ART ET SOCIÉTÉ Author(s): Antonio Candido Source: Cahiers Internationaux de Soc

ART ET SOCIÉTÉ Author(s): Antonio Candido Source: Cahiers Internationaux de Sociologie, NOUVELLE SÉRIE, Vol. 37 (Juillet-Décembre 1964), pp. 131-147 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40689272 . Accessed: 12/06/2014 23:51 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Cahiers Internationaux de Sociologie. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.108.147 on Thu, 12 Jun 2014 23:51:01 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions ART ET SOCIÉTÉ par Antonio Candido Nous n'avons pas l'intention d'apporter une contribution origi- nale à la sociologie de l'art ; nous ne nous proposons que d'attirer l'attention sur les aspects sociaux les plus apparents de la vie artistique. Et puisque notre expérience est surtout littéraire, nous envisagerons, en parlant de l'art, surtout l'art littéraire qui est, en quelque manière, le moins « artistique » des arts. Du siècle dernier à nos jours, ce genre d'études s'est peu déve- loppé, et toujours de façon très incomplète ; ceci est dû à l'absence d'un système cohérent de références, c'est-à-dire d'un assemblage de formulations et de concepts permettant de limiter objective- ment le domaine de l'analyse, pour échapper le plus possible à l'arbitraire des points de vue. Il n'est donc pas étonnant que l'application des considérations sociologiques à l'étude de l'art ait eu des conséquences souvent douteuses, qui ont soulevé des pro- blèmes méthodologiques souvent délicats. En effet, abusés par leurs tendances impérialistes, des socio- logues et même des psychologues ont cru à certains moments pouvoir expliquer le phénomène artistique dans son intégrité. Des problèmes qui avaient défié des générations de philosophes et de critiques ont tout d'un coup paru faciles à résoudre à certains esprits possédant une orientation sociologique ou psychologique, ce qui bien des fois porta le discrédit sur ces disciplines en tant qu'instruments d'interprétation. Rappelons-nous les fameuses simplifications qui aboutirent à des formules telles que : « Donnez- moi le milieu et la race, je vous donnerai l'œuvre » ; ou bien : « Puisque talent et génie sont des formes spéciales de déséquilibre, l'œuvre constitue essentiellement un symptôme ». Et ainsi de suite. A ce propos, et pour éviter des malentendus, je citerai un passage de Sainte-Beuve qui me semble exprimer exactement les relations entre l'artiste et le milieu : « Le poète n'est pas une résultante ni même un simple foyer réflecteur ; il a son miroir à lui, sa monade individuelle et unique. Il a son nœud et son organe à travers lequel tout ce qui passe se transforme et qui, en ren- voyant, combine et crée » (1). De nos jours, le premier soin sera donc de délimiter les diffé- rents domaines et de montrer que la sociologie n'est ici qu'une (1) Apud René Bad y, Introduction à V étude de la littérature française, Editions de la Librairie de l'Université, Fribourg, 1943, p. 31. - 131 - This content downloaded from 195.78.108.147 on Thu, 12 Jun 2014 23:51:01 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions ANTONIO CANDIDO discipline auxiliaire ; elle ne prétend pas expliquer le phénomène artistique, mais seulement éclairer quelques-uns de ses aspects. A l'égard d'un grand nombre de faits artistiques, l'analyse socio- logique est inefficace, et ne pourrait que désorienter leur inter- prétation ; pour d'autres, elle peut être utile ; pour une troisième catégorie, enfin, elle est indispensable. Nous ne nous occuperons que de ce dernier aspect. Une première question vient alors à l'esprit : quelle est l'in- fluence exercée par un cadre social sur l'œuvre d'art ? Question qui doit être immédiatement complétée par cette autre : quelle est l'influence exercée par l'œuvre d'art sur le cadre social où elle surgit ? Ce n'est que de cette façon que nous pourrons nous appro- cher d'une interprétation dialectique, dépassant le caractère méca- niste des interprétations souvent mises en avant. Quelques-unes des tendances les plus importantes de l'esthétique moderne consis- tent à rechercher comment l'œuvre d'art modèle son milieu, crée son public ; quelles sont ses voies de pénétration, agissant en sens inverse des influences externes. Cette préoccupation est visible dans l'œuvre esthétique de Malraux, ainsi que dans les travaux récents d'Etienne Souriau et Mikel Dufrenne (1). Nous insisterons pourtant sur le premier aspect - sans toutefois négliger entiè- rement le second ; et nous nous demanderons quelles sont les influences effectives des cadres sociaux sur l'œuvre d'art. A ce point de vue, il existe deux réponses traditionnelles, parfois fécondes, mais qui doivent être rejetées dès le début dans une étude comme celle-ci. La première consiste à étudier dans quelle mesure l'art est l'expression de la société, des classes sociales et des groupes ; la deuxième, dans quelle mesure l'art est social, c'est-à-dire, comprend en lui-même un aspect collectif. Dire que l'art exprime l'existence des unités collectives fait aujourd'hui l'effet d'un truisme ; mais cette constatation, qui a représenté une nou- veauté dans le passé, fut une découverte considérable, historique- ment parlant. Pour ce qui est de la littérature, ce point de vue s'ébaucha pendant le xvine siècle, au moment où des philosophes tels que Vico, Voltaire ou Herder pressentirent les corrélations de l'œuvre littéraire, le premier avec l'ensemble des œuvres de civilisation, le second avec les institutions, le troisième avec les nations. Ce fut peut-être Mme de Staël qui, en France, fut la première à formuler et à ébaucher d'une façon systématique cette vérité que la littérature est un produit social, lié aux conditions socio-culturelles où elle surgit et agit (2). Mais on ne quittait pas ces considérations d'ordre général - plus utiles pour établir des (1) André Malraux, Les voix du silence, Gallimard, Paris, 1951 ; Etienne Souriau, L'art et la vie sociale Cahiers Internationaux de Sociologie, V, 1948, p. 66-96 ; Mikel Dufrenne, Pour une sociologie du public, Ibid., VI, 1949, p. 101-112 ; Id., Phénoménologie de V expérience esthétique, 2 vol., Presses Uni- versitaires de France, 1953, surtout le vol. I, chap. 3, p. 81-110. fC' ' TT - - _ - - -a ** - mmr* a m jt *i am «a .a W-«. *n ~-«l *<■ A Wh X WA TfcÄ* w'a Ä iJ A C? 4 J-k V 1 A. 4> mam «MkX >J JCa.amma«« w»m. '6) vuir un expuse ues rappuns enne îviiiie ue ouaei et sea pieueuesseurs allemands in Mary M. Golum, From Thèse Roots, The Ideas that have made Modern Literature, Columbia University Press, N.Y., 1944. 132 This content downloaded from 195.78.108.147 on Thu, 12 Jun 2014 23:51:01 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions ART ET SOCIÉTÉ panoramas que pour l'étude des faits concrets - même lorsque Taine introduisit la notion plus flexible et plus riche de moment pour compléter celles de milieu et de race dont parlaient les écrits antérieurs (1). Dans la pratique, cela menait à l'attitude peu féconde qui essayait de voir dans quelle mesure certaine forme d'art ou une œuvre déterminée expriment la réalité sociale. Nous sommes donc en présence d'analyses bien superficielles qui tentaient d'expliquer socialement l'art par la mesure où celui-ci décrit les manières de vivre ou les intérêts de telle classe ou de tel groupe - vérité épidermique, peu satisfaisante en tant qu'explication. La deuxième tendance consistait à étudier le contenu social des œuvres, en prenant pour base, généralement, des critères moraux ou politiques courants, ce qui revient pratiquement à affirmer ou à sous-entendre que l'art doit avoir un contenu de ce genre, et que ceci mesure sa valeur. C'est, on le voit, plutôt une affirmation de principes qu'une hypothèse de recherche ; on y retrouve, sous les vêtements de la sociologie ou de la philosophie du xixe siècle, la vieille tendance dogmatique qui amenait Bossuet à proscrire le théâtre ; tendance qui aujourd'hui rassemble frater- nellement les marxistes les plus sectaires et les catholiques les plus rigides, dans la condamnation d'œuvres qui ne correspondent pas aux valeurs qu'exaltent leurs idéologies respectives. La for- mulation la plus fameuse de cette manière de voir, et sans doute la plus cohérente dans son radicalisme, se trouve dans une étude célèbre où Tolstoï, condamne sans appel les œuvres d'art qui ne lui paraissent pas apporter un message moral conforme à l'anar- chisme mystique de sa vieillesse (2). Pour le sociologue moderne, ces deux tendances ont eu le mérite de montrer que l'art est social dans deux sens : a) II dépend de l'action des cadres sociaux qui s'expriment dans l'œuvre d'art à des degrés différents de sublimation ; b) Et il produit sur les sujets individuels aussi bien que collectifs un effet pratique, en modifiant leur conduite et leur conception du monde, ou en ren- forçant chez eux le sentiment uploads/s3/ candido-art-et-socie-te-pdf.pdf

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