La théorie du micromagnétisme. Modélisation et simulation du comportement des m

La théorie du micromagnétisme. Modélisation et simulation du comportement des matériaux magnétiques. Laurence Halpern∗ Stéphane Labbé† 1 Introduction Les matériaux ferromagnétiques et ferrimagnétiques ont la particularité de présenter une aimantation réma- nente : sous excitation magnétique extérieure nulle, l’aimantation totale d’un échantillon est non nulle. Ceci leur donne des propriétés importantes trouvant des applications dans de nombreux secteurs d’activité industrielle. On citera en particulier quatre domaines d’application : la protection radar, le stockage des informations, la gestion de l’énergie et le matériel de télécommunications. L’utilisation des matériaux ferri et ferromagnétiques au sein de composites permet d’améliorer les propriétés d’absorption des revêtements de protection contre la détection radar mais aussi de limiter l’encombrement de tels systèmes. La connaissance des mécanismes de retournement de l’aimantation dans les particules magnétiques permet également d’augmenter les capacités de stockage des supports d’enregistrement et les vitesses de lecture et d’écriture des données. Enfin, l’optimisa- tion de la forme ou de la composition de pièces magnétiques rend possible la miniaturisation des téléphones mobiles, augmente l’efficacité des radars ainsi que le rendement des transformateurs. Mais, au delà de l’amé- lioration des performances, l’enjeu de la modélisation des matériaux magnétiques réside dans la réduction des coûts de développement de nouveaux appareils. L’importance économique de ces matériaux est illustrée par le chiffre d’affaire annuel de l’ensemble des industries de ce secteur d’activité : de l’ordre de 60 milliards de dollars. Ce chiffre donne une idée de l’importance souvent ignorée des matériaux ferro et ferrimagnétiques et du besoin qu’éprouvent les industriels de comprendre et prévoir leur comportement. 2 Le modèle du micromagnétisme 2.1 Caractéristiques magnétiques des matériaux considérés De manière générale, la théorie du micromagnétisme est utilisée pour modéliser des particules ferromagné- tiques de petite taille (de l’ordre du micromètre et moins) comme les paillettes des matrices d’enregistrement magnétique ou certaines poudres contenues dans des composites magnétiques absorbants. On se place égale- ment dans le domaine des hyperfréquences (entre 10 et 100 GHz), plage de longueur d’onde exploitée par les radars. Cette théorie, introduite par W.F. Brown dans les années 40, a pour but d’expliquer le comportement non li- néaire de certains matériaux magnétiques. L’approche micromagnétique est tout d’abord énergétique. Le prin- cipe en est d’identifier les principaux phénomènes intervenant dans la configuration de l’aimantation au sein d’un échantillon et de leur associer une énergie. Alors, les positions d’équilibre sont les minima de l’énergie totale. Mais il est également possible d’utiliser un modèle dynamique, décrivant l’évolution de l’aimantation au cours du temps et reposant sur l’utilisation d’un système introduit par L.D. Landau et E.M. Lifschitz en 1935 ∗Université Paris XIII, LAGA, Institut Galilée, 93430 Villetaneuse, France, halpern@math.univ-paris13.fr. †Université Paris XI, Laboratoire de Mathématique, Bat. 425, 91405 Orsay, France, stephane.labbe@math.u-psud.fr 1 [46]. Dans cette approche les positions d’équilibre sont les états relaxés du système. De manière générale, dans un milieu magnétique, le champ électromagnétique B, l’excitation magnétique H et l’aimantation M sont liés par l’une des équations de Maxwell (dans le système des unités internationales que l’on utilisera systématiquement par la suite) B = µ0(H + M), (1) où µ0 est la perméabilité du vide. Le comportement de l’aimantation dépend alors de la nature des matériaux. Dans certains matériaux, la relation entre H et M est linéaire, M = χ H, ce qui permet d’écrire en utilisant (1) B = µ0(1+χ)H = µ0µrH = µH. χ est appelée susceptibilité magnétique du matériau, µr sa perméabilité re- lative et µ sa perméabilité. Les matériaux obéissant à ce type de loi sont appelés diamagnétiques (pour µr > 1) ou paramagnétiques ( pour 0 < µr < 1) ; on peut trouver des matériaux de ce type dans les isolants. Pour les matériaux ferromagnétiques et ferrimagnétiques, il en va tout à fait différemment. La relation entre le champ magnétique et l’aimantation devient non linéaire : sous excitation magnétique extérieure nulle, l’aiman- tation totale d’un échantillon est non nulle, ce sont des aimants permanents. Cette aimantation résiduelle est appelée aimantation rémanente. Son comportement est très complexe et pose de sérieux problèmes de modéli- sation. L’un des phénomènes traduisant cette complexité est celui de l’hystérésis qui correspond à la sensibilité de l’aimantation rémanente à l’historique des traitements magnétiques, c’est à dire à la façon dont on a fait évo- luer le champ extérieur dans lequel baigne le matériau. Ce phénomène peut être mis en évidence grâce au cycle d’hystérésis (Fig. 1). Ce procédé consiste à appliquer un champ extérieur uniforme suffisamment fort pour que l’aimantation devienne uniforme, c’est à dire à saturer l’échantillon, puis à faire varier l’intensité de ce champ extérieur (à direction fixée) jusqu’à l’inverser. L’information recueillie pendant la manipulation est l’aimanta- tion totale de l’échantillon traité. Comme on peut le remarquer sur le cycle d’hystérésis représenté figure 1, deux valeurs de l’aimantation se détachent : Ms et −Ms. La grandeur Ms est appelée aimantation à saturation et ne varie qu’en fonction de la température. L’aimantation à saturation s’annule au-dessus d’une température −0.05 −0.04 −0.03 −0.02 −0.01 0 0.01 0.02 0.03 0.04 0.05 −1 −0.8 −0.6 −0.4 −0.2 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 cycle remanence coercitif FIG. 1 – Exemple de courbe d’hystérésis. En abscisse l’intensité du champ magnétique extérieur (de direction constante), en ordonnée l’intégrale de l’aimantation sur le domaine . critique (température de Néel pour les ferrimagnétiques et de Curie pour les ferromagnétiques). Au-delà de cette température, le matériau adopte un comportement linéaire (paramagnétique ou diamagnétique) comme le montre la figure 2. Ainsi, toutes les théories sur le comportement des ferro ou ferrimagnétiques ont pour objectif d’expliquer ces deux phénomènes clef : l’hystérésis et la dépendance en température de l’aimantation à saturation. Les premières conjectures furent émises par P. Weiss en 1907 [57]. Il postula qu’il existait des forces internes aux matériaux tendant à aligner l’aimantation et luttant contre le désordre thermique, créant ainsi des domaines dans lesquels l’aimantation serait constante. Ces idées furent le moteur de la théorie des domaines dont les fondateurs furent R. Becker [11], W. Döring [12], N.S. Akulov [3] et W. Heisenberg [31] (voir pour plus de précisions le livre de A. Aharoni [1] ou encore le livre de A. Hubert et R. Schäfer [32]). Mais, malgré des tentatives d’amélioration, comme l’introduction du concept de paroi, zone de retournement de l’aimantation entre deux domaines (calcul de l’énergie de parois par L.D. Landau et E.M. Lifschitz en 1935 [46]), cette théo- rie ne donnait pas des résultats quantitatifs suffisamment probants. Une grande avancée dans la résolution du 2 FIG. 2 – Variation de l’aimantation rémanente Mr(T ) en fonction de la température sous champ extérieur nul. problème fut alors effectuée dans les années 40 par W.F. Brown. Il introduisit une nouvelle approche : le micro- magnétisme (“micro” pour étude microscopique des détails de paroi [16, 17]). Elle est basée sur la minimisation de l’énergie totale d’un échantillon magnétique. Cette énergie totale se compose de plusieurs contributions. Les plus couramment traitées sont : l’énergie de Zeemann ou énergie extérieure, l’énergie magnétostatique, l’éner- gie d’échange et l’énergie d’anisotropie. Cette théorie a permis de comprendre de nombreux phénomènes. L’un des plus célèbres calculs effectué avec cette approche est celui menant à la classification des parois en parois de Bloch et parois de Néel [1]. Il a été effectué en minimisant les trois énergies internes, échange, anisotropie et magnétostatique, dans le cas d’un film mince infini dans les directions x et y (Fig. 3). Le problème se trouve alors être de dimension 1, la minimisation permettant d’écrire une équation régissant la forme des parois. FIG. 3 – Géométrie des domaines dans le film mince. En considérant que la composante mz de l’aimantation dans la direction normale au film est nulle, et en utilisant le fait que la norme de l’aimantation est partout égale à un, on obtient : mx = q2 cos φ q2 + x2 , my = q2 sin φ q2 + x2 , où q est le paramètre donnant l’épaisseur de la paroi et φ un paramètre permettant de traiter avec une seule formule les parois de Bloch et de Néel (à l’origine ces deux cas furent étudiés séparément par H.D. Dietze et H. Thomas [24]). Une paroi de Bloch correspond à φ = π 2 et une paroi de Néel à φ = 0 (Fig. 4). Ce calcul a permis une première validation de la théorie du micromagnétisme. Par la suite d’autres travaux en dimension 2 furent effectués pour des couches minces et comparés à des données expérimentales. Ces résultats étaient satisfaisants, mais un problème se posait encore : comment rendre compte de la forme des domaines magnétiques et valider les calculs pour un échantillon à trois dimensions ? En effet, s’il est possible d’effectuer des observations surfaciques des domaines, il est par contre pratiquement impossible d’en effectuer 3 FIG. 4 – Parois de Bloch et de Néel en volume. Il faut donc calculer une grandeur permettant de faire le lien entre des configurations d’aimantation calculées et les données expérimentales : la susceptibilité hyperfréquence. Le principe est de faire “vibrer” la structure dans chaque direction de l’espace afin uploads/s3/ matapli1.pdf

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