Roland Recht, Le croire et le voir. L'art des cathédrales (XIIe-XVe siècles), 1
Roland Recht, Le croire et le voir. L'art des cathédrales (XIIe-XVe siècles), 1999 [compte-rendu] Prache Anne Bulletin Monumental Année 2000 158-3 pp. 270-271 Architecture gothique Roland Recht, Le croire et le voir. L'art des cathédrales (xiieXVe siècles ), Paris, Gallimard, 1999, 22,5 cm, 448 p., 85 ill. noir et blanc. ISBN : 2-07-075426-X, 195 F. (Bibliothèque des histoires). Fruit « d'innombrables lectures et rencontres (qui) ont peu c livre à peu, du au Professeur fil des longues Roland années, Recht contribué est constitué à sagenèse de nom¬ », breuses réflexions et observations sur les œuvres de l'art gothique. Le sous-titre, L'art des cathédrales , risque de dérou ter quelque peu le lecteur, car il ne s'agit pas que des cathédrales ni d'une histoire de l'art dans le sens traditionnel, ni même d'un manuel. Roland Recht discute plutôt de l'art gothique, vu à travers de multiples œuvres, cathédrales bien sûr, mais aussi monuments funéraires, images de dévotion, reliquaires ou peintures. Comment résumer un tel ensemble, rempli de considé¬ rations diverses, de remarques pertinentes, de phrases bien venues, d'opinions parfois très affirmées ? En dépit de la présentation en deux parties et en six chapitres, les fils conduc teurs se dessinent comme des arabesques tissées dans une tapisserie très dense. Les fils de chaîne, pour continuer la comparaison, en sont matérialisés par les œuvres ellesmêmes, que Roland Recht analyse en excellent historien de l'art et qui sont à la fois la source et l'illustration des thèmes abordés. Tout n'est pas nouveau dans ce travail complexe, certains chapitres développent des articles antérieurs de l'au teur, d'autres reprenant des sujets maintes fois abordés. Il faut se laisser prendre par le charme de la tapisserie et suivre ses avec méandres, les œuvres. comme dans un dialogue avec les artistes et La première partie, De la mécanique romancée à la cathédrale de lumière , évoque ainsi, de mon point de vue, des conversa¬ tions et des séminaires, que nous eûmes les uns et les autres avec Louis Grodecki dans l'après-guerre des années 1960. Erwin étaient Panofsky, alors des maîtres Oto von auréolés Simson, d'une Richard dimension Krautheimer interna¬ tionale, qui éclipsait les traditions de l'iconographie et du style transmises en France par Émile Mâle et Focillon. Roland à aux miers la sources fois érudits Recht sur du l'art de dissèque XIXe l'école en général siècle, les de courants Vienne. au et rationalisme sur l'art Il qui cherche ont gothique. gothique, agité à démontrer les Ilthéories, remonte aux p à aux miers la sources fois érudits Recht sur du l'art de dissèque XIXe l'école en général siècle, les de courants Vienne. au et rationalisme sur l'art Il qui cherche ont gothique. gothique, agité à démontrer les Ilthéories, remonte aux pre¬ à quel point les théories successives ont pu orienter, voire déformer, la vision contemporaine que nous avons des œuvres médiévales. Il tente aussi de redéfinir ce que nous entendons par gothique. La définition est formulée beaucoup plus loin, dans la conclusion : « L'art gothique , c'est d'abord une abondante profusion d'images qui font de l'architecture leur support. Mais l'architecture elle-même est traitée comme une image : elle sollicite l'attention de manière continue, est forme renvoyant à l'autre selon un jeu de relations, ne lais¬ sant à l'œil humain aucun repos » (p. 394). Voici déjà un des fils conducteurs démêlé. Il est récurrent et sous-tend tout le livre : comment concilier cette « profu sion d'images » et la notion d'un style, qui se développe pen¬ dant plus de trois siècles ? Il est évident que l'art gothique ne se limite pas à l'architecture des cathédrales. Qu'est-ce donc qui unit tant d'œuvres différentes au sein d'un même style ? C'est une des questions majeures de l'ouvrage et, dès lors, il importe peu que Roland Recht passe en revue ou non tous les domaines qui ont enrichi la discipline, notamment à par¬ tir de l'archéologie et des nouveaux procédés scientifiques d'analyse : ce n'est pas le but du livre. La seconde partie, Introduction à l'art des cathédrales , suit un cheminement d'apparence plus traditionnelle, si l'on s'en tient à la succession des chapitres : circonstances historiques, architecture, sculpture, sources d'inspiration et méthodes de travail. Mais chaque chapitre sélectionne des thèmes qui ont retenu l'attention de l'auteur. Ainsi le chapitre « historique » met l'accent sur l'importance grandissante de l'eucharistie et sur le besoin, nouveau à l'époque gothique, de voir l'hostie, sur le rôle de saint François d'Assise et des franciscains, qui incluent toutes les créatures dans la glorification divine, sur les reliquaires qui acquièrent la transparence, sur les recherches physiques concernant la vue. Ces thèmes ont pour but de montrer le goût pour les choses visibles, qui ne dissimulent pas l'invisible, mais qui permettent de s'élever vers thenticité. la vérité invisible, celle de Dieu, et qui en attestent l'au¬ Autre fil conducteur, l'œuvre d'art gothique est bidimensionnelle, faite pour être vue frontalement et dans un emplacement déterminé. Seul, l'espace intérieur des églises donne une notion de profondeur, qui est axée sur et limitée à l'autel majeur. Il y a aussi une hiérarchie cosmique du bas vers le haut, de la terre au ciel, et le verticalisme de l'archi¬ tecture gothique « ne résulte pas d'un goût exclusif pour la prouesse technique » (p. 398). L'ordonnance et la symétrie des décors sur les façades sont des moyens mnémoniques pour construction rappeler des les œuvres sujets est essentiels souvent de constituée l'histoire d'éléments du salut. La et de motifs qui peuvent être additionnés, juxtaposés ou com¬ binés de diverses manières. Ces façons de travailler, en utili¬ sant des modèles et des cartons, font se demander dans quelle mesure l'artiste intervient dans le processus de créa¬ tion. Pour Roland Recht, son génie est reconnu au Moyen Âge, lorsque son œuvre est « capable de faire naître, chez les fidèles, une dévotion précise » (p. 268), mais il reste jusqu'à la fin l'interprète d'une tradition, dont le poids finalement conditionne en grande partie le style. Roland Recht est ainsi conduit à s'interroger sur ce qu'il appelle le principe de réalité , que les spécialistes décrivent souvent comme une évolution vers le naturalisme gothique. Il écrit de très belles pages sur la contradiction apparente entre l'individualisation des visages, de plus en plus expressifs, et la tendance à l'abstraction des drapés. La vision bidimensionnelle et le respect d'une typologie traditionnelle expli queraient assez bien l'impression d'étrangeté que le spec tateur d'aujourd'hui ressent devant certaines œuvres du Moyen Âge finissant, Pietas emplies de douleur par exemple, qui incitent le dévot à la contemplation et qui cependant, dans leurs corps et dans leurs vêtements, ne montrent aucune recherche d'observation précise. À qui étaient destinées les œuvres d'art, de l'image de cupe dévotion Roland à la Recht. cathédrale Pour ? lui, C'est le public encore était un sujet restreint quiet préoc¬ cr respondait à une élite, aussi bien chez les laïques que dans le clergé. Ce sujet l'entraîne dans la question, non seulement de la fonction de l'œuvre d'art, mais aussi de la position sociale des commanditaires et des artistes, de la transmission du savoir, de l'organisation des chantiers et des ateliers et même, au XVe siècle, du marché de l'art. Ces quelques thèmes ne donnent qu'un aperçu du contenu du livre. Il y a aussi l'analyse de nombreuses œuvres et des observations pleines de sensibilité, notamment sur la cathédrale de Sens, sur la sculpture de Reims, sur l'art de Van Eyck ou encore sur l'effet des vitraux dans l'architec¬ ture. On peut ne pas être toujours en accord avec ce qu'af¬ firme l'auteur, c'est secondaire. Le livre est stimulant, rempli de remarques et de points de vue personnels. Un regret : la médiocrité des illustrations ; le texte méritait un effort de la part de l'éditeur. Peut-être convient-il d'ajouter que cet ou¬ vrage à des amateurs ne paraît éclairés. pas être destiné à des débutants, il s'adresse Peut-être convient-il d'ajouter que cet ou¬ vrage à des amateurs ne paraît éclairés. pas être destiné à des débutants, il s'adresse Anne Prache. uploads/s3/ l-x27-art-des-cathedrales-xiie-xve-siecles-1999.pdf
Documents similaires










-
39
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 11, 2022
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0839MB