Quelle peut être la place de l’artiste dans une société « du savoir » ? 2ème re

Quelle peut être la place de l’artiste dans une société « du savoir » ? 2ème rencontre, 26 juin 2009 GRAND LYON VISION CULTURE Partie 1 : Comment le XIXe siècle engendra une nouvelle fi gure de l’artiste La place de l’artiste dans le champ social n’est pas fi gée p. 6 La fi gure de l’artiste réinventée p. 8 Une représentation qui perdure au-delà du XIXe siècle p.10 Partie 2 – Peut-on parler de raisonnement artistique ? Comment travaille un artiste aujourd’hui ? p.14 L ’artiste précurseur du mixage et du commentaire des connaissances p.16 Une fi gure multi facettes : touchant à l’art, aux sciences et aux idées p.18 Partie 3 – Comment solliciter les artistes dans une société de la connaissance ? Capitalisme cognitif et enseignement artistique p.22 Peut-on améliorer les relations art et science ? p.24 Pourquoi collectivités publiques et entreprises devraient-elles s’intéresser davantage aux artistes ? p.26 Pistes pour la discussion p.30 S O M M A I R E 2 - Quelle peut être la place de l’artiste dans une société «du savoir» ? L a démarche GRAND LYON VISION CULTURE vise à accompagner la Communauté urbaine de Lyon dans sa réfl exion culturelle, à savoir : - construire et partager une approche commune de la culture ; alors que celle-ci est de plus en plus présente dans tous les compartiments de la vie sociale ; - enrichir les projets actuels et futurs du Grand Lyon, notamment en matière d'événements d'agglomération ; - imaginer des modes de relation innovants du Grand Lyon avec les artistes dans le cadre de différentes politiques : urbanisme, participation citoyenne, développement économique, etc. Dans quelle mesure les artistes peuvent-ils contribuer à une société de la connaissance et à la vitalité de la vie urbaine ? Comment les repérer et les solliciter ? Comment les associer à des dispositifs de politiques publiques ? L'expert invité : Antoine Conjard, directeur de l’hexagone Scène nationale de Meylan à l’initiative des Rencontres-i Biennale Arts-Sciences. ● Quelle peut être la place de l’artiste dans une société «du savoir» ? - 3 Alors que nous vivons encore sur une représentation de l’artiste héritée du XIXe siècle, les modalités concrètes de son travail ont changé, phénomène qui impacte aussi son identité. L’artiste n’est plus cet être éthéré que lui assigne la vision Romantique, mais un individu en prise avec les réalités du monde, et qui traite de celles-ci dans ses œuvres. Il pose des questions à son environnement, élabore des problématiques et des hypothèses, repère, construit et utilise des outils pour y répondre et propose le résultat de ses réfl exions via des œuvres. Avec son langage spécifi que, avec des objectifs qu’il se donne, l’artiste produit des ques- tions et des émotions, des alertes et des sensations. Il revisite le savoir établi, et une par- tie de son travail peut être assimilée à une production de connaissances. N’est-il pas alors envisageable de rapprocher l’artiste de l’intellectuel, dont l’activité est de s’interroger sur le monde ? L ’artiste n’est-il pas aussi proche du chercheur par certaines de ses modalités de travail ? Ne faut-il pas alors recenser les points communs entre chercheurs, intellec- tuels et artistes ? Envisager l’artiste comme un producteur d’idées et de savoirs, pourrait s’avérer une pers- pective porteuse, à un moment où les sociétés occidentales cherchent un nouveau souffl e pour leur développement, en s’orientant vers la production de connaissances. En effet, ce passage –d’une société agricole, à une société industrielle puis de services– à une qua- trième ère économique, fondant ses bases sur « l’intelligence », demande de repérer tous les champs de production de connaissances. Et de ce point de vue, l’on peut faire l’hypo- thèse aujourd’hui que le champ artistique est sous-exploité. Quels sont alors les moyens à déployer pour associer davantage l’artiste et ses capacités spécifi ques au fonctionnement et à la permanence de la société ? ● Pierre-Alain FOUR Quelle peut être la place de l’artiste dans une société « du savoir » ? Quel est l’enjeu de cette séance ? L ’objectif de cette séance est de mettre à jour une fi gure de l’artiste éloignée des représentations héritées du Romantisme. En effet, si l’artiste occupe toujours une place spécifi que dans nos so- ciétés, il est très largement en prise avec la société contemporaine. Auteur utilisant un langage spécifi que –le langage de sa discipline artistique–, il aborde toutes sortes de questions, cherchant notamment à renouveler notre regard sur l’actualité comme sur les connaissances disponibles. C’est pourquoi il semble nécessaire de repenser sa place, son rôle et sa reconnaissance dans une civilisation qui veut fonder son développement sur le « partage des savoirs ». NB : Cette « mise de fonds » est le résultat d’un travail de synthèse d’ouvrages de sciences sociales (so- ciologie de l’art et politiques publiques essentiellement) et d’observation du monde de l’art (entretiens, fré- quentation des artistes, etc.). Elle est illustrée de quelques exemples, mais les artistes cités ne sont pas emblématiques ; de très nombreux autres noms auraient pu être choisis. Elle ne prétend pas non plus sai- sir « tous » les artistes, mais pointer l’évolution des modes de travail d’une partie d’entre eux, considérés comme « contemporains ». Il faut donc bien lire ce document comme une préparation au débat, qui énonce un certain nombre de faits, mais aussi d’hypothèses à vérifi er. PARTIE 1 Comment le XIXe siècle engendra une nouvelle fi gure de l’artiste 4 - Quelle peut être la place de l’artiste dans une société «du savoir» ? Quelle peut être la place de l’artiste dans une société «du savoir» ? - 5 Pendant le XIXe siècle, l’artiste accentue les traits constitutifs de son identité qui ne lui sont pas contestés. Ainsi, sa personnalité, sa capacité à donner une vision personnelle du monde, ses affects sont mis en avant. Un processus qui s’incarne en particulier dans le mouvement Romantique. Cette esthétique nouvelle s’inscrit en opposition aux valeurs alors montantes de la science, de la mécanisation et du rationalisme. Il est d’ailleurs pos- sible de « lire » le Romantisme comme le revers des valeurs dominantes du XIXe siècle. De fait, la fi gure de l’artiste cristallise peu à peu l’opposition aux idéaux de la société du XIXe : il est « contre » la bourgeoisie, la bienséance, le culte de l’argent et de la rente… Le Romantisme est l’expression d’une contestation des valeurs du XIXe, l’autre mouvement majeur de contes- tation étant incarné par les idéologies socialistes dérivées du marxisme. Par métonymie, l’artiste devient alors l’individu qui incarne ce rejet –rejet individualiste–, tandis que celui qui s’exprime dans la montée des idéologies marxistes se distingue par son caractère collectif ● Au cours des siècles, la place de l’artiste dans la société a beaucoup évolué : jusqu’au XVIIIe, il est un auxiliaire du pouvoir temporel ou religieux, puis au XIXe, il s’affi rme comme une alternative à une société rationaliste, qui refoule les aff ects individuels. Mais la posture de l’artiste héritée du XIXe et du Romantisme, n’est plus d’actualité. Au début du XXe, s’impose une nouvelle fi gure, qui érige l’artiste en analyste du social, doublant la fi gure de l’intellectuel, qui émerge simultanément. Napoléon 1er (1805), François Gérard Voyageur contemplant une mer de nuages (1818), Caspar David Friedrich Le peintre abstrait Mark Rothko dans son atelier La naissance de Vénus (1863), Alexandre Cabanel Autoportrait (1889), Vincent van Gogh Untitled (ca 1965) , Mark Rothko Retable d’Isenheim (ca 1512-1516), Matthias Grunewald 6 -Quelle peut être la place de l’artiste dans une société «du savoir» ? Si les artistes ont toujours été en lien avec la société, leur place a souvent changé. Depuis la fi n du Moyen- Âge, l’artiste est l’allié du discours spirituel : il a no- tamment pour fonction dans la société de relayer, d’amplifi er, d’exemplifi er le discours religieux. S’il existe depuis l’invention de la peinture une peinture d’apparat, une peinture destinée à célébrer le pouvoir de puissantes familles –l’exemple des Médicis en Ita- lie est caractéristique de ce phénomène au XVIe siè- cle–, ainsi qu’une peinture d’histoire et mythologique, une très grande partie des productions peintes et Un exemple de proximité pouvoir / religion / art avec les Médicis Au XVe siècle, le pape Léon X, second fi ls de Laurent de Médicis, met en place des relations privilégiées avec les artistes de son temps et notamment les peintres et les sculpteurs. Il fait notamment travailler Raphaël, qui réalise un portrait très marquant de son commanditaire. Il constitue en parallèle une impres- sionnante collection de manuscrits. Avant lui, Laurent de Médicis s’était appuyé sur les arts pour incarner le pouvoir. Il a fréquenté et entretenu de nombreux artistes : Andrea del Verrocchio, Léonard de Vinci, Sandro Botticelli, Domenico Ghirlandaio, Filippino Lippi ou encore Michel-Ange. Tous ces artistes ont participé au renouveau italien et ont contribué à faire de Florence la capitale de la Première Renaissance. Michel-Ange était un familier de Laurent de Médicis. Laurent de Médicis fut aussi attentif uploads/s3/ debat-savoirs-2009 1 .pdf

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