PRENDRE/APPRENDRE LA PAROLE : L’ORAL À L’ÉCOLE PRIMAIRE DANS LES TEXTES OFFICIE
PRENDRE/APPRENDRE LA PAROLE : L’ORAL À L’ÉCOLE PRIMAIRE DANS LES TEXTES OFFICIELS Anne Pégaz-Paquet, Lucile Cadet Armand Colin | « Le français aujourd'hui » 2016/4 N° 195 | pages 9 à 22 ISSN 0184-7732 ISBN 9782200930509 DOI 10.3917/lfa.195.0009 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-le-francais-aujourd-hui-2016-4-page-9.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. © Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Halté (2005). Avant cette apparition officielle, rappelons que l’oral se manifestait avant tout comme mode de production toujours en lien avec l’écrit, puisque les élèves devaient apprendre à parler comme un livre (héritage de l’elocutio avec surtout des textes récités). Par ailleurs, si l’oral représentait une des modalités d’évaluation des connaissances, il n’était nullement envisagé comme objet lui-même d’enseignement (aucune préparation « à l’oral »1 n’était pratiquée). L’émergence de l’idée de langue de communication s’est révélée « dérangeante » à bien des égards pour nombre d’enseignants. D’une part, il s’agissait pour eux de se déposséder de leur droit exclusif de parole au profit des élèves ; d’autre part, et par conséquent, de reconfigurer les interactions pédagogiques ; enfin, de résoudre le problème des modalités de l’évaluation de l’oral : quels critères pour évaluer, par exemple, la participation à un débat argumenté ? À l’heure où les nouveaux textes officiels pour l’école primaire font apparaitre en force l’oral comme pratique d’enseignement de la langue, nous aborderons, dans cette contribution, la question de l’oral de façon chronologique au regard de son traitement dans les programmes ou instructions ministériels de l’école primaire depuis 1945 à aujourd’hui. Ce faisant, nous verrons comment, d’un point de vue institutionnel, la notion a été envisagée et définie au cours du temps et quelles préconisations ont été faites pour la prise en charge d’un enseignement de l’oral « pour apprendre à apprendre, pour penser et communiquer ». Il nous semble que cette entrée permet de montrer la façon dont l’oral s’est construit en tant qu’objet d’enseignement sous l’influence croisée de la recherche en 1. Entendu comme épreuve id. « passer un oral ». rticle on line rticle on line © Armand Colin | Téléchargé le 13/02/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.89.53.248) © Armand Colin | Téléchargé le 13/02/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.89.53.248) Le Français aujourd’hui n° 195, « L’oral en question(s) » didactique du français, en sciences du langage, en sciences de l’éducation, en psychologie cognitive et en fonction des besoins que l’évolution sociologique de ces dernières décennies a fait apparaitre pour l’école. Oral, production orale, oralité, oralisation ? S’agissant d’une modalité, puisque la parole est « multimo- dale », son traitement est « plurimodal », c’est-à-dire que toutes les informations – linguistiques, prosodiques, corporelles – sont traitées en même temps et sont intégrées en un tout. Cet aspect protéiforme concourt sans doute à créer un malaise dans la représentation et la compréhension que l’on a de l’oral, et plus particulièrement du fait de la grande variabilité qui en découle. Ainsi, une littérature, nombreuse et nourrie, a envisagé l’oral et toutes les situations auxquelles il renvoyait sous différents angles – sans être ici exhaustives – d’une modalité de production (Morel et Danon-Boileau 1998 ; Morel 2003) ; sous celui de La Théorie de la coénonciation/colocution (Rossi 1999) qui démontre la valeur iconique des différents indices intonatifs ; en travaillant la question de la prosodie (Lacheret-Dujour et Beaugendre 1999) ; en le définissant comme une pratique langagière (François 1993 ; Grandaty 1998 ; Dolz et Schneuwly 1998 ; Gadet 2003 ; Gadet, Le Cunff et Turco 1998 ; Bucheton et Chabanne 2002 ; Plane 2001, 2002) ; en le considérant dans son rapport à l’écrit ou encore en l’analysant sous l’angle des interactions (Garcia-Debanc 1996, 1999 ; Halté 1995, 1999, 2005). À l’école, et malgré la circulation de travaux qui ont depuis longtemps démontré qu’oral et écrit représentent « deux réalisations, dans deux systèmes différents, de la langue » (Peytard 1970)2, le premier n’étant pas assujetti au second ni inférieur à lui dans une pseudo relation hiérarchique, l’oral souffre malgré tout, toujours, d’une image négative. La langue orale est généralement encore considérée par l’école comme une langue moins formelle, peu élaborée, déficitaire, voire fautive car « non-conforme ». On considère encore trop souvent qu’en dehors de l’école maternelle, l’oral n’a pas à être pris en charge. Les élèves savent déjà parler avant d’aller à l’école et l’école élémentaire a pour mission d’apprendre « à réaliser les activités scolaires fondamentales [...] (résoudre un problème, lire et comprendre un document, rédiger un texte, créer ou concevoir un objet, etc.) » (Circulaire de rentrée 2016, à l’image de la plupart de celles qui l’ont précédée depuis la création de l’école publique à la fin du XIXe). Enfin, on peine à le définir et l’on confond souvent production orale, fondée uniquement sur le répertoire des locuteurs (parler, oral spontané), oralisation soit l’expression orale d’un texte écrit (lire une 2. Pour J. Peytard, il existe un ordre oral « dans lequel est situé tout message réalisé par articulation et susceptible d’audition » et un ordre scriptural « dans lequel est situé tout message réalisé par la graphie et susceptible de lecture » (1970 : 37). 10 © Armand Colin | Téléchargé le 13/02/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.89.53.248) © Armand Colin | Téléchargé le 13/02/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.89.53.248) Prendre/apprendre la parole l’oral à l’école primaire... histoire) et oralité qui concerne une production orale dont l’origine est un texte écrit (raconter une histoire) (Pégaz Paquet 2011, 2013). L’oral pour communiquer Le mot oral n’est apparu que très tardivement dans le contenu des programmes officiels de 1972 pour l’école primaire. Le plan Langevin- Wallon (1945) avait déjà proposé de travailler l’oral pour « communiquer, coopérer et observer la langue ». Malheureusement, la vie politique agitée de cette époque ne lui a jamais permis d’être mis en place. Les programmes de Fontanet (1972) ont fait suite au plan Rouchette (1971) pour répondre à une situation d’échec scolaire important que notifie M. Rouchette dans ce plan de rénovation (1971) : Le nombre important des retards scolaires (plus de 50 % au CM2) montre, ainsi que des études de docimologie, que les programmes actuels ne sont pas assimilés comme ils le devraient. Or, la réussite scolaire est largement conditionnée par la maitrise de la langue [...] (p. 4) Les programmes de 1972 mettent sur le même plan « expression orale et expression écrite » dont l’objectif conjoint est de permettre de « communi- quer » et de « penser » : Nous dirons, dans une formule qui s’applique aussi bien à l’expression orale qu’à l’expression écrite, que l’enseignement du français est donné pour aider l’enfant à communiquer et à penser. (Programmes signés par Fontanet, 1972 : 3)3 Ces programmes font de la communication une « discipline » de l’école primaire, et définissent aussi la langue orale comme un instrument que l’on peut entrainer à travers les exposés ou bien les débats réglés issus de la pédagogie Freinet4. Enfin, l’expression orale convoquée dans ces programmes officiels vise aussi l’enseignement des connaissances par des moments d’entrainement à des exercices systématiques. Ainsi, dans les prescriptions officielles qui ont suivi cette réforme, nous avons pu voir l’influence de la didactique des langues étrangères et des exercices structuraux qui s’imposent alors (de 1977 à 1985), avec des situations d’entrainement dans lesquelles l’oral se focalise essentiellement sur un entrainement discursif. Ce dernier a cependant du mal à se concrétiser dans les pratiques de classes pour au moins deux raisons. La première tient au manque de formation 3. Consultéle19/09/2016 <http://www.formapex.com/telechargementpublic/textesofficiels /1972_1.pdf?616d13afc6835dd26137b409becc9f87 = 17363a02615a66b3a5b1f184c4bc 0971>. 4. L’Éducation nouvelle de C. Freinet se caractérise par le principe de vie coopérative où les apprenants sont les acteurs de leurs propres savoirs (réunions de coopérative). Elle place résolument l’expérience et la mise en situation comme conditions essentielles des acquisitions, avec beaucoup de situations où les productions orales et écrites sont sollicitées pour la maitrise de la langue. 11 uploads/s3/ lfa-195-0009.pdf
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- Publié le Apv 22, 2022
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
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