- PhiloLog - https://www.philolog.fr - " Malheur à qui n’a plus rien à désirer!
- PhiloLog - https://www.philolog.fr - " Malheur à qui n’a plus rien à désirer!" Rousseau. Posted By Simone MANON On 21 janvier 2008 @ 17 h 29 min In Chapitre IV - Désir.,Explication de texte,Textes | 49 Comments * » Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme, avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et, pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l’objet lui-même ; rien n’embellit plus cet objet aux yeux de son possesseur, on ne se figure point ce qu’on voit ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité, et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Etre existant par lui-même il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas ». Rousseau : Julie ou La Nouvelle Héloïse. (1761) VI° Partie, LettreVIII. Introduction: * Ce texte a pour thème le rapport du désir et du bonheur. On croit communément que le bonheur consiste dans la satisfaction du désir or est-ce bien le cas ? N’y a-t-il pas plus de bonheur dans les illusions du désir que dans la jouissance que procure son accomplissement ? (Question). Prenant le contre-pied de l’opinion, Rousseau affirme paradoxalement que le bonheur est dans le désir non dans la possession de son objet ou dans la réalisation de sa fin. Il fonde sa thèse sur une méditation de la nature humaine et des rapports de l’homme et du réel. Nous apprenons que l’homme n’est pas chez lui dans le monde car l’illimitation de ses aspirations n’a d’égale que les limites de ses possibilités de les combler et le déficit du réel par rapport au rêve. Alors l’homme est-il condamné au malheur ? (Question). Non, affirme Rousseau, car le désir qui nous y expose est aussi ce qui nous en sauve. « Tant qu’on désire on peut se passer d’être heureux » soutient-il, puisque l’imagination peut ouvrir les portes du « vierge Azur » (Mallarmé) et donner les jouissances que le réel hideux refuse. La question est, en dernière analyse, de savoir si l’on peut suivre Rousseau dans son propos. Est-il vrai que les jouissances imaginaires sont supérieures aux jouissances réelles ? Et peut-on légitimer les conséquences nihilistes de la thèse rousseauiste ? Car si l’exubérance de cette visée imaginative qu’est le désir doit conduire à cette stupéfiante affirmation : « Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité, et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Etre existant par lui-même il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas », ne faut-il pas considérer que ce que Rousseau présente comme un don du ciel s’apparente plutôt à une malédiction ? * Explication détaillée : 1) Apologie du désir sous forme de paradoxes. Ce texte propose une apologie du désir. « Malheur à qui n’a plus rien à désirer » s’écrie légitimement Rousseau et qui dirait le contraire ? Vivre n’est-ce pas désirer ? Le désir donne son prix à toute chose, il enchante la vie et le réel, il sauve de l’ennui et du désespoir et constitue si l’on en croit Pascal un salutaire divertissement. Il n’y a sans doute rien de pire qu’une vie désertée par le désir et nul ne peut souhaiter éteindre en soi son dynamisme sans consentir à une espèce de suicide. Rousseau a donc bien raison de dire que le désir fait le bonheur de l’existence. Le problème commence avec ce qu’il entend par là. Car de part en part les justifications proposées de cette thèse sont de véritables paradoxes. Le premier paradoxe associe l’expérience du désir à celle d’une possession or ne la lie-t-on pas communément à celle du manque ? Désirer c’est viser la possession de quelque chose qu’on ne possède pas tant qu’on le désire. Que ce manque soit constitutif de notre être comme le veut Platon ou produit par le désir lui-même comme le veut Spinoza, désirer c’est toujours tendre vers la possession d’un bien dont on est actuellement privé. En disant qu’avec l’extinction du désir « on perd tout ce qu’on possède » Rousseau renverse donc le jugement commun. L’expression « pour ainsi dire » prend acte que ce qu’il dit ne va pas de soi. Faut-il comprendre, entre les lignes, que l’homme est si peu comblé, si privé de biens réels ou du moins si inapte à les trouver à sa mesure que dans son dénuement tout ce qu’il possède vraiment c’est son infatigable désir ? C’est bien ce que suggère le deuxième paradoxe : « on jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux ». Etonnante déclaration car communément encore le bonheur est défini comme le propre du désir comblé. On est heureux lorsque ses espérances sont exaucées. Le rite des vœux en début d’année en témoigne éloquemment. On souhaite à ses amis que leurs désirs les plus chers soient réalisés et il nous semble qu’on est moins heureux de désirer quelque chose que de le posséder et d’en jouir. Rousseau soutient le contraire. La jouissance n’est pas dans la satisfaction du désir, elle est dans le désir lui-même. « Mon ami, je suis trop heureuse; le bonheur m’ennuie » explique Julie. Seule l’inquiétude du désir infini est un remède au dégoût du fade bonheur du désir comblé. La thèse établit donc que la possession de l’objet convoité donne une jouissance inférieure à celle de l’espérance de cette possession. 2) Justification des paradoxes. Ces deux paradoxes appellent justification. La conjonction de coordination : « en effet » introduit l’argumentation rousseauiste par laquelle il va fonder ce qu’il vient d’énoncer. a) Première justification. La première justification pointe une caractéristique de la nature humaine. Nous apprenons qu’il y a en l’homme « une avidité », entendons une ardeur du désir, une sorte de démesure, un caractère illimité du désir et une impuissance à le combler. Nous sommes « bornés », notre existence est placée sous le signe de la finitude, des limites. Ainsi, alors que notre nature nous incline à une convoitise démesurée, « à tout vouloir » dit le texte, cette même nature nous condamne à « peu obtenir ». La distance séparant le « tout » du « peu » donne la mesure du divorce du désir et du réel et de ce qui constitue la difficulté d’être. Tous les hommes désirent être heureux mais il semble bien que leur constitution les prédispose au malheur. Or bien qu’il sache si bien définir les données du drame humain, à savoir l’écart entre l’illimitation du désir et les possibilités limitées de le réaliser, Rousseau ne dit pas comme Epicure que le ressort du malheur est dans le désir lui-même. Au contraire, le désir n’est pas le problème, il est la solution car, apprend-on, nous avons « reçu du ciel une force consolante ». Un don du ciel est une grâce divine. Manière de dire qu’elle est entièrement positive. Un don des dieux ne peut qu’être bénéfique. Et de fait il s’agit d’une « force » non d’une faiblesse. Cependant en reconnaissant qu’elle est « consolante » Rousseau avoue implicitement que l’écart entre la démesure du désir et les limites imposées par le réel à sa satisfaction est source de désespoir car on n’aurait pas besoin d’être consolé si l’on était heureux. Reste que ce désespoir n’est pas un destin (On entend par là un sort auquel on ne peut échapper). Nous avons en nous de quoi le dépasser. PB : Quelle est donc cette faculté que Rousseau analyse comme une voie de salut ? Le texte donne les indications suivantes : • Elle rapproche de lui tout ce qu’il désire. • Elle le lui rend présent et sensible. • Elle modifie l’objet au gré de sa passion. On a compris qu’il s’agit de l‘imagination c’est-à-dire de la faculté permettant de se libérer des contraintes du réel pour produire une réalité imaginaire aux couleurs de ses rêves. L’imagination est la faculté de produire des images, d’inventer, de donner naissance à des fictions. Elle est au principe de la créativité humaine puisque sans imagination créatrice ni les œuvres d’art, ni les inventions techniques et scientifiques ne seraient possibles. Rousseau va décrire la puissance de l’imagination à l’œuvre dans le désir, prompte à suppléer par sa magie l’absence de l’objet convoité. De fait, le désir, étant visée imaginative, implique la représentation de l’objet propre à le combler. Son objet est uploads/s3/ exemple-d-x27-explication-de-texte.pdf
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- Publié le Nov 16, 2021
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