■ NUMERO 2 — 15 A V R I L 1930 P A R A I T S I X F O I S L ’ AN PRIX DE CE NUME
■ NUMERO 2 — 15 A V R I L 1930 P A R A I T S I X F O I S L ’ AN PRIX DE CE NUMERO : 3 FRS A B O N N E M E N T : F R A N C E ET COL. : 20 F RS R É D A C T I O N : M . S E U P H O R — 5 R U E K L É B E R — V A N V E S - S E I N E ( F R A N C E ) A D M I N I S T R A T I O N : J. T O R R È S - G A R C IA — 3 R U E M A R C E L S E M B A T — P A R I S 18 E T R A N G E R : 30 F R A N C S L ’ ART RÉ AL I ST E ET L ’ ART SUPE RRÉ AL I ST E ( L A M O R P H O P L A S T I O U E E T L A N É O P L A S T I Q U E ) La Néoplastique, peinture des rapports par la ligne et la couleur seules, c’est-à-dire sans aucune forme limitée ni représentation particulière, est- elle encore « de la peinture » ? Ou n’est-elle que de la peinture décorative ? Elle n’est certainement pas de la peinture pittoresque ou traditionnelle. Si dans et par la ligne et la couleur toute expression plastique possible n’est pas atteinte, elle n’est que de la peinture décorative. Mais si, au contraire, elle a réussi à obéir à la loi principale de la peinture, qui n’exige que l’expression des rapports par la ligne et la couleur, elle est non seulement de la peinture, mais de la vraie peinture, celle qui n’a pas recours à la forme limitée, qui affaiblit l’expressien purement pla stique. Tout vrai artiste a toujours été inconsciemment émotionné par la beauté de la ligne et de la couleur et des rapports de celles-ci pour elles-mêmes non par ce qu’elles pourraient représenter. On a toujours tâché d’exprimoi toute force et toute richesse vitale par ces moyens seuls. Néanmoins, consciemment on a suivi la forme. Consciemment on a cherché à expri mer la sensation corporelle de celle-ci par modelé et technique. Mai» in consciemment on s’est exprimé en plans, on a augmenté la tension de la ligne, purifié la couleur. Ainsi, la culture de la peinture a mené cette dernière, tout doucement pendant des siècles, à l’abolition totale de la forme limitée et de la représentation particulière. De sorte que, de nos jours, l’art est délivré de tout ce qui l’empêchait d’être vraiment plastique. Cette délivrance est de la plus grande impoitance pour l’art, qui a la mission de vaincre l’expression individuelle et de montrer — tant que pos sible — l’expression universelle de la vie qui est au-dessus du tragique. Chaque expression d’art a ses propres lois qui s’accordent avec la loi prin cipale de l’art et de la vie : celle de l'équilibre. De ces lois dépend à quel degré l’équilibre est réalisé et donc aussi à quel point de déséquilibre (l’expression tragique) est anéanti. Cela nous est clair si nous comparons les différentes expressions de l’art du passé et d’aujourd’hui. Toutes oni, tâché d’exprimer l’équilibre mais de façon toujours différente — même en cherchant et en créant une expression tragique. L’aspiration vers l’équilibre et celle vers le déséquilibre s’entre-opposent continuellement en nous. Ce tragique n’est qu’une culture-vers-l’équilibre qui s'avance à mesure que nous sentons l’oppression du tragique, — op pression causée par les deux polarités de la vie et le désir de nous en délivrer. I,’oppression de ce tragique — un sentiment de souffrance sans fin, nous le subissons à l’aube : émotion éprouvée par tout artiste et, er: peinture, exprimée par le peintre paysagiste. A l’aube, la nuit domine encore. La lumière faible essaye de la vaincre. On sent l’oppression du déséquilibre nuit-jour, clair-obscur. C .’est l’aspi ration vers l’équilibre. L’espoir-désespoir. L’absence de certitude. C’est l'attente du plein-jour. Plein-jour : unité par équivalence de clarté et d’ombre. La nuit : le passé. Plein-jour : l’avenir — l’homme et la nature unifiés. Le présent : l’aube, la fin de la nuit. L’aube : l’évolution. Toutefois, la nuit est quelquefois éclaircie par la lumière blafarde de la lune : reflet de la lumière du jour. Quelquefois même au point d’atteindre une harmonie féerique. Et c’est ainsi que nous devons comprendre les belles œuvres classiques du passé : comme autant de choses créées dans la lumière harmonieuse de pleine-lune. Leur création n’est pas possible dans la lumière du grand-jour. Que de telles œuvres puissent encore être produites aujourd’hui, à l’aube, c’est à cause du reflet de la nuit pt que la conception du grand jour n’est pas encore claire. Mais, comme la lumière artificielle vainc de plus en plus la nuit, l’homme du grand-jour la vaincra. La nuit : non représentable et sans expression plastique. I.e jour : non représentable avec une expression plastique inexacte, confuse. Nuit-jour, nature, non représentable et avec une expression plastique inexacte, comment, en art, la suivre afin d’aboutir à une expression exacte, claire, qui exprime notre sensation et notre conception du grand- jour ? Ne tâchons pas de la reproduire. Créons. En art, créons une expression plastique en opposition avec la forme de l’unité apparente nuit-jour. Car les formes variées elles-mêmes réalisent le tragique (le désiquilibre) que le grand jour palpable vainement tâche de vaincre et ne réussit qu’à neutraliser. La réalité de la forme, même au grand-jour, n’est pas réelle pour nous qui vivons dans un grand-jour de notre conception et d’un équilibre exact. Aucune forme même créée par l’homme ne réalise le vrai contenu du grand-jour, cet équilibre ab solu. Sa réalisation la plus approximative, l’homme seulement la peut atteindre en créant une superréalité des rapports. Aujourd’hui à l’aube, vivons déjà par l’esprit au grand jour qui approche. A la fin de l’aube notre conception du grand-jour n’est plus un idéal spé culatif. Car la lumière, assez forte déjà, la réalise. Faisons déjà le travail du grand-jour — fortifiés par le sommeil du passé, rassasiés du tragique de l’aube. Attendons ainsi le grand-jour — l’avenir. Attendons notre maturité. Mais pour l’attendre, il faut l’aimer. Et pour aimer le grand-jour, il faut avoir aimé la nuit, avoir bien connu l’aube et les aimer encore : pour dé tester le tragique il faut avoir vécu longtemps. C’est alors que l’on ap prend que la vie naturelle est une répétition continue de nuit-jour, vie- mort (le tragique), et que la vie de u l’homme » n’est qu’une évolution vers l’équilibre de sa dualité. Il est évi dent que cet équilibre n’est pas celui d’un vieux monsieur dans un fauteuil ou celui de deux sacs de pommes d ? terre égaux sur la balance. Au con traire, l’équilibre par équivalence ex clut la similitude et la symétrie, ainsi que le repos dans le sens de l’immo bilité. Dans la nature, une délivrance réélis du tragique n’est pas possible. Et dans la vie, la forme physique restant tou jours non seulement nécessaire mais étant de la plus grande importance, l’équilibre sera toujours très relatif. Mais l’homme évoluant vers l’équilibre de sa dualité, créera de plus en plus (aussi dans la vie) des rapports équi valents, donc l’équilibre. La vie sociale et économique d’aujourd’hui montre déjà des efforts vers un équilibre exact. Notre existence matérielle ne sera pas toujours menacée et tragique par le déséquilibre matériel-moral de la vie sociale. Et notre vie morale ne sera pas toujours entravée par l’oppression et la domination de la vie matérielle. La science réussit de plus en plus à main tenir et à soigner notre physique. La technique vaincra de plus en plus la matière primitive en l’approchant de l’homme. La vie humaine, bien que dépendante du physique, de la matière, ne restera pas toujours do minée par la nature. Mais l’équilibre par équivalence des rapports sera atteint de la façon la plus approximative dans toute création purement plastique. Dans les limites de la plastique, l’homme peut créer une réalité nouvelle : une superréalité. Dans la lumière du grand-jour de l’avenir d la crée, toute en opposition mais aussi en relation avec la vie naturelle. De par l’influence de cette superréalité, la vie humaine, jusqu’ici plutôt naturelle, changera plus vite en une vie vraiment humaine. La peinture nouvelle, dénommée abstrai.te, n’est abstraitequ’en la comparan t à la réalité naturelle. Et si, comme la Néoplastique, elle prépare la super réalité de l’avenir, elle est « réelle » en exprimant cette réalité. La Néo plastique est donc encore mieux définie par « peinture superréaliste ». L’art Réaliste et l’art Superréaliste nous démontrent qu’il y a deux fa çons totalement différentes de uploads/s3/ cercle-et-carre-n02.pdf
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- Publié le Dec 03, 2022
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