Le portrait individuel Réfl exions autour d'une forme de représentation XIIIe–XV

Le portrait individuel Réfl exions autour d'une forme de représentation XIIIe–XVe siècles Dominic Olariu Dirigé par PETER LANG Le portrait individuel Réflexions autour d’une forme de représentation XIIIe–XVe siècles Dominic Olariu Dirigé par Mise en page: Sahar Aharoni, Karlsruhe ISBN 978-3-0343-0002-5 © Peter Lang SA, Editions scientifiques internationales, Berne 2009 Hochfeldstrasse 32, CH-3012 Berne info@peterlang.com, www.peterlang.com, www.peterlang.net Tous droits réservés. Réimpression ou reproduction interdite par n’importe quel procédé, notamment par microfilm, xérographie, microfiche, offset, microcarte, etc. Imprimé en Allemagne Information bibliographique publiée par « Die Deutsche Bibliothek » « Die Deutsche Bibliothek » répertorie cette publication dans la « Deutsche Nationalbibliografie»; les données bibliographiques détaillées sont disponibles sur Internet sous ‹ http://dnb.ddb.de ›. 5 Sommaire 9 Dominic Olariu introduction 15 Jean-Claude Schmitt La mort, les morts et le portrait 35 Beate Fricke Visages démasqués Un nouveau type de reliquaire chez les Anjou 65 Agostino Paravicini bagliani Boniface VIII en images Vision d’Église et mémoire de soi 83 Dominic Olariu Réflexions sur l’avènement du portrait avant le XVe siècle 103 Enrico Castelnuovo Les portraits individuels de Giotto 123 Hans Belting Le portrait médiéval et le ­ portrait autonome Une question 137 Anika Disse Figures de l’auteur : Boccace dans son œuvre 153 Albert Châtelet Portrait et dévotion 167 Eberhard König La réalité du portrait dans les manuscrits enluminés sommaire 6 191 Norbert Schneider Aequalitas Contribution à l’art du portrait chez Jan van Eyck 205 Gregor Wedekind Jeux de vérité Portrait et réalité dans Les Époux Arnolfini de Jan van Eyck 235 Paul Werner Katherina l’Africaine ou les ruses du dessin 249 Frank Zöllner Botticelli portraitiste : réflexions sur l’histoire du portrait en tant que genre artistique 271 Danièle Cohn Remarques philosophiques sur le portrait individuel 289 Notices biographiques des auteurs 9 Dominic Olariu introduction Avec ce livre j’ai le plaisir de présenter au lecteur la publication des actes de la rencontre internationale « Le portrait individuel : réflexions autour d’une forme de représentation du XIIIe au XVe siècle ». Le colloque a été ­ accueilli les 6 et 7 février 2004 par l’École des hautes études en sciences so- ciales à Paris. La parution des actes arrive avec un certain retard, dû en partie à l’activité de traduction requise pour les textes en langue étrangère et, sans aucun doute, à la modeste expérience du directeur ­ scientifique du volume. Des épreuves privées ont d’autre part ralenti le travail. Je dois ainsi mes excuses aussi bien aux lecteurs qu’aux contributeurs de cet ­ ouvrage. C’est une joie d’autant plus grande pour moi de présenter ici la presque ­ totalité des conférences proposées lors du colloque. Seule la contribution de Gerhard Wolf portant sur les « Aspects du portrait et autoportrait chez Dante » n’a pu être intégrée à ce recueil. La contribution de Frank Zöllner n’émane pas de la rencontre parisienne, et je lui suis très reconnaissant de nous avoir offert ce bel article complétant notre programme. Le thème du colloque a été déterminé en fonction des aspects les plus in- téressants attachés aux représentations de l’Homme entre le XIIIe et XVe siècle. Des changements significatifs se produisent dans les représen- tations de l’Homme au cours de la période envisagée. La contribution de Jean-Claude Schmitt qui énonce des idées relatives à la mort, un élément essentiel pour l’apparition des portraits, dessine le champ analytique du volume. Beate Fricke, Agostino Paravicini Bagliani, Dominic Olariu et ­ Enrico Castelnuovo enquêtent sur une première phase de l’évolution. Leurs essais, principalement consacrés aux XIIIe et XIVe siècles, évoquent notam- ment les reliquaires de crâne, le pape Boniface VIII en tant que commandi- taire d’autoreprésentations, les représentations affichant des traits physio- nomiques individualisés, ainsi que le peintre Giotto et son rôle dans l’apparition de représentations ressemblantes de l’homme. Un deuxième groupe d’articles examine principalement les représenta- tions du XVe siècle. Anika Disse compare diverses miniatures de l’écrivain Boccace sous l’aspect de sa représentation en tant que poète, Hans Belting pose la question des différences entre le portrait médiéval et le portrait au- tonome, et Albert Châtelet analyse la fonction dévotionnelle des portraits. 15 1 Erich Auerbach, Mimésis : la représentation de la réalité dans la littérature occidentale, Paris, Gallimard 1968 [premièrement paru en langue allemande, Berne 1946], p. 549–553. Jean-Claude Schmitt La mort, les morts et le portrait Dans son célèbre ouvrage de 1946, Mimésis : la représentation de la réalité dans la littérature occidentale, Erich Auerbach soutient que la conception antique et rhétorique de l’imitation de la réalité – la « mimésis » – dont la théorie remonte au livre X de la République de Platon et a été ensuite trans- mise par Cicéron à la latinité classique, a été battue en brèche dans le Moyen Âge chrétien par une autre conception qu’exprime le mot « figura » : ce qui l’emporte désormais est une « conception figurative de la réalité », selon laquelle « un événement qui s’est passé sur la terre ne signifie pas seulement cet événement même, mais aussi, et sans préjudice de la réalité concrète hic et nunc, un autre événement qu’il annonce ou qu’il répète en le confirmant ; le rapport entre les événements n’est pas envisagé essen- tiellement comme un développement temporel ou causal, mais comme formant une unité au sein du plan divin, dont tous les événements consti- tuent des parties ou des reflets ; leur connexion terrestre immédiate est de moindre importance, et la connaissance de celle-ci est quelques fois tout à fait superflue pour l’interprétation ».1 Il me semble que la réflexion d’Auerbach, qui concerne la littérature mé- diévale, peut aisément s’appliquer aussi à la peinture ou à la sculpture, qui expriment à la même époque une semblable « conception figurative » ; elles se soucient moins de rendre la réalité extérieure telle qu’elle est, à commencer par le visage des individus singuliers, que d’inscrire les images dans le « plan divin » en leur donnant un sens supérieur. Il faut donc ad- mettre que cette « conception figurative » explique la difficulté et la len- teur avec lesquelles le portrait individuel a émergé ou réapparu dans la ci- vilisation médiévale, laquelle se distinguerait à cet égard de la civilisation romaine qui l’a précédée et fut soumise au règne de la « mimésis », dont le portrait, notamment le portrait funéraire de l’époque hellénistique, au Fayoum ou à Palmyre, est l’un des meilleurs témoins. 35 * Traduit de l’allemand par Nicola Denis. Pour leurs suggestions, commentaires et échanges stimulants, je tiens à remercier Hannah Baader, Dieter Blume, Claudia Gerken, Lorenz Enderlein, Alexander Heinemann, Daniela Mondini, Stefano Riccioni, Stephen Stern, Sylvie Tritz, Barbara Wittmann et Gerhard Wolf. 1 Il s’est laissé piéger par les illecebrae oculorum, voir Augustin, Confessions X, 34, 53, ainsi que Maurizio Bettini, « Tra Plinio e sant’Agostino : Francesco Petrarca sulle arti figurative », Memoria dell’antico nell’arte italiana, I : L’uso dei classici, éd. Salvatore Settis, Turin, Einaudi 1984, p. 221–267, p. 260. À cet endroit, l’auteur analyse en détail la réception de cette notion par Pétrarque. 2 Odon de Cluny, Vita S. Geraldi, I, 9 (Patrologiae cursus completus. Patrologia Latina 133, éd. Jacques-Paul Migne, Petit- Montrouge, Migne 1853, col. 648) : « Quamdam enim iuvenculam eius oculis, ut fertur, ingressit. Qui dum in ea colorem nitidulae cutis incautus attendere(t), mox in delectatione illius mollescere coepit. O si protinus intellectu conspexisset, quid sub cute latebat ! Quia nimirum nihil carnis pulchrum est nisi fucus pellis. Avertit ille oculos, sed species per ipsos cordi impressa remansit. Itaque angebatur, illiciebatur et caeco igni adurebatur. » La Vita en quatre livres a été rédigée par Odon entre 916 et 942. Beate Fricke Visages démasqués Un nouveau type de reliquaire chez les Anjou* La Vita de saint Gérald suggère dès le milieu du Xe siècle que l’éclat des beaux visages peut se révéler trompeur. Les regards jetés derrière le « masque » et le retrait du masque peuvent avoir des conséquences néga- tives pour les saints : à savoir le constat que leur regard s’est laissé abuser par une illusion d’essence diabolique.1 Odon de Cluny rapporte un tel épi- sode de péché par la vue dans sa Vita de saint Gérald : « Car [le diable], dit-on, fit entrer une jeune femme dans son œil. Lorsqu’il contempla inconsidérément la couleur de sa peau enduite de parfum, il en fut tout ramolli de plaisir. Si seulement il avait pu voir avec son esprit ce qui se cachait sous la peau ! Car rien d’autre ne constitue la beauté de la chair que le ma- quillage de la peau (nimirum nihil carnis pulchrum est nisi fucus pellis). Il détourna les yeux, mais la belle personne les avait déjà pénétrés pour se nicher dans son cœur. Alors il se sentit en- fermé, attiré et enflammé par un feu secret. »2 65 1 Julian Gardner, « Likeness and /or represen- tation in English and French royal portraits c. 1250–c. 1300 », Das Porträt vor der Erfindung des Porträts, éd. Martin Büchsel / Peter Schmidt, Mayence, Von ­ Zabern 2003, p. 141–151. Hans uploads/s3/ dominic-olariu-2009-le-portrait-individuel.pdf

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