Le Petit Livre des figures de style Marie-Dominique Porée « La plus belle cause
Le Petit Livre des figures de style Marie-Dominique Porée « La plus belle cause, c’est la langue. » Claude Gagnière, Pour tout l’or des mots © Éditions First, un département d’Édi8, 2020 « Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. » ISBN : 978-2-412-05518-2 ISBN numérique : 978-2-412-05863-3 Correction : Sursum Corda Couverture : Sophie Boscardin Éditions First, un département d’Édi8 92, avenue de France 75013 PARIS – France Tél. : 01 44 16 09 00 Fax : 01 44 16 09 01 E-mail : firstinfo@efirst.com Site Internet : www.lisez.com Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. Avant-propos Tout comme on reconnaît d’un simple coup d’œil l’artiste qui se cache derrière une toile – on se dit : c’est un Rembrandt, un Picasso, un Vermeer – à son trait, à ses couleurs, à ses ombres, à ses motifs de composition, etc., tout comme on identifie un chanteur à son seul timbre de voix, ses inflexions et modulations, ses thèmes de prédilection, de semblable façon, il est parfois aisé de retrouver la patte d’un auteur littéraire, à ce qu’on nomme son style, donnant par là raison au jugement de Bossuet pour qui « le style, c’est l’homme même ». Au coup de pinceau, succède ici le coup de griffe, la marque de fabrique, bref la signature d’un auteur. Ce dernier, du reste, use souvent lui-même de figures qui lui sont propres ou dans lesquelles il excelle tout particulièrement et qui contribuent à faire qu’il écrit comme il écrit. Un latiniste ne garde-t-il pas encore en mémoire la « période » dite Cicéronienne, un helléniste, les épithètes homériques qui ont ponctué ses traductions d’Homère au style inimitable – ou plutôt trop imitable par un certain Raymond Queneau dans ses 99 Exercices de style ? Tous nos auteurs de langue française ont du style. Grâce leur soit rendue ! On les dira « stylés », ce qui est normal pour ceux dont la profession est d’écrire, stylet à la main et surtout figures de style en tête. Ainsi, des traits du visage intérieur aux lignes tracées par la plume, avec pleins et déliés, trouvera-t-on une parenté profonde, sans vouloir non plus pousser trop loin l’analogie entre le style et la vie. Flaubert écrivait que « le style est autant sous les mots que dans les mots. C’est autant l’âme que la chair d’une œuvre ». « C’est pourquoi, il y a autant de styles que de personnes qui écrivent », comme Pierre Richelet le proclamait déjà dans son Dictionnaire de 1680. Ainsi ai-je voulu rendre hommage à de grands noms de notre langue française qui ont, au détour de telle ou telle œuvre, fait atteindre à telle ou telle figure de style, la perfection. Sans doute est-ce ainsi plus agréable de faire découvrir aux lecteurs, in situ, tel ou tel de ces « tropes », comme on les nomme encore si on veut jouer au plus savant. Il s’agit en vérité, au sens étymologique près, de tours de mots et de pensées, selon Dumarsais, de tournures, de torsions qui animent le discours. C’est ainsi qu’on qualifie les figures de style. Bon nombre d’entre elles, du reste, sont un trésor dont l’Antiquité nous a fait présent. Certains en ont beaucoup usé, voire abusé ; d’autres en retour se sont fait fort de les proscrire. Ainsi, Victor Hugo dans Les Contemplations se vante-t-il en 1856 d’avoir fait « souffler un vent révolutionnaire » sur tous ces ornements, de les avoir en quelque sorte balayés du circuit. Pourtant ils n’auront de cesse de fleurir, encore et toujours après lui. Force est de constater que chaque époque a même eu pour telle ou telle figure des affinités électives. Le classicisme a jeté son dévolu sur la litote, l’ellipse et l’euphémisme, bref a cultivé l’art du non-dit, quand, au même moment, le courant baroque, poussant très loin la provocation, s’est entiché de l’antithèse et de l’hyperbole, figures de démesure en riposte à l’austérité du précédent, et que le courant précieux se laissait porter aux devinettes, égrainant l’art des périphrases et des synecdoques. Le XIXe pour sa part, siècle du roman descriptif, privilégiera d’autres figures encore, selon qu’il se veut réaliste ou plus symboliste : ainsi, métonymie et métaphore émailleront souvent, à qui mieux mieux, les nombreuses descriptions, passages parfois trop longs du reste, qu’on s’autorise à sauter si on est plus intéressé par l’avancée de l’action que par la trame du seul récit. Pour notre seul XXe, entre les phrases alambiquées, serties de figures de styles à n’en plus finir de Marcel Proust et l’écriture zéro d’un Albert Camus, il n’y aura pas photo. Et pourtant, chacun a fait son style ! Comme on fait un style(o) à sa main ! Mais que voilà des termes bien techniques, des noms à coucher dehors, diront certains qui anticipent déjà avec mauvais esprit sur leurs plus mauvais souvenirs ! Vous les apprendrez d’autant mieux que vous allez les rencontrer, les glaner au fil de votre lecture, et surtout goûter à cette cuisine des mots qui permet de se distinguer par et dans son expression ! « Prenez un mot, prenez en deux Faites cuire comme des œufs… Prenez un petit bout de sens Où voulez-vous donc en venir ? À écrire Vraiment ? À écrire ? » Raymond Queneau, Le Chien à la mandoline D’ailleurs, si vous voulez vous démarquer du commun des mortels, vous avez plusieurs moyens de le faire. Pour se mettre en marge de la société, certains arborent des tenues plus ou moins excentriques, non convenues en tout cas. D’autres adoptent des comportements illégaux. D’autres encore, les plus littéraires peut- être, vont chercher à se singulariser par leur mode d’expression. Et pour ce faire, ils vont utiliser des figures de style, ces « fleurs de rhétorique », comme on les nomme par « métaphore », qui permettent de donner à l’expression écrite comme orale, un tour particulier, un cachet personnalisé, bref, une façon de parler recherchée qui leur plaît davantage, ou à seule fin de séduire leur interlocuteur. Comme vous allez le voir, nombreuses sont les possibilités qu’apporte la langue française, comme si la phrase était une matière à modeler, un jeu de lego ! Plus que les mots, ce sera parfois juste un travail de ponctuation celle qu’on nomme « la politesse de la langue » – que recherchera l’utilisateur pour mettre son message le plus en valeur possible. On pense à Monsieur Jourdain, qui, à l’acte II, scène 4 de la pièce de Molière, Le Bourgeois gentilhomme (1670), s’initie au contact de son maître de philosophie, à une leçon de mots. Découvrant qu’il fait sans le vouloir ni le savoir de la prose – ce dont il s’extasie – il cherche à placer un billet doux à l’élue de son cœur et à trouver la meilleure formulation ou expression qui soit, à seule fin de la séduire : le fameux « Marquise, vos beaux yeux, d’amour, me font mourir… » Je vais essayer, telle une amie promeneuse, de vous guider dans cet herbier verbal grâce à des exemples simples et à des textes choisis d’auteurs, assortis de brefs commentaires sur les effets et figures de style, à seule fin de vous aider à les cultiver en toute saison. En le lisant, vous deviendrez « liserons » pour reprendre les termes de Raymond Queneau, encore lui, cet expert de la langue française, dans ses Fleurs bleues (1965) comme ailleurs ! J’avais le choix entre vous présenter ces figures diverses qu’on appelle « tropes », parce qu’elles permettent de tourner parfois autrement la réalité d’un mot, d’une expression ou d’une phrase, sous la forme d’un abécédaire où vous auriez pu « grappiller » des senteurs et des goûts de-ci de-là dans ces fleurs ornementales, ou de les classer en fonction du mode d’intervention qu’elles donnent à l’expression. J’ai opté pour un méli-mélo des deux et les ai donc plus ou moins rangées en figures de mots, de pensée et de construction, quitte à affronter les spécialistes qui, par leurs querelles de clochers, font rage depuis toujours en la matière. Toutes sauront vous enivrer et vous promener dans les parfums les plus subtils de l’expression de la langue. D’autant que certaines de ces figures sont si subtiles qu’elles entrent dans plusieurs catégories ou sont même hors catégorie. « Exquis mots, exquis mots, demandez nos exquis mots… » tant il est vrai que l’écriture a, avec la cuisine, plus d’un tour (de main), plus d’une recette en commun, en tout cas ! Lisez donc ce petit livre comme une série d’« exercices de style ». Et uploads/s3/ 4-6039586030997212316 1 .pdf
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- Publié le Sep 12, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
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