Communication et langages Les expressions idiomatiques Olga Diaz Résumé Les exp
Communication et langages Les expressions idiomatiques Olga Diaz Résumé Les expressions idiomatiques constituent un des éléments fondamentaux de notre langage qui donnent à la dimension poétique une occasion de s'épanouir au niveau du quotidien. Elles sont toujours porteuses de symboles et, dans ce sens, forment un véritable langage de signes motivés. C'est au déchiffrement de ce langage que se consacre dans cet article Olga Diaz qui avait tout d'abord donné les termes de « Poétique et pédagogie » 1 comme sous-titre à son texte afin de suggérer les applications pédagogiques du langage poétique. Citer ce document / Cite this document : Diaz Olga. Les expressions idiomatiques. In: Communication et langages, n°58, 4ème trimestre 1983. pp. 38-48. doi : 10.3406/colan.1983.3566 http://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1983_num_58_1_3566 Document généré le 15/10/2015 LES EXPRESSIONS IDIOMATIQUES par Olga Diaz « J'appelle poésie aujourd'hui connaissance de ce destin interne et dynamique de la pensée. » (Antonin Artaud) m Partout où il y a rapport, ce rapport secret qu'on appelle l'analogie, et dont la rhétorique a fait la métaphore, il y a poésie. » (Paul Claudel) Les expressions idiomatiques constituent un des éléments fondamentaux de notre langage qui donnent à la dimension poétique une occasion de s'épanouir au niveau du quotidien. Elles sont toujours porteuses de symboles et, dans ce sens, forment un véritable langage de signes motivés. C'est au déchiffrement de ce langage que se consacre dans cet article Olga Diaz qui avait tout d'abord donné les termes de « Poétique et pédagogie » 1 comme sous-titre à son texte afin de suggérer les applications pédagogiques du langage poétique. Il y a un langage où les signes sont motivés. Ce langage s'appelle poésie. Dans ce sens, nous pourrions dire, comme d'autres l'ont dit du proverbe ou du dicton, que l'expression idiomatique2 est « la plus grande unité codée de discours et la plus petite composition poétique. » Comme instrument figuratif, ces expressions métaphoriques et ces comparaisons — figures essentielles en poésie — , ont en effet dans l'usage quotidien de la langue, une dimension poétique. Ce qui semble _ alors important, ce sont d'une part les relations qui au niveau H[ du transfert, c'est-à-dire du passage du littéral au figuré, 3 concernent la découverte d'un sens second, puisque le langage g idiomatique s'exprime comme le langage poétique, indirecte- J ment par l'intermédiaire de symbolisants : ainsi « avoir les ~ dents longues» (être très ambitieux) est par exemple un cas § § 1. Ces termes font référence à l'orientation didactique de ces réflexions qui g concernent en particulier l'acquisition des expressions idiomatiques par des •g apprenants étrangers adultes. g 2. Pour cette étude ont été retenues les expressions derrière lesquelles se | trouve l'image qui en motive le sens, citons par ex. : « Tomber des nues - g Se ressembler comme deux gouttes d'eau - Mettre ta main à la pâte - Couper Q l'herbe sous les pieds »... Les expressions idiomatiques 39 de métaphorisation où l'on exploite la valeur symbolique de « dent » qui évoque l'agressivité, la force. D'autre part, c'est principalement dans la mesure où l'on reconnaît que c'est de manière certainement très sensible que peut s'exercer ici l'attention consciente de celui qui appréhende une langue étrangère, qu'il importe en définitive de faire coïncider l'approche poétique avec l'objectif pédagogique : car en découvrant que l'image métaphorique est le résultat d'une organisation interne, n'a-t-on pas toutes les chances de découvrir du même coup sa fonction principale qui est celle d'appartenir à la cohérence du discours et non plus seulement à la logique linguistique ? COMME UNE CHANSON C'est Roland Barthes qui en employant l'expression « pli de langage » l'a définie comme « une sorte de verset, de refrain, de cantilation »3. Parce que la répétition semble être son moteur en effet, l'expression idiomatique — en abréviatif, exid — pourrait bien être « un pli de langage » qui, comme un refrain ou une rengaine, revient aussi comme une chanson. Les affinités qui lient le proverbe ou l'exid à la chanson sont difficiles à expliquer mais indéniables. Sur ce problème « génétique de base » qui est de savoir si les exid proviennent des poèmes populaires chantés ou si ce sont les poètes populaires qui les emploient de préférence dans leurs compositions, les propos de la plupart des spécialistes qui se sont penchés sur cette question restent ce-pendant très prudents4. Toutefois, comme le précise Louis Combet, bien que « la nature de ce rapport reste obscure, le rapport n'est pas mis en doute par l'auteur espagnol Cotarelo qui affirme : « L'on peut tenir pour certain que, de la coutume d'appliquer le mot < refran » aux refrains des poésies, naquit celle de donner le nom aux proverbes {...). Le mot « refrain » français a donné « refran » en espagnol, c'est-à-dire proverbe 5. » Cet enracinement dans la chanson et la poésie populaires, est également très net en français et cette tonalité musicale n'est pas passée inaperçue aux yeux de René Pucheu qui illustre de quelques exemples son article6 Promenons-nous dans les « Unes » : — Notons que le titre choisi fait déjà référence à la chanson traditionnelle bien connue des enfants : 3. In : Fragments d'un discours amoureux, éd. du Seuil, coll. « Tel quel », Paris, 1977, p. 9. 4. Voir par ex. Margit Frenk Alatorre, « Refranes cantados y cantares pro- verbializados », in : Nueva Revista de Filologia Hispanica, vol. XV, 1961, pp. 115-168. 5. Louis Combet, Recherches sur le « Refranero » castillan, éd. Les Belles Lettres, 1971, pp. 6041. 6. In : Le Français dans le Monde, éd. Larousse-Hachette, n* 159, Février- Mars, 1981, p. 54. Langage « Promenons-nous dans les bois tant que le loup n'y est pas... » — Puis, de l 'en-tête parue dans le journal Ouest-France (4-11-80) « Manifestation non-stop aux marches du palais », l'auteur dit : « Ce titre annonce une manifestation devant le Palais de Justice de Nantes mais évoque une vieille chanson •française remise en mémoire, voilà trente ans par Yves Montand : « Aux marches du palais l'est une belle fille... » — Au sujet de cet autre exemple : « Pour "vendre" les Alpes : les montagnards sont là ! », il commente : c'est à une chanson pyrénéenne (« Montagnes Pyrénées vous êtes mes amours ») que sont empruntés les mots : « Les montagnards sont là ! » L'on peut également citer La vérité de La Pal ice (vérité dont l'évidence prête à rire) qui fait allusion à une vieille chanson populaire : La chanson de Monsieur de La Palice\ En réalité les textes de chansons dans lesquels s'incorporent les expressions figurées sont légion, et puisque la chanson est en fait un excellent support didactique pour aborder bon nombre de ces signifiés symboliques, voici quelques exemples relevés chez Georges Brassens auteur-compositeur-interprète : Celui qui a mal tourné (On relève dans le texte les expressions suivantes : « Mal tourner / Mettre de l'eau dans son vin / (Aller au) charbon (aller travailler) / Dévorer des yeux / La dernière heure allait sonner / (Ne pas) y aller par quatre chemins / En un tour de main / Se refaire une santé / En tout bien et tout honneur / Raser les murs / Pleurer toutes les larmes de son corps. ») Premier couplet « II y avait des temps et des temps que je ne m'étais pas servi de mes dents que je ne mettais pas de vin dans mon eau ni de charbon dans mon fourneau ; tous les croque-morts silencieux s me dévoraient des yeux, Ç ma dernière heure allait sonner g, c'est alors que j'ai mal tourné» (...) ! • 7. Cette chanson, notent les dictionnaires, fut composée au xvni* siècle par g La Monnoye ; elle célébrait sur le mode dérisoire les vertus d'un capitaine S de François I«r, Jacques de Chabannes, marquis de La Palice, et elle était g composée de 51 couplets du style : s « II mourut le vendredi I Le dernier jour de son âge : g • S'il fût mort le samedi O II eût vécu davantage. » Les expressions idiomatiques 41 LE SENS POETIQUE POPULAIRE Plus que dans d'autres discours, l'expression idiomatique apparaît dans la chanson et le poème comme un symbole, c'est-à- dire comme un signs motivé : le symbole, écrit A. Schehaye, « n'est pas un signe arbitrairement choisi pour correspondre à une idée préexistante, mais la condition nécessaire à une opération psychologique, ta formation d'une idée. * De plus, le rapport motivé qui alors existe entre l'expression idiomatique imagée et ce qu'elle représente acquiert une force d'autant plus suggestive pour le non natif, que l'usure et la fréquence n'ont pas encore altéré ou amoindri le caractère figurai de l'expression. Parce que dans le cas des locutions figurées, la forme n'est pas fortuite aux yeux du sujet apprenant, on peut donc dire aussi que ce sont des expressions motivées au sens linguistique du terme. -La motivation (l'étymologie recherche d'ailleurs essentiellement la trace uploads/s3/ colan-0336-1500-1983-num-58-1-3566-pdf.pdf
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- Publié le Aoû 18, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
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