26 L’harmonium français, N°2, décembre 2007 En parcourant la méthode pour l’Org
26 L’harmonium français, N°2, décembre 2007 En parcourant la méthode pour l’Orgue-Alexandre de Lebeau et Durand Alain Vernet Résumé : Les documents d’époque et particulièrement ici la méthode Lebeau-Durand livrent une multitude de détails précis sur le jeu de l’harmonium. Combinaison de registres, explication de la percussion et de l’expression à la main mais aussi du vibrato, autant de procédés peu connus aujourd’hui, sont explicités ici. Les pièces musicales jointes à la méthode permettent en outre de faire la connaissance de quelques personnalités musicales oubliées comme Louis-Joseph Daussoigne-Méhul, Charlotte Alexandre-Dreyfus ou Alexei Lvoff. Méthode assurément pédagogique mais tout autant publicitaire ! Mots clés : Alexandre, Méthode d’harmonium, Vibrato, Expression à la main. Avant-propos Depuis la fin du siècle dernier, une activité de sauvegarde des orgues-harmoniums et de leurs proches parents commence à se développer en France. Beaucoup d’instruments sont répertoriés, inventoriés et quelquefois même restaurés. C’est bien la moindre des choses dans une démarche peu ou prou inspirée par une vision matérialiste du monde. A notre sens, le culte rendu à la pièce rare, avec une spéculation marchande en toile de fond, n’est plus la seule possible aujourd’hui. C’est ainsi qu’en parallèle à la redécouverte de la multiplicité des instruments, nous voudrions nous pencher sur les écrits des musiciens qui ont assuré leur diffusion avec succès. Dans notre esprit, cela devrait permettre une approche musicale dénuée d’arrière-pensées et conduire à faire entendre à nouveau des musiques trop souvent dédaignées par nos contemporains. Il a fallu relire et rééditer « l’art de toucher le clavecin » de François Couperin pour renouveler l’interprétation de sa musique. Il faudra certainement procéder de manière semblable pour mettre en valeur les immenses qualités musicales de nos harmoniums rénovés au moyen des œuvres qu’ils ont fait naître. Les jugements hâtifs et souvent sans appel de nos devanciers nous interpellent : « Il se pourrait que l’harmonium fût le parent pauvre de l’orgue et le restât » lit-on sous la plume ô combien respectée de Cellier et Bachelin [1] qui rangent l’harmonium dans le même chapitre que les « orgues étranges » entre les inventions des Abbés Larroque et Cabias. Nous avons donc ouvert et lu attentivement la méthode pour l’Orgue-Alexandre de Lebeau et Durand et nous présentons ci-après ce que nous avons pu y découvrir. Certaines questions demeureront toutefois sans réponse comme par exemple ce pacte qui semble unir le monde de l’édition à celui de la facture d’harmonium et qui verra s’associer Dumont et Lelièvre après les auteurs-éditeurs de notre méthode. Les auteurs Henry Lebeau d’Aubel1 est né vers 1830. Elève de Lefébure-Wély et de Benoist2, il fut organiste de Saint-André d’Antin dès 1857 puis organiste de chœur et maître de chapelle à St Roch de Paris (1860-70) avant de tenir l’orgue de l’oratoire du Louvre. Il fut en outre rédacteur en chef du Journal de la Musique Populaire (1862-64). Fils de l’éditeur de musique Nicolas Lebeau et éditeur lui-même de 1865 à 1875, son frère Alfred Lebeau3 (1835-1906) était titulaire de l’orgue de St Ambroise. Marie-Auguste Massacrié-Durand (figure 11) est né à Paris le 18 juillet 1830. il a étudié l’orgue avec Benoist avant d’être successivement organiste à Saint Ambroise (1849), à Sainte Geneviève (1853), à Saint Roch (1857-1862) et enfin à Saint Vincent de Paul de 1862 à 1874. Il crée en 1869 sa maison d’éditions musicales avec le facteur de pianos Louis Schönwerk et décède le 31 mai 1909. L’harmonium français, N°2, décembre 2007 27 Fig. 1. – La page-titre de la méthode 28 L’harmonium français, N°2, décembre 2007 L’ouvrage C’est un album de 47 pages de grand format (26 cm sur 35) paru chez Heugel et Cie, au Ménestrel 2bis, rue Vivienne à Paris entre 1860 et 18624 (figure 1). C’est en effet entre ces deux dates que Lebeau et Durand travaillent simultanément à St Roch5. Dès l’avant-propos les auteurs préviennent qu’ils ne s’occuperont « aucunement des principes de musique ou de piano, mais seulement des difficultés particulières à l’orgue ». Au passage, nous apprenons au sujet de « l’Orgue-Alexandre6 » que « tout le monde en joue et tout le monde veut en jouer». Dans les trois premiers chapitres où il s’agit de distinguer l’orgue du piano une partie purement descriptive se complète de principes et exercices que l’on peut directement attribuer à l’enseignement de Benoist. « Pour résoudre les difficultés que présente le style lié qui est dans le caractère spécial de l’Orgue, nous indiquerons à l’élève deux sortes de doigter : 1° le doigter par substitution, 2° le doigter par glissando». Rien donc de particulier par rapport à l’enseignement traditionnel du Conservatoire tel qu’on peut encore le trouver dans la méthode d’orgue de Marcel Dupré près d’un siècle plus tard. C’est là une grande tradition française : nos classiques ne disaient-ils pas déjà « que l’une des deux mains porte toujours dur le clauier afin qu’il n’y ait point trop de vuide» (Gaspard Corrette, messe du VIIIème ton, 1703). Lebeau et Durand remarquent que : « dans une suite d’accords ou dans une harmonie liée, les doigts ne doivent pas quitter les touches avant l’expiration totale de la valeur exacte des notes, afin que l’oreille ne s’aperçoive d’aucune interruption dans la liaison des parties harmoniques7», c’est bien le même propos. Le chapitre 4ème s’intitule « Des registres et de leurs effets », les auteurs présentent une sorte de table de registration comme d’usage dans beaucoup de livres d’orgue français (figure 2). L’Orgue-Alexandre type de cette époque 1860 ne comporte que 4 jeux8 et pas encore 4 jeux ½ comme un usage plus tardif l’établira9. La « Céleste » se cherche encore : jeu de combinaison ? jeu de 4 pieds ? jeu discordé de 8 pieds ? de 16 pieds ? elle ne fait pas encore partie de la palette sonore ordinaire de l’harmonium. On peut synthétiser ces recommandations de la manière suivante : - L’imitation des instruments d’orchestre : 1 Cor Anglais, 1 Flûte, 2 Clarinette, 3 Fifre, 4 Basson, 4 Hautbois. - L’imitation de l’orgue d’Eglise : 2 Bourdon, 3 Clairon, 2-1 et 1-2 Jeux de fonds, 3-2-1 et 1-2-3 Plein-jeu. - Les effets avec des combinaisons de jeux : 4-1 et 1-4 Voix humaine, 4-3-1 (à la basse) Violoncelle, 2-3-0 Flageolet, 0-4-3 (à la basse) Trompette, 3-4-0 Musette. Ces propositions qui semblent aller d’elles- mêmes appellent toutefois quelques commentaires. Dans la suite de la méthode, les pièces registrées avec 321/123, l’équivalent du plein-jeu, sont deux « mini » fugues de Vierling10. Nous voyons sans doute là une autre conséquence de l’enseignement de Benoist. La tradition française des fugues « sur les jeux d’anches » s’estompe au profit de l’usage germanique de l’ « organo-pleno » ou italien du « ripieno11». Par contre, aucune indication d’octave supérieure n’apparaît, laissant supposer une certaine lourdeur de ces fugatos de tempo modéré. La registration 41/14 semble destinée à l’accompagnement vocal. On retrouve encore une registration un peu oubliée au XVIIIème et XIXème siècle : le flageolet12. C’est un « mélange creux » de 16 et 4 pieds ou mieux 8 et 2 en le jouant à l’octave13. Les auteurs renforcent le caractère populaire de ce genre d’imitation en ajoutant le forte (0), il en ira de même dans l’imitation de la musette14. Fig. 2. – Combinaisons des registres L’harmonium français, N°2, décembre 2007 29 Fig. 3. – Ecorché de l’Orgue-Alexandre 30 L’harmonium français, N°2, décembre 2007 Après une gravure qui éclaire le fonctionnement matériel de la soufflerie, reproduite plus haut (figure 3), la méthode parvient à son objet essentiel : « la soufflerie d’expression » au Chapitre 5ème. « Jouer avec la soufflerie d’expression c’est le rendre (l’Orgue Alexandre) un des plus agréables entre tous ceux qui se produisent dans les salons. Une douce pression sur la pédale donne une douce émission du son ; de même qu’une forte pression donne un son fort. Là est le grand secret de l’expression». Voilà un raccourci saisissant qui pourrait laisser croire que l’expressivité du jeu se limiterait à la maîtrise du doux et du fort. S’il en était ainsi « l’orgue ordinaire » permettrait certainement de réaliser ce programme. Joris Verdin a d’ailleurs tenté de cerner dans un article magistral [8] ce que recouvre le concept d’expressivité à l’orgue au début du XIXème siècle. Avant que ne commencent les pièces données en guise d’études, un petit paragraphe (figure 4) présente pour nous le plus grand intérêt : « Le Vibrato… s’obtient en faisant trembler alternativement la pointe des pieds, sur les pédales, en ayant bien soin de relever le talon ». Fig. 4. – Explication du vibrato Fig. 5. – La percussion L’harmonium français, N°2, décembre 2007 31 Fig. 6. – L’expression à la main Fig. 7 et 8. – Plaques d’Orgue-Alexandre. On peut deviner sur la figure 8, la présence des registres « expression à la main » et « expression aux pédales ». 32 L’harmonium français, N°2, décembre 2007 De la percussion et De l’expression à la main Le procédé de percussion (figure 5) des anches de la Flûte-Cor-anglais uploads/s3/ en-parcourant-la-methode-pour-l27orgue-alexandre-de-lebeau-et-durand-28alain-vernet29-pdf.pdf
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