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La Casbah d’Alger et son patrimoine immatériel « Vous croyez sans doute comme tout le monde que la Casbah est un quartier ? Eh ben non, la Casbah n’est pas un quartier, c’est un état d’esprit. C’est la conscience endormie de la civilisation » Jacques Ferrandez Entre savoir-faire et savoir-être, les Casbadji préservent, jusqu’à présent, leur héritage culturel. Artisanat, tenue traditionnelle, cuisine raffinée, musique chaâbi, miniature, calligraphie et buqala sont autant d’éléments qui attestent de la richesse plurielle du patrimoine culturel de la citadelle. L’artisanat ou le savoir vivre des Casbadji La Casbah est une cité d’artisanat. Utilitaires et/ou décoratifs, art de la table, ameublement, habillement ou bijou font valoir la richesse de l’artisanat algérois. Dans la médina, le métier d’artisan est avant tout un savoir-faire imprégné de riches traditions millénaires qui se perpétuent de génération en génération. Jadis, les ruelles étaient rythmées au son des marteaux et des râpes et vivaient grâce aux artisans regroupés en corporations par ruelle sous l’autorité du caïd al-bilad (le commissaire de la ville). On trouve jusqu’à présent zenkat nedjârin (la rue des ébénistes), zenkat n’hassin (la rue des dinandiers), zenkat siyyaghin (la rue des orfèvres) ou encore zenkat attârin (la rue des parfumeurs). Essence de l’identité collective, l’artisanat continue de garder ses lettres de noblesse malgré la dominance de l’industrie moderne et le manque de matières premières. La tulipe, le jasmin, l’arabesque et les formes géométriques sont les motifs d’ornements les plus significatifs. La dinanderie Considérée comme la doyenne de tous les métiers d’artisanat de la Casbah, la dinanderie est étroitement liée au quotidien des Algérois. Au-delà de son aspect décoratif, l’ustensile en cuivre est porteur de souvenirs pour chaque foyer. Avec des gestes réfléchis, le dinandier manie ses plaques de cuivre rouge ou jaune pour fabriquer méticuleusement ses objets d’art. Finement ciselés de motifs floraux et géométriques, les cuisines et les salons de la Casbah comptent différents artefacts : al-mahbess : récipient pour mettre le makrout al-mbakhra : encensoir pour bruler le benjoin ou l’ambre gris. al-merhrez : mortier pour broyer l’ail et les épices. al-sniwa : plateau en cuivre de forme circulaire ou rectangulaire et où on sert les plats. al-tassa al-hammam : bol pour le hammam tabsi lâchawat : grand plat où l’on sert le couscous. L’ébénisterie C’est l’un des piliers de l’artisanat casbadji. Pour maîtriser la finesse de chaque détail, le menuisier-ébéniste exécute son savoir-faire sur le chêne, le noyer et le hêtre. Après avoir bien nourri le bois, l’artisan procède à la sculpture minutieuse dans un style néo-mauresque. À la Casbah, l’ébéniste fabrique particulièrement : Sendouk : coffre dans lequel les femmes gardaient leur trousseau de futures mariées. Eddouh : berceau traditionnel qui doit être en bois blanc et rouge car, selon la croyance populaire, ces deux couleurs procureraient la longévité. Rechicqa : patère pour maintenir le rideau. Moucharabys : balcons ou grillages conçus devant les fenêtres pour apporter plus d’intimité à l’espace féminin. Essetra : paravent traditionnel imprimé dans un style néo-mauresque. La maroquinerie Les ateliers de la Casbah créent et confectionnent des chaussures, des ceintures, des bracelets, des sacs, des sacoches et même des articles de boxe. Les objets de maroquinerie sont créés principalement avec de la basane pour garantir la qualité du produit. Leur confection est souvent manuelle. Le portefeuille décoré d’un symbole algérien est l’accessoire le plus fabriqué dans ces ateliers, tout comme les sacoches et les babouches. Patrimoine vestimentaire Partie intégrante du patrimoine culturel algérien, les tenues algéroises racontent la personnalité de nass al- Casbah (1). Jusqu’à un passé récent, les femmes portaient habituellement le haïk et les hommes, le Shanghaï. Pour les grandes occasions, la tenue algéroise se distingue par l’élégance de sa broderie et la qualité de sa matière première. Le haïk Le haïk est une étoffe rectangulaire de couleur blanche en écru de laine ou de soie qui recouvre l’intégralité du corps. Il est accompagné de l’adjar, sorte de voilette blanche en dentelle. De l’arabe hâka signifiant « tisser », ce voile blanc est porté pour la première fois vers 1792. À l’époque coloniale, la femme drapée dans son haïk a été exploitée à des fins de représentation exotique. C’est, en effet, une image que l’on trouve sur plusieurs cartes postales et timbres français. Pendant la guerre d’Algérie, porter le haïk se transforme en un acte de résistance contre l’occupation française. Dans son ouvrage Sociologie d’une révolution, Frantz Fanon analyse l’enjeu de la colonisation par l’occidentalisation de la femme algérienne et montre comment, plus qu’une tradition vestimentaire, le haïk traduit la détermination de la femme algérienne à vouloir préserver fièrement son identité Farid Benyaa, Le Voile Le Shanghaï Le bleu de Shanghaï, le bleu de Chine, le bleu de Marseille, le jean méditerranéen ou tout simplement at- Shanghaï sont autant de nom qui évoquent la silhouette indigo parcourant les venelles de la Casbah. Bien qu’il soit d’origine chinoise, il fut introduit dans la Casbah entre les deux guerres mondiales par les dockers du port d’Alger (2). On raconte que les marins chinois, venus du port de Shanghaï, échangeaient leurs tenues pour des denrées algériennes. Dès son introduction à Alger, les hommes l’ont aussitôt adopté, du fait de son côté pratique et confortable. Avec sa veste à boutonnière, le maître du chaâbi, Amar Ezzahi devient l’égérie du at- Shanghaï. Farid Benyaa, Tradition Le karakou Remontant à la ghlila (3) ottomane et influencé par la culture vestimentaire berbéro-andalouse, le karakou est la tenue algéroise de prestige. Il est composé d’une veste cintrée en velours et entièrement décorée de broderie en fil d’or appelé al-majboud ou al-fetla etd’un serouel chelka (pantalon accompagné d’une fente des deux côtés) ou d’un serouel medaour (pantalon bouffant). Il fut d’abord porté par l’aristocratie algéroise avant de se répandre dans toutes les strates de la société. Par ailleurs, cette tenue patrimoniale sera intégrée dans l’univers de la haute couture grâce à Yves Saint Laurent, natif d’Algérie. De nos jours, le karakou désigne uniquement la veste cintrée. Pour plus d’aisance, les femmes préfèrent le porter avec un pantalon classique. Farid Benyaa, Le Karakou Le tarbouche Aussi appelé « fez ottoman », chachiyat stamboul ou al-tarbouche, cette coiffe en forme de cône tronqué en velours rouge avec un gland noir fixé sur le dessus est portée par les hommes depuis des siècles dans l’ensemble du pourtour méditerranéen (4). Il est composé de deux mots : sar c’est-à-dire tête, et pus désignant le verbe « couvrir ». Ainsi, le tarbouche signifie littéralement « couvrir la tête ». Ces dernières années, les stylistes algériens l’ont introduit comme accessoire pour le karakou que les femmes peuvent porter à la place du khit errouh (diadème algérois) ou de la m’harma (foulard à frange en soie ou en satin). La cuisine casbadji Plus que des plats du terroir, la cuisine casbadji constitue l’un des piliers du patrimoine culinaire maghrébin. Céréales, légumineuses, agrumes, huile d’olive, épices et fruits secs sont parmi les ingrédients emblématiques de la cuisine de l’ancienne médina. Avec ses différentes saveurs succulentes, la cuisine algéroise fournit un large éventail de mets salés et sucrés ainsi qu’une offre de gâteaux variés à base d’amandes et de miel et parfumés à la fleur d’oranger ou à l’eau de rose. Pour se mettre en appétit, on commence par servir al-hmisse, une salade composée de tomates et de poivrons grillés puis pilés dans le mahrez et servie avec de l’huile d’olive et du pain traditionnel. Après l’entrée, c’est le tour de la chorba, l’inéluctable soupe ramenée par les janissaires au XVIe siècle. Vient ensuite le plat principal. Le m’tewem, à base de boulettes de viande hachée,est l’un des plats les plus appréciés dans la cité. En outre, la cuisine casbadji recèle d’astuces culinaires dont al-akda : mélange d’œuf, citron et persil qui donne ce goût acidulé et onctueux aux plats algérois. Al-darsa est également populaire : facile à préparer, c’est un mélange d’épices et de tomates que l’on réduit en purée et d’ail. Les sardines à la darsa sont, par ailleurs, renommées à la Casbah. La pâtisserie À l’image de sa citadelle, la pâtisserie algéroise est pétrie de riches influences. Gâteaux mielleux ou gâteaux secs, un choix varié s’offre au goût de chacun. Les formes de ces délicieuses douceurs sont porteuses de symboles visuels tels que le croissant de lune pour accueillir l’Aïd. La tradition exige que l’on prépare certaines pâtes spongieuses qui, selon la superstition, ont le pouvoir de faire perdurer les bonnes nouvelles et l’harmonie au sein des foyers. C’est le cas du sfenj, un beignet traditionnel que l’on retrouve dans tout le Maghreb et qui se partage entre voisins et amis. Makrout al-louz, dziriette, knidlette et m’khabez sont parmi les gâteaux qui égaient les tables algéroises. Makrout al-luz En forme de losange et fort présent dans les grandes cérémonies, le makrout al-luzse prépare principalementavec de la poudre d’amande, du zeste de citron, des œufs et de l’eau de fleur d’oranger, le tout enrobé de sucre glace. Qalb al-luz Originaire de Constantine et de dénomination algéroise, qalb al-luz est l’une des pâtisseries les plus appréciées uploads/s3/ la-casbah-d.pdf

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