Université de Montréal Une sagesse qui ne vient jamais : esthétique, politique

Université de Montréal Une sagesse qui ne vient jamais : esthétique, politique et personnalité dans l’œuvre de Guy Debord par Alexandre Trudel Département de littérature comparée Faculté des arts et sciences Thèse présentée à la Faculté des arts et des sciences en vue de l’obtention du grade de Philosophiæ Doctor (Ph.D) en littérature option littérature et cinéma Décembre 2010 © Alexandre Trudel, 2010 ii Université de Montréal Faculté des arts et des sciences Cette thèse intitulée : Une sagesse qui ne vient jamais : esthétique, politique et personnalité dans l’œuvre de Guy Debord présentée par : Alexandre Trudel a été évaluée par un jury composé des personnes suivantes : Amaryll Chanady, présidente-rapporteur Terry Cochran, directeur de recherche Maxime Prévost, membre du jury Jean-Marie Apostolidès, examinateur externe Gilles Dupuis, représentant du doyen de la faculté iii Résumé Cette thèse se propose de réévaluer l’œuvre de Guy Debord en privilégiant la lecture de ses autoportraits littéraires et cinématographiques. Cette recherche favorise une réception de Debord mettant en lumière l’importance de l’écriture de soi dans l’ensemble de sa production. L’inscription de soi, chez Debord, passe en effet par la création d’une légende. L’introduction démontre comment la trajectoire singulière de Debord témoigne d’un brouillage entre les frontières traditionnelles séparant l’esthétique et le politique. Elle explore les moyens pris par Debord afin de redéfinir le statut de l’artiste et la fonction de l’écriture dans le cadre d’une transformation d’une vie quotidienne. Dans ce cadre, la production artistique se subordonne entièrement au caractère de Debord, une personnalité qui se manifeste d’abord à travers la création d’un Grand style qui lui est propre. En célébrant le primat du vécu sur l’œuvre, la manœuvre de Debord s’inscrit dans la tradition moderniste de l’art. Le chapitre II montre comment Debord souhaita participer à l’entreprise de politisation de l’esthétique qui définit l’action des avant- gardes historiques. On y explique notamment comment l’œuvre de Debord s’est construite à partir des ruines du surréalisme. Pour se distinguer de ses ancêtres, le mouvement situationniste rejeta cependant l’esthétique surréaliste du rêve au profit d’une nouvelle poétique de l’ivresse se basant sur la dérive et sur l’intensification du moi. La dernière section de ce chapitre se consacre à la question de la création d’un mythe moderne, volonté partagée par les deux groupes. iv La troisième partie de cette thèse traite spécifiquement de la construction mythologique de Debord. Ce chapitre situe le projet mémorialiste de Debord dans la tradition littéraire française de l’écriture du moi. Il explore ensuite l’économie des sources classiques de Debord, en soulignant l’importance chez lui d’une éthique aristocratique issue du Grand siècle, éthique qui met de l’avant la distinction individuelle. Enfin, l’importance de la mentalité baroque est abordée conjointement à la question primordiale de la stratégie et de la manipulation. Le quatrième chapitre aborde la question de l’identification. Quand Debord décide de parler de sa vie, il le fait toujours en employant des éléments qui lui sont extérieurs : des « détournements ». Son « mode d’emploi » des détournements est défini dans la perspective d’un dévoilement de soi. On explore par la suite la question de l’imaginaire politique de Debord, imaginaire qui convoque sans cesse des représentations issues du XIXe siècle (classes dangereuses, conspirateur, bohème). Ce dernier chapitre se termine sur un essai d’interprétation approfondissant l’utilisation répétée de certaines figures criminelles, notamment Lacenaire. On mettra de l’avant la fonction centrale qu’occupent le crime et la transgression dans la sensibilité de Debord. Mots-clés : Guy Debord, autobiographie, grand style, avant-garde, mythe, baroque, stratégie, identification, conspiration, transgression. v Abstract This thesis offers a critical reappraisal of the work of Guy Debord through a close study of his literary and cinematographic self-portraits. The research offers a reading of Debord that sheds light on the author’s attempts at a “writing of the self”. Such writing, according to Debord, is intimately connected to the creation of a legend. The introduction shows how Debord’s unique trajectory blurs the traditional boundaries that divide aesthetics and politics. It explores the various means through which Debord attempts to redefine the status of the artist and the function of writing through a transformation of everyday life. In this context, artistic production becomes entirely subservient to Debord’s character, to his singular personality that manifests itself through the creation of a “Grand style”. By emphasizing the importance of lived experience over that of the work itself, Debord’s maneuvers are entirely within the modernist tradition. Indeed, chapter II shows how Debord attempts to participate to the politicization of aesthetics, a project that is also central to that of the historical avant-garde. Special emphasis is placed on how Debord’s work was constructed on the ruins of surrealism. To distinguish himself from his immediate predecessors, the Situationist movement substituted the Surrealist infatuation with dream states with a poetics of intoxication based on dérive (urban drifting) and on the intensification of the self. The last section of this chapter explores how both Surrealism and Situationism attempted to create modern forms of myths. vi Chapter III deals specifically with the mythological construction of Debord’s character. It situates Debord’s late memorialist project in a distinct French tradition of the “writing of the self”. It also explores the economy of Debord’s classical sources, underlying his fascination with the aristocratic ethics of the “Grand Siècle”. Finally, the question of the baroque worldview is analyzed in relation to Debord’s various strategies of manipulation. Chapter IV considers the question of identification. Whenever Debord speaks of his life, he only ever does so by using external elements, through the “détournement” of various literary and popular sources. We look specifically how such “détournements” participated to a complex revealing of the self. We then explore the question of Debord’s political imaginary, which constantly conjures up images from the nineteenth century (the so-called “dangerous classes”, conspirators, bohemians). This last chapter concludes with an interpretative analysis of Debord’s recurring allusions to well-known criminal figures (such as Lacenaire) in his work, in order to explain the preeminent function that crime and transgression play in the author’s sensibility. Keywords : Guy Debord, autobiography, grand style, avant-garde, myth, baroque, strategy, identification, conspiration, transgression vii Table des matières Résumé.........................................................................................................................iii Abstract .........................................................................................................................v Table des matières.......................................................................................................vii Liste des abréviations...................................................................................................ix Remerciements............................................................................................................xii 1. Chapitre I : Introduction ........................................................................................1 1.1. Signification de Debord aujourd’hui..............................................................1 1.2. Le problème de la division de l’œuvre.........................................................13 1.3. L’œuvre comme potlatch..............................................................................23 1.4. L’écriture et la vie ........................................................................................37 1.5. Le Grand style ..............................................................................................49 2. Chapitre II Héritages de l’avant-garde : l’art comme machine de guerre .........66 2.1. Enjeux d’une théorie des avant-gardes.........................................................71 2.2. Sur la « politisation de l’art ».......................................................................78 2.3. Images, terreur, choc ....................................................................................88 2.4. Du rêve à l’ivresse : immédiateté et représentation ...................................100 2.5. Avant-garde et mythe moderne ..................................................................120 3. Chapitre III Les sources classiques d’une révolution du sujet...........................142 3.1. Évolution dans l’écriture du moi................................................................146 3.2. Les Mémoires : genre et stratégie discursive .............................................159 3.3. Gloire, héroïsme, vengeance. .....................................................................178 viii 3.4. Personnalité et pouvoir : la souveraineté baroque .....................................211 3.5. Un art de la manipulation............................................................................231 4. Chapitre IV Crime et politique...........................................................................245 4.1. Identification, détournement et personnalité...............................................246 4.2. Le lettrisme et la jeunesse criminelle..........................................................268 4.3. Conspirateurs et classes dangereuses au XIXe siècle..................................274 4.4. Le crime comme allégorie ..........................................................................290 4.5. Sous le masque de Lacenaire, le véritable visage de Debord .....................301 5. Conclusion L’œuvre de Debord au carrefour de l’imaginaire contemporain ...321 5.1. La construction du moi dans la société spectaculaire................................325 5.2. Néobaroque et anachronisme......................................................................336 Bibliographie .............................................................................................................351 ix Liste des abréviations Puisque presque toutes les citations de Guy Debord proviennent de l’édition des Œuvres parue en 2006 (dans la collection « Quarto » de Gallimard), nous avons établi une liste de sigles qui permettront au lecteur d’identifier l’œuvre précise dans laquelle une citation est prise. Ces abréviations s’appliquent seulement aux œuvres majeures, livres ou scénarios. Sont exclus du système de nombreux textes souvent importants : manifestes, articles, lettres, notes, préfaces, etc. Ces diverses sources seront identifiées, au besoin, dans le corps même du texte, tandis que les abréviations suivantes seront intégrées dans les références mises entre parenthèses. Œuvres de Guy Debord : Hurlements en faveur de Sade [1952] : HFS Rapport sur la construction des situations [1957] : RCS Mémoires [1958] : MEM. Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps [1959] : PQP Critique de la séparation [1961] : CdS La Société du spectacle [1967] : SdS La Véritable scission dans l’Internationale [1972] : VSI In girum imus nocte et consumimur igni [1978] : IGI Considérations sur l’assassinat de Gérard Lebovici [1985] : CAG Commentaires sur la société du spectacle [1988] : CSS Panégyrique, tome premier [1989] : PAN.1 x Panégyrique, tome second [1990] : PAN.2 “Cette mauvaise réputation…” [1993] : CMR Guy Debord, son art, son temps [1994] : GDA Autres abréviations : Internationale lettriste I.L. Internationale situationniste I.S xi À la mémoire de Marguerite Lalonde Trudel (1916-1993) xii Remerciements Je tiens d’abord à remercier Terry Cochran, qui a si bien su m’accompagner dans ce long voyage que fut l’élaboration de ce travail. C’est beaucoup grâce à ses multiples lectures, suggestions, recommandations et corrections que, uploads/s3/ la-sagesse-qui-ne-vient-jamais-guy-debord 1 .pdf

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