JULIEN SUR LA MÈRE DES DIEUX. SUR LA MÈRE DES DIEUX (01). SOMMAIRE Idées généra
JULIEN SUR LA MÈRE DES DIEUX. SUR LA MÈRE DES DIEUX (01). SOMMAIRE Idées générales sur Attis, sur la Mère des dieux et sur la purification. - Introduction du culte de Cybèle à Rome. - Prodiges qui signalent son arrivée. - Détails sur Attis. - C'est l'essence même de l'intelligence, qui vivifie tous les éléments et qui contient tous les principes et toutes les causes. - Développement de ces idées, et explication de la légende d'Attis. - Attis et Gallus ne sont qu'une seule et même personne. - Comment il faut considérer la Mère des dieux. - Nouveaux détails sur Attis, sur son commerce avec la nymphe et sur sa mutilation. - Explication de ces divers symboles. - Pourquoi les fêtes d'Attis sont fixées à l'équinoxe du printemps. - Distinction importante entre les Grands et les Petits Mystères. - Des abstinences et des purifications qui ont lieu aux fêtes d'Attis. - Prière à la Mère des dieux. 1. Faut-il parler de ces matières? Écrirons-nous sur des sujets mystérieux, et révélerons-tous des secrets fermés à tous et ineffables? Qu'est-ce qu'Attis ou Gallus? Qu'est-ce que la Mère des dieux? Quel est ce rite de purification religieuse et pourquoi nous fut-il enseigné dès l'origine (02), après avoir été propagé par les plus anciens habitants de la Phrygie et accueilli d'abord chez les Grecs, non pas les premiers venus, mais chez les Athéniens, instruits par l'expérience du tort qu'ils avaient eu de tourner en ridicule celui qui célébrait les Orgies de la Mère des dieux (03)? On rapporte, en effet, que les Athéniens insultèrent et chassèrent Gallus, comme une innovation superstitieuse, ne sachant pas que la déesse, qu'il leur apportait, était la même qu'ils honoraient sous les noms de Déo, de Rhéa et de Déméter (04). De là vint l'indignation de la déesse et les sacrifices destinés à apaiser sa colère. En effet, l'oracle qui sert de guide aux Grecs dans leurs graves entreprises, la prêtresse du dieu pythien ordonna d'apaiser le courroux de la Mère des dieux; et c'est alors qu'on bâtit le Métroüm (05), où les Athéniens gardaient la copie de tous les actes publics (06). Après les Grecs, les Romains adoptèrent le même culte, également sur l'invitation du dieu pythien, qui leur conseilla de faire venir la déesse de Phrygie, comme une alliée dans la guerre contre les Carthaginois (07). Rien ne m'empêche d'exposer ici sommairement cette histoire. L'oracle entendu, les citoyens de la pieuse Rome envoient une députation solennelle pour demander aux rois de Pergame, alors maîtres de la Phrygie, et aux Phrygiens eux-mêmes, la statue sacrosainte de la déesse. Quand ils l'ont reçue, ils déposent ce précieux fardeau sur un large vaisseau de transport, capable de traverser sûrement tant de mers. La déesse franchit ainsi la mer Égée et la mer Ionienne, longe les côtes de la Sicile, entre dans la mer T yrrhénienne et vient mouiller aux bouches du Tibre. Le peuple sort de la ville avec le Sénat pour se porter à sa rencontre, précédé du cortège entier des prêtres et des prêtresses, tous en habits de cérémonie et en costume national, jetant les yeux sur le navire qu'amène un vent favorable et dont la carène sillonne les flots ; puis, à son entrée dans le port, chacun se prosterne sur le pont du rivage, d'où l'on peut l'apercevoir. Mais elle, comme pour montrer au peuple romain qu'on n'a point amené de la Phrygie une simple statue, et que la pierre qu'ils ont reçue des Phrygiens est douée d'une force supérieure et toute divine, à peine arrivée dans le Tibre, y fixe tout à coup le navire comme par des racines. On le tire contre le courant du fleuve ; il ne suit pas. Croyant qu'on s'est engagé dans des brisants, on essaye de le pousser : il ne cède point à ces efforts. On y emploie toute espèce de machines : il demeure ferme et invincible. On fait alors retomber sur la vierge sacrée, qui exerce le plus saint des ministères, un grave et injuste soupçon. Ou accuse Clodia, c'était le nom de l'auguste vestale, de n'avoir point gardé sa virginité pure à la déesse, qui donne un signe évident de son irritation et de sa colère. Car tous voient dans un pareil fait quelque chose de divin et de surnaturel. Clodia, s'entendant nommer et accuser, rougit d'abord de honte, tant elle était loin de l'acte honteux et illégal qu'on lui imputait. Mais quand elle s'aperçoit que l'accusation devient sérieuse, elle dénoue sa ceinture, l'attache à la proue du navire, et ordonne à tous, comme par une inspiration divine, de s'éloigner. En même temps, elle supplie la déesse de ne point la laisser en butte à d'injustes calomnies ; puis, enflant sa voix, comme pour commander une manoeuvre navale : « Souveraine mère, s'écrie-t-elle, si je suis chaste, suis-moi. » A l'instant même, elle fait mouvoir le vaisseau et le remonte bien avant dans le fleuve. Dans cette journée, ce me semble, la déesse apprit deux choses aux Romains : la première, qu'il ne fallait pas attacher une légère importance au fardeau venu de Phrygie, mais une haute valeur, comme à un objet non pas humain, mais divin, non comme à une argile sans âme, mais comme à un être vivant et à un bon génie. Voilà d'abord ce que leur montra la déesse. En second lieu, c'est que pas un citoyen, bon ou mauvais, n'échappe à sa connaissance. Presque aussitôt la guerre des Romains contre les Carthaginois fut couronnée de succès, et l'on en vint à cette troisième période où Carthage dut combattre pour ses propres murailles. Si cette histoire paraît peu croyable ou peu convenable pour un philosophe et un théologien, elle n'en est pas moins digne d'être racontée. Elle a été écrite, en effet, par la plupart des historiographes, et conservée sur des images d'airain dans la ville puissante et religieuse de Rome. Je sais bien que des esprits forts diront que ce sont des contes de vieilles qui ne soutiennent pas la discussion; mais il me parait sage de croire plutôt au témoignage du peuple des villes qu'à ces beaux esprits, dont le petit génie est très subtil, mais ne voit rien sainement. 2. Au moment où je me propose d'écrire sur le temps d'abstinence qui vient d'avoir lieu, l'on me rappelle que Porphyre (08) en a fait la matière de quelques traités philosophiques; mais je ne les connais pas, je ne les ai jamais lus, et j'ignore si son sentiment se rencontre avec le mien. Cependant j'imagine que ce Gallus ou Attis nous représente l'essence même de cette intelligence féconde et créatrice, qui engendre jusqu'aux derniers éléments de la matière, et qui renferme en elle tous les principes et toutes les causes des formes matérielles. En effet, les formes de tout ne résident point dans tout : et les causes supérieures et primitives ne contiennent pas tous les éléments extrêmes et derniers, après lesquels il n'existe plus rien que le nom vague et l'idée obscure de privation. Mais, comme il y a plusieurs substances et forces créatrices, la troisième de ces forces créatrices, qui organise les formes matérielles et en enchaîne les principe, cette puissance extrême, qui, propagée par un principe de fécondité exubérante, descend jusqu'à la terre du sein même des astres, est cet Attis que nous cherchons. Peut-être ce que je dis a-t-il besoin d'explication. Dire, en effet, que la matière est quelque chose, c'est avancer qu'il y a une forme matérielle; et, si nous ne leur assignons point de cause, nous retombons, à notre insu, dans la doctrine d'Epicure (09). Si donc il n'y a pas un principe antérieur aux deux autres, c'est une impulsion fatale, c'est le hasard qui règne dans l'univers. Mais nous voyons, dira quelque subtil péripatéticien, Xénarque (10) par exemple, que le principe commun est le cinquième corps, le corps sphérique. Ainsi Aristote a fait de ridicules efforts en cherchant au delà. Il en est de même de Théophraste. Il a compromis sou nom (11), lorsque, arrivé à une substance incorporelle et intelligente, il s'est arrêté, sans se préoccuper d'une autre cause, et en disant que les choses étaient ainsi de leur nature. Or, il s'ensuit que le cinquième corps étant ainsi de sa nature, il ne faut pas chercher d'autres causes, mais s'arrêter à celle-ci et ne point recourir à un être intelligent, lequel n'étant rien de sa nature, ne présente qu'une notion vague. Voilà ce que je me rappelle avoir entendu dire à Xénarque. Avait-il tort ou raison, c'est une question que je laisse à trancher aux péripatéticiens les plus habiles. Cependant, comme rien de tout cela ne me paraît satisfaisant, je soupçonne que les hypothèses défectueuses d'Aristote ont besoin d'être fondues avec les dogmes de Platon, ou mieux qu'il faut les rapprocher tous les deux des oracles que les dieux ont fait entendre. Mais peut-être convient-il de demander d'abord comment le corps sphérique peut renfermer en soi les causes incorporelles des formes matérielles. Car, sans ces causes, toute génération serait impossible uploads/s3/ julien-sur-la-mere-des-dieux.pdf
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- Publié le Mar 12, 2021
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