1 L’ART MUSULMAN UN LANGAGE ET UNE EXPRESSION DE LA FOI Par le Dr. Dalil BOUBAK

1 L’ART MUSULMAN UN LANGAGE ET UNE EXPRESSION DE LA FOI Par le Dr. Dalil BOUBAKEUR Recteur de l’Institut Musulman de la Grande Mosquée de Paris Pour rester conforme aux principes de l’Islam, l’art musulman, qu’il soit décoratif, profane ou religieux, présente dans ses règles classiques une esthétique qui se veut éloignée de toute représentation figurée de l’être humain ou des êtres vivants dans la nature. Coran 5-92 : "Ô croyants le vin, les idoles et les flèches divinatoires sont une abomination éloignez-vous en !" Par ailleurs, en détruisant les idoles et images dans le temple de la Kaaba où il entra en 630, le Prophète (SAWS) déclara : "Les Anges n'entrent pas dans un temple où il y a des images (tamathil)". Cet interdit a pour cause le refus d'imiter Dieu Seul Créateur des êtres animés, surtout les statues qui "portent de l'ombre". L'art musulman résulte de l'influence de la théologie et de la philosophie religieuses sur la technique des divers artistes. Né essentiellement de préoccupation religieuses, l'art musulman créé véritablement une Nouvelle esthétique. Les sources d’inspiration historique sont Byzance, (Constantinople) dont l’empire est progressivement occupé par les musulmans puis, dans un deuxième temps l’Inde (XIII ème siècle) et enfin la Perse (Chiraz, Tabriz, art de l’enluminure) à partir du XIVème siècle. Mais des influences syriaques, chaldéennes, indiennes, égyptiennes, chinoises ou mongoles vont, selon les régions du monde musulman manifester leur empreinte. Par ailleurs partant du constat qu'il n'y a dans la Nature de science ni de beauté que du général, l'esthétique musulmane dans les formes figurées ne sera jamais qu'une esthétique du concept, une expression des idées-forces qui ont fortifié la foi et la civilisation de l'Islam, faisant de l'art musulman une profonde révolution esthétique. C’est aux XVII ème siècle en Inde que l’empereur mongol AKBAR (mort en 1605) lui-même peintre lève l’interdit concernant la représentation figurée. Vont apparaître alors des portraits et des ébauches stylisées de personnages parfois stéréotypés. L’artiste musulman ne veut pas imiter les êtres créés par Dieu seul, et ne pourra sculpter des statues dont l’édification pourrait rappeler les idoles détruites dans le temple de la Kaaba en 630 par le Prophète de l’Islam. Ainsi à partir du XVII° siècle l'esthétique en pays d'Islam cessera d'être un "art vraiment musulman" qui restera avant tout un art de représentation et d'expression de la foi islamique. Les caractéristiques de l’art islamique sont : 2 1 – traduire le message et les valeurs du Coran : universel, cosmique, permanent. Le caractère éminemment abstrait de l’art musulman se veut spiritualiste par l’harmonie des lignes et la beauté des formes. Le refus d'imiter les apparences sensibles caractérise tout uniment l'art musulman et l'art abstrait contemporain. 2 – il assure une fonction inductive de la foi vers la prière, l’absolu et la méditation sur l’infini. La répétition des motifs géométriques et des entrelacs doit captiver l’attention et susciter l’admiration du spectateur et entraîner comme par un « Dhikr » (1) cadencé vers une vibration de l’âme syntone à l’inspiration de l’artiste. N'oublions pas que la sagesse antique place l'essentielle recherche de l'homme dans la Nature et en lui-même comme étant celle du Vrai, du Beau et du Bien unis dans une même Essence créée par Dieu qui ne peut être atteint que par l'amour et par la foi. Dans le trop bref exposé qui va suivre nous nous limiterons à préciser 3 aspects de l'art musulman : I - La Mosaïque (le Zellij, al Fusayfisa) II - L'Arabesque III - La Calligraphie Puis nous donnerons un aperçu des lieux saints du monde musulman. Enfin une notice sur la Mosquée de Paris clôturera la notice. (1) Dhikr : Invocation scandée et répétée du nom de Dieu dans la mystique musulmane (Soufisme). 3 I - LA MOSAIQUE Elle a pour origine l’imitation des fresques byzantines grecques ou romaines que des artistes syriens composèrent selon des traditions anciennes, avec des matériaux traditionnels, en écartant de leurs œuvres toute représentation humaine ou animale. Les pavements, coupoles et panneaux, sont revêtus d’assemblages de petits cubes ou fragments de pierre, verre, ou émail de différentes couleurs afin de former des figures et assemblages d'allure géométrique et d’entrelacs à motifs polychromes. Les premières compositions de la remarquable Mosquée Omeyade de Damas symbolisent les pays et nations innombrables soumises à l’Islam, dont Damas est alors la capitale mondiale (VII°-VIII° siècle). La Technique du Zellij consiste à rassembler en mosaïque des pièces de faïences découpées dans des carreaux de céramique de différentes couleurs constituant essentiellement des motifs géométriques. Des formes courbes, arquées permettent également de figurer des figures décoratives sinueuses, courbes ou circulaires ou à lignes sinueuses. Technique de la Mosaïque L’art de la mosaïque résulte d’une acquisition artisanale et d’une prouesse technique. Les artisans arabes (notamment à Baghdad) découvrent le secret de la céramique émaillée qu’ils vont utiliser pour la fabrication de carreaux monochromes d’argile cuite. L’émaillage coloré est le fruit de la maîtrise remarquable de ces artisans dans la fabrication de nouvelles couleurs qui vont enrichir et harmoniser les prouesses géométriques réalisées. La fabrication de ces « pigments » ou « couleurs » tient à une connaissance précise des divers oxydes métalliques qui vont les produire - bleu pour l’oxyde de cobalt - violet ou noir pour le manganèse - vert pour le fer - rouge-vert pour le cuivre - blanc pour le zinc - jaune pour l’antimoine ou le plomb. L’autre prouesse technique résulte du découpage et de l’assemblage des diverses pièces à agencer. En effet les décors géométriques devenant de plus en plus complexes, la précision de l’assemblage ne doit laisser place à aucune faille ni espace entre les diverses pièces de la mosaïque au niveau toujours délicat des "raccords" entre figures géométriques (cercles, octogones, hexagones, quadrilatères, étoiles etc…). C’est pourquoi on découpe les éléments qui sont posés à l’envers comme un puzzle dans un cadre en bois. Après pose de ciment qui solidarise l’ensemble, il sera fixé sur le panneau à décorer. 4 Jeux mathématiques Ce qui caractérise la mosaïque, son art, son secret, réside dans l'heureuse combinaison de séries de figures géométriques et de rapports mathématiques harmonieux. C'est la répétition de figures simples qui peut produire les effets les plus compliqués. Ces effets, bien loin d'être une simple décoration ont pour valeur véritablement métaphysique. - Algorithmes : du nom de très grand mathématicien arabe Al Khuwarismi, série logique d'opérations en vue de la résolution de problèmes appartenant à une même classe. - Nombre d'or : proposition parfaite du point de vue esthétique résultant du rapport du côté d'un polygone au rayon du cercle cironscrit-Il est de 1,618 - caractérise pentagones, décagones. Ce rapport préside aux proportions des Mosquées Omeyades de Damas, Cordoue, Ispahan. - Cercle : pour la mystique son centre symbolise le théocentrisme (Lettre NÛN en arabe). - Carré, rectangles, triangles isocèles : les rapports bien établis entre leurs différents segments et droites remarquables fournissent une abondante variété de figures complexes. Leur beauté résulte de l'intersection de lignes équidistantes arrangées autour de centres fixes - ou étoiles. - L'étoile ou polygône étoilé C'est le motif central (une seule pièce de mosaïque) dont le nombre de côtés va déterminer la richesse du décor réticulé ou étoilement des motifs et des lignes. - Etoile à 8 sommets (ou dents) : la plus classique des figures centrales utilisées. Elle détermine des entrelacs dont l'ensemble formera un carré, un octogone, une étoile, des cercles polylobés qui formeront un "patron" répétitif. Les effets dépendent de la richesse du motif central (Etoile) (voir ci-dessous) Dans la philosophie islamique la forme dépend de la ligne qui dépend du point (référence à la théorie atomiste et à la discontinuité de l'espace et du temps chez Al Achari). Ainsi un point naviguant au hasard donnera n'importe quelle forme (exemple le mouvement Brownien des électrons). Par contre s'il constitue une ligne qui elle-même donnera une forme (étoile, cercle, spirale, ou carré) non par hasard mais par un agencement voulu par Dieu de qui émane un Intellectus dator formarum (une intelligence qui donne toutes les formes). - ainsi la spirale est la "forme" de l'élévation mystique de l'homme à Dieu par étapes successives mais continues - les polygones étoilés se continuant et se répétant dans les prolongements les uns des autres montrent et démontrent que la texture de l'univers dans son apparence enchevêtrée répond d'abord à une nécessité mathématique. 5 Toujours en multiples de 8 (doubles carrés concentriques) ces étoiles vont constituer une rosace à symétrie d'ordre 4. Des décors plus riches réalisent ainsi des "îles géométriques au milieu de tourbillons floraux". Les figures réalisées peuvent être uniquement formées de fragments mosaïques jointifs, de formes toujours identiques permettant la répétition indéfinie du "patron" initial. Il peut s'insérer entre les pièces de faïence des entrelacs dont l'origine s'insère entre les dents de l'étoile centrale. Notons que sur un même panneau de Zellij peuvent coexister des motifs à étoiles centrales à 8, 16 ou 24 dents s'imbricant les uns à la suite des autres pour obtenir des effets composés, irisés, solaires, floraux, ciel étoilé, etc… uploads/s3/ lart-musulman-un-langage-et-une-expression-de-la-foi.pdf

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