L’Art I) Kant, De la figure du génie Critique de la Faculté de Juger (§46) « Le
L’Art I) Kant, De la figure du génie Critique de la Faculté de Juger (§46) « Le mot génie est vraisemblablement dérivé de genius, l’esprit particulier donné à un homme à sa naissance pour le protéger et le diriger, et qui est la source de l’inspiration dont procèdent ces idées originales. » -> Connotation religieuse du mot génie montre que l’incapacité intrinsèque à expliquer le processus de création artistique a poussé les commentateurs à attribuer à l’artiste une part de divinité. « On voit par là que le génie : 1. est un talent, qui consiste à produire ce dont on ne saurait donner aucune règle déterminée ; il ne s’agit pas d’une aptitude à ce qui peut être appris d’après une règle quelconque ; il s’ensuit que l’originalité doit être sa première propriété ; 2. que l’absurde aussi pouvant être original, ses produits doivent en même temps être des modèles, c’est-à- dire exemplaires et par conséquent, que sans avoir été eux-mêmes engendrés par l’imitation, ils doivent toutefois servir aux autres de mesure ou de règle de jugement ; 3. qu’il ne peut décrire lui-même ou exposer scientifiquement comment il réalise son produit, et qu’au contraire c’est en tant que nature qu’il donne la règle ; c’est pourquoi le créateur d’un produit qu’il doit à son génie, ne sait pas lui-même comment se trouvent en lui les idées qui s’y rapportent et il n’est pas en son pouvoir ni de concevoir à volonté ou suivant un plan de telles idées, ni de les communiquer à d’autres dans des préceptes, qui les mettraient à même de réaliser des produits semblables. » L’œuvre d’art se distingue donc par son caractère unique, original et exemplaire. II) Nietzsche, De la critique de la figure du génie (Humain Trop Humain) « L’activité du génie ne paraît pas le moins du monde quelque chose de foncièrement différent de l’activité de l’inventeur en mécanique, du savant astronome ou historien, du maître en tactique. Toutes ces activités s’expliquent si l’on se représente des hommes dont la pensée est active dans une direction unique, qui utilisent tout comme matière première, qui ne cessent d’observer diligemment leur vie intérieure et celle d’autrui, qui ne se lassent pas de combiner leurs moyens. Le génie ne fait rien que d’apprendre d’abord à poser des pierres, ensuite à bâtir, que de chercher toujours des matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme. Toute activité de l’homme est compliquée à miracle, non pas seulement celle du génie mais aucune n’est un « miracle ». D’où vient donc cette croyance qu’il n’y a de génie que chez l’artiste, l’orateur et le philosophe ? Qu’eux seuls ont une « intuition » ? (Mot par lequel on leur attribue une sorte de lorgnette merveilleuse avec laquelle ils voient directement dans « l’être » !) Les hommes ne parlent intentionnellement de génie que là où les effets de la grande intelligence leur sont le plus agréables et où ils ne veulent pas d’autre part éprouver d’envie. Nommer quelqu’un « divin », c’est dire : « ici nous n’avons pas à rivaliser ». En outre tout ce qui est fini, parfait, excite l’étonnement, tout ce qui est en train de se faire est déprécié. Or personne ne peut voir dans l’œuvre de l’artiste comment elle s’est faite ; c’est son avantage, car partout où l’on peut assister à la formation, on est un peu refroidi. L’art achevé de l’expression écarte toute idée de devenir, il s’impose tyranniquement comme perfection actuelle. Voilà pourquoi ce sont surtout les artistes de l’expression qui passent pour géniaux, et non les hommes de science. En réalité cette appréciation et cette dépréciation ne sont qu’un enfantillage de la raison ». III) Malraux, De l’art comme anti-destin Les Voix du Silence «Chacun des chefs-d’œuvre est une purification du monde, mais leur leçon commune est celle de leur existence, et la victoire de chaque artiste sur sa servitude rejoint, dans un immense déploiement, celle de l’art sur le destin de l’humanité. L’art est un anti-destin.» L'art est signification qui vient se poser sur l'absurde du monde, il est empreinte et assure l'homme d'autre chose que lui-même. Il ne peut effacer la mort, mais il est « ce chant sacré sur l'intarissable orchestre de la mort ». Il est à la fois ce qui peut lutter contre le temps dans l'instant même de la réalisation de l'œuvre et ce qui reste dans une éclatante et somptueuse pérennité : « Au bleu des raisins de Braque, répond du fond des empires le chuchotement des statues qui chantaient au lever du soleil. » IV) Duchamp, De la redéfinition des critères d’une œuvre d’art dans l’art contemporain « Le mobile de l’art moderne a été de détruire la beauté… en niant complètement que l’art ait quoi que ce soit à voir avec le problème de la beauté. » dixit Barnett Newaman de l’école de NY (1948). -> Modernité revendique une rupture entre l’art et la beauté. Il convient donc de distinguer la démarche artistique de la démarche esthétique. Dès lors la question à se poser n’est plus « qu’est ce qu’une belle œuvre d’art ? » mais « plutôt qu’est ce que l’art ? ». Comment comprendre le geste iconoclaste de Duchamp lorsqu’il renverse un urinoir et déclare que le ready made (l’œuvre déjà faite) est une œuvre d’art ? Il cherche à poser de nouveaux critères de l’œuvre d’art : - il souligne le caractère œuvré de l’art. Il s’ensuit alors que l’art n’est pas que dans les musées et que la frontière entre l’art et la vie se brouille. -> Certaine forme de politisation de l’œuvre d’art qui sort de son musée pour aller prendre place dans la cité. - le caractère artistique de l’œuvre procède essentiellement du regard porté sur elle. Ainsi, alors que dans la vie ordinaire l’objet urinoir disparait sous sa fonction, exposé dans un musée, il se met à exister comme œuvre d’art, il dévoile une de ses dimensions jusque là occultée. Il s’offre à un autre type de regard. - l'œuvre d’art est ce qui pousse le spectateur à une réflexion sur l’art. L’œuvre d’art moderne soulève une question subversive, porte une critique sociale, politique ou philosophique. A l’extrême l’art conceptuel entend substituer l’idée ou le projet de l’œuvre à sa réalisation. -> concept de l’œuvre ouverte où l’artiste n’est pas plus l’auteur de l’œuvre que les spectateurs : le spectateur est appelé à être le coproducteur d’une œuvre en mouvement. « Je donne à celui qui la regarde autant d’importance qu’à celui qui l’a faite. » dixit Duchamp. uploads/s3/ i-kant-de-la-figure-du-genie-l-x27-art.pdf
Documents similaires
-
22
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 23, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
- Taille du fichier 0.0473MB