LA MISE EN ŒUVRE DE LA « GRAMMAIRE DU SENS » DANS L'APPROCHE COMMUNICATIVE Anal
LA MISE EN ŒUVRE DE LA « GRAMMAIRE DU SENS » DANS L'APPROCHE COMMUNICATIVE Analyse de grammaires et de manuels Janine Courtillon Klincksieck | « Éla. Études de linguistique appliquée » 2001/2 no 122 | pages 153 à 164 ISSN 0071-190X DOI 10.3917/ela.122.0153 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-ela-2001-2-page-153.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Klincksieck. © Klincksieck. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Deux éléments de cette grammaire notionnelle sont passés en revue : la quantification de l’objet et les aspects temporels couverts par l’imparfait/passé composé. Le point de vue soutenu ici est que la compétence grammaticale de l’apprenant n’est pas garantie par la présence de l’appareil métalinguistique traditionnel, lourd, qui prédomine toujours dans les méthodes actuelles. Celles-ci, au lieu de fournir la possibi- lité d’accès immédiat au sens de la forme par une explication notionnelle simple, ont réintroduit massivement des concepts grammaticaux non opéra- toires. Par ailleurs, l’aspect fonctionnel du sens a rarement été mis en œuvre de manière efficace. 1. LA « GRAMMAIRE DU SENS » Si l’apprentissage de la grammaire, « grammaire du sens » ou tout autre type de grammaire, était envisagé du point de vue de l’apprenant – ce qui est le véritable changement apporté par l’approche communica- tive (A.C.) –, il serait plus opératoire de centrer les discours sur l’acqui- sition graduelle des règles, c’est-à-dire de la précision ou de la correction de la forme dans la production de la parole, plutôt que sur l’objet à apprendre : la grammaire. Or, nous sommes obligés de constater que de nos jours, dans les discours des didacticiens et dans les manuels qui, implicitement ou explicitement se revendiquent de l’A.C., la notion d’ob- jectif grammatical est toujours présente, pour ne pas dire omniprésente. Si les nouvelles orientations avaient été réellement prises en compte, elle aurait dû disparaître en tant qu’objectif en soi. Pour les tenants de l’A.C., la grammaire n’est pas un objectif en soi, ce qui l’est c’est la compétence grammaticale, définie comme « la capacité d’organiser des phrases pour transmettre du sens », capacité qui est « partie intrinsèque de la compé- tence communicative ». © Klincksieck | Téléchargé le 04/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 46.193.67.66) © Klincksieck | Téléchargé le 04/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 46.193.67.66) Il faut donc s’interroger sur la survivance de ce qu’il faut bien appeler un « objet mythique » d’apprentissage : la grammaire. Pourquoi consacre- t-on tant d’efforts – en tant qu’enseignants aussi bien qu’apprenants – à vouloir « enseigner/apprendre la grammaire » ? Sans doute parce que nous sommes incapables de penser de manière satisfaisante l’apprentissage de la communication linguistique, qui implique un savoir-faire communicatif en situation, mettant en jeu des savoirs phonétiques, lexicaux, syntaxiques et morphologiques aussi bien que des savoir-faire de type interrelationnels, c’est-à-dire psychosociaux, et des savoir-faire extra-linguistiques. Ces objec- tifs sont entrés récemment en tant que tels dans l’enseignement des langues, tandis que l’enseignement grammatical existe depuis des siècles, constituant un terrain sûr, pour lequel nous avons de nombreux exercices en réserve. Sans entrer dans la polémique, il fallait toutefois signaler cet aspect des choses, pour offrir une réponse à ceux qui déplorent « la faillite de l’A.C. », faillite qui, selon eux, est due à l’absence constatée de « gram- maire » dans les méthodes de langue. Mais nous allons voir que l’expres- sion « grammaire du sens » permet en fait de rejoindre les objectifs du Conseil de l’Europe, organisme à l’origine des mises en œuvre de l’A.C. On pourrait s’étonner de l’utilisation d’un concept tel celui de « gram- maire du sens ». En effet, pour le sens commun, la grammaire est ce qui décrit le système de la langue et concerne principalement l’étude de la morphologie, de la syntaxe et des « valeurs » des formes qui en résultent. En didactique française, l’expression « grammaire du sens » (et de l’ex- pression) est apparue sous la plume de Patrick Charaudeau, autour de l’ouvrage dont l’intitulé est justement Grammaire du sens et de l’expres- sion (Hachette 1992). Dans cet ouvrage, P. Charaudeau la définit ainsi : Le langage est donc à la fois sens, expression et communication. Il n’est pas l’un et l’autre successivement, mais les trois à la fois. Une grammaire du sens et de l’ex- pression doit donc s’intéresser à décrire les faits de langage en fonction : – des intentions du sujet parlant qu’ils sont susceptibles d’exprimer, – des enjeux communicatifs qu’ils révèlent, – des effets de discours qu’ils peuvent produire. Dans la préface d’un autre ouvrage (G.D. de Salins, 1996) qu’il situe dans la filiation de sa propre grammaire, il me semble que P. Charaudeau définit encore mieux ce qu’il entend par « grammaire du sens » : [La grammaire du sens] se définit essentiellement par trois caractéristiques : – un mouvement de pensée qui doit traiter les faits de langue comme résul- tant d’intentions de communication. Décrire ces faits de langue exige alors de partir des notions de sens qui les originent et de mettre en regard les formes qui permettent de les exprimer ; – une méthodologie particulière qui doit aboutir à catégoriser ces notions d’une manière propre, différente de celle que suivent les grammaires morpho- logiques. On peut qualifier ce nouveau genre de grammaire sémantique ; – un type d’explication qui doit être adéquat à ce nouveau genre de descrip- tion, car expliquer les phénomènes de sens n’est pas du même ordre qu’ex- pliquer ceux de forme. G.D. de Salins donne, dans l’avant-propos de son ouvrage, les raisons du choix d’une grammaire sémantique : 154 © Klincksieck | Téléchargé le 04/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 46.193.67.66) © Klincksieck | Téléchargé le 04/11/2022 sur www.cairn.info (IP: 46.193.67.66) Les points de vue théoriques des différentes linguistiques ne répondent pas néces- sairement aux besoins d’apprenants étrangers venant des quatre coins du monde. Mais il est une théorie linguistique qui subsume les descriptions grammaticales formelles pour atteindre le plus directement possible le sens véhiculé par l’ensemble des langues… Cette linguistique nous importe par son approche sémantique de la grammaire. Elle recherche les notions quasi universelles qui permettent de regrouper en catégories de sens les diverses formes que la grammaire traditionnelle a l’habi- tude de séparer. Ces deux ouvrages représentent une étape capitale dans la mise à dispo- sition des usagers des notions fondamentales qui avaient été décrites précédemment dans la section intitulée « Grammaire » de Un Niveau Seuil pour le français, publiée par le Conseil de l’Europe en 1976, et qui n’était qu’un inventaire, une esquisse sous forme de liste invitant à reconsidérer l’approche des phénomènes grammaticaux pour l’enseignement aux étran- gers. Les implications de ce type de grammaire peuvent se résumer en une phrase : elle impose une description et une explication par le sens des phénomènes grammaticaux. Puisque le sens donne accès à la notion, il doit déjà être indiqué dans la description : « mettre en regard les formes et les notions », c’est la raison même de la démarche. Nous allons examiner cette mise en œuvre d’abord dans les grammaires, et ensuite dans les manuels récents de français langue étrangère. 2. LA MISE EN ŒUVRE DE LA « GRAMMAIRE DU SENS » DANS LES GRAMMAIRES Cette analyse va essentiellement porter sur le métalangage utilisé et sur l’examen de quelques aspects précis de deux chapitres de la grammaire : la quantification et la situation dans le temps. Les deux ouvrages précé- demment cités ont une finalité différente, et leur rapport au métalangage grammatical traditionnel est par conséquent quelque peu différent. Dans l’ouvrage de P. Charaudeau, qui est une description grammaticale (et discursive) explicative à statut théorique, l’explication des phénomènes est entièrement sémantique. L’ouvrage de G.D. de Salins, destiné être utilisé par des enseignants et des étudiants, a lui une autre finalité. Il comporte souvent des sous-catégories traditionnelles regroupées à l’intérieur d’une grande catégorie sémantique : il s’agissait en effet, pour l’auteur, de faire un pont entre l’approche notionnelle de la grammaire et les catégories traditionnelles à travers lesquelles les étudiants ont commencé à apprendre les formes de uploads/s3/ ela-122-0153.pdf
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- Publié le Apv 25, 2022
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