TOUTES LES SORTIES, PAGES 24-29 Mode Fashion Week, bilan classieux PAGES 18-19 Benalla L’étrange entrevue avec Djouhri PAGE 12 GÉRARDCOLLOMB LEGAG DU LYONNAIS MalgréunpremierrefusdeMacron, leministredel’Intérieuramaintenu mardisadémissionpourseconsacrer aux municipales de Lyon. Un nou- veaucoupdurpourl’exécutif. PAGES2À4 Gérard Collomb face à Edouard Philippe, à Lille le 23 février. PHOTO ALBERT FACELLY PYRAMIDE bookys-gratuit.com bookys-gratuit.com E xitCollomb.Ledépartdumi- nistredel’Intérieurnefaisait plus de doute mardi soir, à l’issued’uninvraisemblablepasde deuxaveclechefdel’Etat.Alorsque celui-ciluiavaitrefusé,laveille,son bon de sortie, le premier flic de France a confirmé dans le Figaro sonsouhaitdedémissionner. Can- didatdéclaréàunquatrième man- datàlamairiedeLyon,lenuméro2 du gouvernement multipliait ces dernières semaines les allusions à sonavenirmunicipal,maisaussiles commentairesinquietssurl’«arro- gance»ducampmacronisteetl’iso- lement du chef de l’Etat. Résultat des courses: un poids lourd de moins au gouvernement, un souci depluspourEmmanuelMacron,et une rentrée décidément infernale pour la majorité. 8 heures à Matignon «Est-ce que Gérard Collomb est là pourlongtemps?»Lorsdupetit-dé- jeunerhebdomadairedelamajorité, àMatignon,leprésidentdel’ Assem- blée,RichardFerrand,metlespieds dansleplat.Lundisoir,Macronare- fusé la démission du ministre de l’Intérieur. Le 18 septembre, Col- lomb avait expliqué à l’Express son désirderetourneràLyonetdoncde quitter l’exécutif après les euro- péennesde2019.Cemardimatin,le silenceduPremierministreestcou- vertparlesriresétouffésdesconvi- ves. Edouard Philippe veut s’en te- nir aux sujets du jour: le budget ou lataxecarbone,pascommenterles petitsarrangementsentrelechefde l’Etat et son ministre –dont il n’est d’ailleurs tenu informé qu’en der- nier ressort, pour la forme… «Ça le préoccupait quand même puisqu’ilaregardéavecattentionle bandeau de BFMTV annonçant la vraie-faussedémissiondeCollomb», relèveunparticipant.Ilyaurgence: Collomb est devenu une cible. Les syndicats, à l’approche des élec- tionsprofessionnellesdedécembre, n’épargnentplusunministreaffai- bli (lire page 4). L’opposition dé- nonce ses atermoiements et car- tonne le Président sur la sécurité. Soutien de Macron, Daniel Cohn- Benditavaitlepremiersonnél’hal- lalilundi,appelantCollomb,71ans, à faire valoir son «droit à la re- traite»: «Qu’il aille s’occuper de ses petits-enfants, des pâquerettes.» 10heuresàl’Assemblée La droite sent le climax approcher. Lorsdelaréuniondegroupedesdé- putés LR, Laurent Wauquiez pi- lonne:«Leministredel’Intérieurest en survie artificielle.» Les critiques déferlent sur les réseaux sociaux. «Leministredel’Intérieurestcramé: son administration s’éloigne de lui depuissonannoncededépart,idem les syndicats. […] Tenir huit mois sera long», réagit le député LR Phi- lippe Gosselin sur Twitter. 13 heures à l’Elysée Au sommet de l’Etat, la situation «surréaliste» délie les langues: «Ce n’est pas parce qu’on refuse une dé- missionqu’ ellen’ estpasinéluctable», souffle un lieutenant du chef de l’Etat. Plusieurs responsables de la majorité s’inquiètent de ce «désor- dre».S’agissantdel’Intérieur,leflou est intenable pour le pouvoir: Ma- cron risque de payer cher en popu- larité et en autorité le temps passé à trouver un remplaçant. «Collomb a le corps criblé de balles, souligne un proche du ministre de l’Inté- rieur. Lepire,c’estquec’estluiquia tiré le premier. On a un ministre d’Etatdontles décisions ontétépri- ses au regard d’enjeux locaux.» Encoulisse,onspéculedéjàsurson successeur. Christophe Castaner rêvedujobmaislepatrondeLREM adéjàfortàfaireaveclesprochaines électionseuropéennesetmunicipa- les. Même si Macron l’apprécie, le ministreduBudget,GérardDarma- Par DOMINIQUEALBERTINI, LAUREBRETTON et NATHALIERAULIN ÉDITORIAL Par LAURENT JOFFRIN Tournis Cette fois, on passe d’Azna- vour à Brel. «Que c’est triste Beauvau, au temps des amours mortes», dit Col- lomb. «Ne me quitte pas, il faut oublier, tout peut s’oublier», répond Macron. Référence un peu frivole mais légitime: la valse-hésitation invrai- semblable qui se déroule depuis quelques jours au sein de l’exécutif à propos du poste éminent de pre- mier flic de France tient plus du music-hall que de la politique gouvernemen- tale. Valse à mille temps? Valse à trois temps, en tout cas. Premier mouvement: Collomb exprime ses états d’âme –attention à l’hubris présidentiel, dit-il– et annonce son intention de se représenter à la mairie de Lyon. Deuxième mouve- ment: il présente sa démis- sion, aussitôt refusée par le Président. Troisième mouvement: il annonce au Figaro que sa démission est maintenue, et contraint le chef de l’Etat à entériner quelques heures plus tard une «situation» conduisant son ministre à quitter le gouvernement. Ce pas de trois est inédit dans l’histoire de la Ve Ré- publique. En passant par pertes et profits l’injonc- tion présidentielle deux jours après qu’elle a été ren- due publique, Collomb sait fort bien qu’il met à mal une autorité qui se voulait jupitérienne. Il sait tout autant qu’on ne peut être dedans et dehors, à l’Inté- rieur tout en affirmant hautement sa préférence pour l’extérieur. C’est la Place Beauvau tout entière qui a le tournis. Gérard Col- lomb fut le principal sou- tien du futur président. Deux ans plus tard, il est le savonneur de planche en chef. Quelle faille s’est creusée entre lui et son jeune pupille parvenu au sommet? L’affaire Benalla, sans doute, où il fut le din- don de la farce. Mais il y a peut-être plus gênant: si ce fidèle des fidèles décide de prendre du champ, c’est aussi parce qu’il porte sur l’avenir de l’équipée Ma- cron un diagnostic moins optimiste qu’à son entrée dans le gouvernement. Signe alarmant.• ÉVÉNEMENT Lejouroù Collomb s’est expulsé lui-même Extorquée au Président, la démission du ministre de l’Intérieur pour retrouver son fauteuil de maire à Lyon a surpris jusqu’au gouvernement. Gérard Collomb vendredi à Lille. PHOTO AIMÉE THIRION 2 u Libération Mercredi 3 Octobre 2018 bookys-gratuit.com bookys-gratuit.com nin, est toujours pénalisé par son passé sarkozyste. «Il faut à la fois quelqu’undeconfianceetl’autorité, lacrédibilitéetlasénioriténécessai- res,faitvaloirunlieutenantduPré- sident. Autour de Macron, il n’y en aqu’un,c’ estJean-YvesLeDrian.En plus,ilestadorédesarmées,quifor- ment une partie des effectifs de la Place Beauvau…» 15 heures au Palais Bourbon Gérard Collomb sèche la séance de questions au gouvernement. Offi- ciellement,leministredel’Intérieur estretenuàBeauvaupourlessémi- nairesdedeuxservicesdepolice.«Il est où Gérard?» entonne la droite. EricCiottidénonce«unministrede l’Intérieurquiestdéjààl’extérieur». Pour Edouard Philippe, «ce qui compte, c’est ce que nous faisons pour assurer la sécurité des Fran- çais,cequenousfaisonsenaugmen- tant les moyens humains et maté- riels du ministère». En gros, peu importequi occupeleposte…Sans prononcer le nom de Collomb, le chefdugouvernementsouligneso- brementque«chaqueministredoit seconsacrerpleinementàsatâche». Une(nouvelle)interviewduminis- tre de l’Intérieur au Figaro –«Je maintiensmapropositiondedémis- sion»– plus tard, le ton est moins badin,Philippecingle:«J’ aurail’oc- casion de proposer au Président les décisions qui s’imposent.» 16 heures dans les ministères La nouvelle provocation de Col- lombsepropagedesmartphoneen smartphone. Silence radio à Mati- gnon, où l’on a découvert l’inter- view en même temps que tout le monde.SilenceaussiautourdeCol- lomb où, ces derniers jours, on n’épargnait pas sa peine pour ven- dreunministre«pleinementàsatâ- che» et en plein accord avec Ma- cron. Un conseiller ministériel, ébahi: «C’est incompréhensible. Se laisser retenir puis remettre une pièce dans la machine, c’est carré- ment cruel. Quand on présente sa démission, on part et puis c’est tout!»«Unministre,çadémissionne ou ça ferme sa gueule», avait dit en 1983 Jean-Pierre Chevènement, qui avait pourtant mis plus d’un mois à claquer la porte du gouver- nement Mauroy. «Mon sentiment, c’estqueleschosessontcompliquées àLyonetqu’ildoitvouloirs’yconsa- crer aussi vite que possible», confie unministre.Mêmeanalysed’undé- putéLREM:«LesséjoursdeCollomb àLyonl’ontfaitflipper.Ilavuquele lien avec la population s’effilochait, que sa victoire là-bas n’était pas ac- quise. Il veut donc sortir du gouver- nement en rock star et reprendre la mainauplusvite.»Sansattendreles élections: resté conseiller de Lyon, l’ex-édile va se voir réélire par le conseil municipal, a confirmé le maireactuel,GeorgesKépénékian. 17h01 dans le bureau de Macron Contraint et forcé, le Président ac- ceptecetteénièmedemandededé- mission de Collomb et fait savoir qu’il«attendquelePremierministre lui fasse des propositions» pour le remplacer.L’entourageprésidentiel juge «regrettable que Gérard Col- lomb se soit mis dans la situation le conduisantàdevoirdémissionner». Indigeste,laformulevientsouligner encreuxlemanquedegrandsservi- teursdel’Etatdontsouffrelamacro- nie. Dans la soirée, le Président re- çoit lesdéputésde lamajorité de la commission des affaires sociales. Pasunmot,à19h30,surlacriseen coursetleremaniementàvenir.«On parleprotectionsocialeduXXIesiè- cle,rapporteunparticipant.Pasde Collomb: c’est trop XXe siècle.»• Q uiimaginelegénéralde Gaulle bousculé publi- quementparsonpropre ministre de l’Intérieur? Cette question,EmmanuelMacronet sa plume n’auront pas manqué deselaposer,cesdernièresheu- res en pleins préparatifs du dis- coursqu’ilprononcerajeudi,au Conseilconstitutionnelpourcé- lébrer le 60e anniversaire de la VeRépublique(lirepages30-31). Le chef de l’Etat n’a-t-il pas re- vendiqué,depuissonélection,sa conception «gaullo-mitterran- dienne» du pouvoir? C’est peu direquela «ver- ticalité» prési- dentielle,sisou- ventcélébréeen a pris un sacré coup… Alorsqu’ilespé- rait avoir enfin tourné la page decette«rentrée compliquée» –doux euphé- misme récem- ment formulé par son Premier ministre–, le chef de l’Etat re- plonge dans une crise politique un mois après la démission de Nicolas Hulot. Coup d’éclat. Mais cette fois, illedoitàungrognarddelama- cronie, Gérard Collomb, fidèle d’entre les fidèles. Le coup est d’autant plus rude qu’il touche précisémentàcequiétaitcensé faire la force et l’originalité de cet exécutif. «Chez nous, au moins, il y a une vraie solidarité gouvernementale», a-t-on cou- tume de souligner à l’Elysée commeàMatignon.Uneloyauté sansfailleauchefdel’Etat,sans lescoupsbasetlespetitesperfi- diesquiviennentnourrirlespa- ges du Canard enchaîné. C’était l’une des caractéristiques de ce nouveau monde. Tout le con- traire du désolant festival de couacsquefut,selonlesleaders de la majorité, le quinquennat Hollande.Avecsoncoupd’éclat, Collomb replonge ses camara- des dans le bain de l’ancien monde.Onn’estplustrèsloinde laprovocationd’ArnaudMonte- bourg, ministre du Redresse- mentproductif,proposantd’en- voyer à l’Elysée «une bonne bouteilledelacuvéeduredresse- ment» à l’été 2014 avant d’être promptement viré. Mi-septembre, déjà, Collomb avait fait sensation en laissant échapperdéceptionetmauvaise humeur au micro de RMC : «Quandvousdeveneztropsûrde vous, vous pensez que vous allez tout emporter», avait-il noté, re- grettantle«manqued’humilité» ausommetdel’Etat.Celaréson- nait comme un contrecoup uploads/s1/ journal-l-huma-du-03-octobre-2018.pdf

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  • Publié le Apv 23, 2021
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