Langages Quatre principes de l'analyse morphologique James Foley Citer ce docum

Langages Quatre principes de l'analyse morphologique James Foley Citer ce document / Cite this document : Foley James. Quatre principes de l'analyse morphologique. In: Langages, 20ᵉ année, n°78, 1985. Le retour de la morphologie. pp. 57-72; doi : https://doi.org/10.3406/lgge.1985.2464 https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1985_num_20_78_2464 Fichier pdf généré le 02/05/2018 James Foley Simon Fraser University Canada QUATRE PRINCIPES DE L'ANALYSE MORPHOLOGIQUE La méthode d'un modèle d'analyse est déterminée par ses buts. En grammaire, le but est de passer d'une liste de données à une description plus concise. C'est ainsi que dans une grammaire pédagogique, des listes de verbes sont remplacées par des paradigmes. En grammaire comparée, des listes de correspondances sont remplacées par des formes reconstruites et par des règles qui relient ces formes aux formes phonétiques de surface. Pour faire une analyse des phonèmes, des listes d'allopho- nes sont remplacées par des phonèmes reconstruits et par des ensembles de règles associées qui déterminent les variations allophoniques. En grammaire transforma- tionnelle, bien que celle-ci ne se préoccupe plus d'analyse des phonèmes, qui a été remplacée par l'analyse morphologique, la méthode reste fondamentalement la même : étant donnée une liste de formes alternantes morphologiquement liées, le but est de poser une forme abstraite à partir de laquelle les formes phonétiques puissent être économiquement dérivées. Les critères nécessaires pour évaluer les modèles descriptifs mentionnés ci-dessus — leur économie, le fait que les règles fonctionnent et leur caractère concret — sont des conséquences logiques du but recherché, qui est une description économique, comme le sont aussi les procédures descriptives utilisées. . C'est ainsi qu'en grammaire comparée la forme la plus fréquente est choisie comme forme reconstruite (à condition que. la prédictibilité pragmatique soit maintenue), puisqu'un tel choix conduit à un ensemble . simple de règles de correspondance. L'analyse des phonèmes et la grammaire transformationnelle ont essentiellement les mêmes critères d'évaluation, modifiés selon des exigences contextuelles différentes. Par exemple, la condition transformationnelle selon laquelle une forme morphologique abstraite doit être, sinon une des formes existantes, du moins aussi proche que possible des données phonétiques, simplifie l'ensemble de règles qui relient la forme reconstruite aux formes attestées. Par opposition avec ce qui se passe dans les modèles grammaticaux de nature prélinguistique mentionnés ci-dessus, qui ne s'occupent que de la description des phénomènes, nous voulons, en linguistique théorique, saisir l'essence du système abstrait qui se manifeste comme langue, c'est-à-dire que nous ne nous attachons pas à organiser les données mais à utiliser les données pour avoir une idée de la réalité abstraite sous-jacente. Nous désirons connaître les relations des composants entre eux et les règles qui gouvernent les changements au sein du système, aussi bien que les changements du système et la relation du système à d'autres systèmes voisins. Nos principes analytiques ne conduisent ainsi ni à des protoformes reconstruites ni à des orthographes économiques ni à des réorganisations commodes des données, mais à des structures cognitives. 57 Un trait caractéristique de notre procédure analytique est le choix de formes étymologiques abstraites, qui peuvent ne jamais apparaître phonétiquement. Mais l'abstrait n'implique nullement l'arbitraire, comme le soutiennent les grammairiens « physicalistes » dans leur incapacité à concevoir les réalités systémiques. L'aspect des formes étymologiques est déterminé d'un côté par l'exigence selon laquelle elles doivent être reliées aux formes phonétiquement attestées par des processus phonologiques naturels et d'un autre côté par les critères systémiques généraux de cohérence et d'élégance. Nos formes abstraites sont ontologiquement réelles, c'est-à-dire que nous ne les considérons pas comme de simples conventions descriptives et nous n'exigeons donc pas qu'elles possèdent une justification phonétique. Autrement dit, nous considérons que la réalité ontologique se situe non dans le monde phénoménal, mais dans le système conceptuel avec ses formes abstraites. En opposition avec la grammaire, qui considère les données comme la réalité dont il faut rendre compte, et les abstractions comme des fictions commodes pour organiser les données, la linguistique ne considère les données que comme de simples indices qui témoignent de la réalité systématique abstraite ; les données sont des indices qui, si on les interprète correctement, révéleront la réalité systématique sans que celle-ci soit déformée par ses manifestations phénoménales. Comme il est d'usage, nous posons nos principes analytiques pour obtenir les buts que nous recherchons, soit la perception de la réalité systémique qui gouverne toutes choses et en particulier les relations linguistiques et les changements qui affectent ces relations. L'intérêt de notre système analytique est, outre les analyses élégantes qui en sont la conséquence, dans son pouvoir heuristique, qui nous permet de formuler des questions toujours plus abstraites et de nous approcher plus encore de la réalité, car par le seul fait de poser des questions nous pouvons obtenir des réponses. Nos principes analytiques nous permettent non seulement de résoudre des problèmes qu'il est impossible de traiter dans le cadre des modèles grammaticaux prélinguistiques, mais encore de formuler et de résoudre des problèmes que l'on ne peut même pas formuler dans le cadre de ces modèles. Ces quatre principes de l'analyse morphologique sont : 1. Le principe d'uniformité structurelle. 2. Le principe d'uniformité morphologique. 3. Le principe de correspondance morphosémantique. 4. Le principe du naturel phonologique. La régularité structurelle est l'exigence d'une distribution uniforme des morphèmes ; c'est-à-dire que nous attendons un morphème de pluriel dans toutes les formes de pluriel, un morphème de passé dans toutes les formes de passé, etc. Des exemples illustrant ce principe sont donnés à propos de la première personne du pluriel du prétérit en Italien, Portugais, Roumain et Français. La régularité morphologique est l'exigence selon laquelle il ne doit y avoir qu'une forme pour chaque morphème, les variantes étant conditionnées par le contexte. La seconde personne du singulier en Latin sert d'exemple. La correspondance morphosémantique est l'exigence de parallélisme entre les catégories sémantiques et leur manifestation morphologique ; en particulier, ce 58 principe conduit à la séparation en Latin des morphèmes de personne et de nombre qui sont normalement considérés comme amalgamés dans les interprétations traditionnelles. Le naturel phonologique est l'exigence selon laquelle les processus par lesquels les formes étymologiques sont transformées en formes phénoménales doivent être naturels et universels. I. PRINCIPES D'UNIFORMITÉ STRUCTURELLE (lre PERSONNE DU PLURIEL DU PRÉTÉRIT LATIN-ROMAN). Certains anomalies à la première personne du pluriel du prétérit Roman, soit : 1. la gemination en Italien, par ex. comprammo au lieu de la forme attendue mais incorrecte fi compramo ; 2. l'exception que constitue en Portugais cette lrc personne, où le [a] ne se change pas en [a] devant nasale, par ex. présent falamos [fafemus"] mais prétérit falamos [falamus] ; 3. l'intrusion d'un r en Roumain, par ex. cîntaràm, correspondant au Latin (*cantavimus) ; 4. l'exception que constitue le Français aimâmes aux règles de syncope posttonique et de diphtongaison, qui auraient dû donner je aimains ; sont expliquées par le recours à une étymologie non évidente, déterminée par notre principe de régularité structurelle, pour la forme correspondante en Latin. Pour illustrer les terminaisons verbales du Latin, nous examinons les formes en Latin du présent imperfectif (« présent ») et du présent perfectif (« parfait ») du verbe capere « prendre » : 1 sg 2sg 3 sg lpl 2 pi 3 pi capio capis capit capimus capitis capiunt cepi cepisti cepit cepimus cepistis ceperunt II est évident que le s qui apparaît phonétiquement à la 2e pers. du sg (cepisti), à la 2e pers. du pi. (cepistis) et sous la forme de son réflexe rhotacisé à la 3e pers. du pi. (ceperunt de *cepisunt) est le morphème de l'aspect perfectif. Le principe de régularité structurelle exige que ce morphème de perfectif apparaisse dans la structure abstraite sous-jacente de toutes les formes de l'aspect perfectif. C'est ainsi que, par exemple, la forme abstraite de cepimus serait *cepismus. L'absence de ce morphème dans la forme phonétique attestée ne nous intéresse pas ici. Nous voudrions plutôt montrer que notre hypothèse nous permet de résoudre tous les problèmes de philologie romane détaillés ci-dessus, qui ne peuvent être traités dans une perspective traditionnelle. Cette capacité à résoudre les problèmes dont témoigne notre principe analytique d'uniformité structurelle constitue une partie de sa justification. 59 la» Italien L'apparition d'un mm géminé dans l'Italien comprammo ne correspond pas à un développement phonétique normal, comme le montre par exemple Latin homo /Italien uomo, sans gemination de la nasale. Nous donnons ci-dessous à titre de comparaison, pour le Latin et l'Italien, le présent imperfectif (« présent »), le passé imperfectif (« imparfait ») et le présent perfectif (« parfait »). Remarquons que c'est seulement au parfait, où nous avons théoriquement prédit la présence d'un morphème d'aspect en Latin, que se produit en Italien la gemination : Latin Italien Présent amo compro Imparfait Parfait. amas amat amamus amatis amant amabam • amabas amabat amabamus amabatis amabant amavi amavisti amavit amavimus amavistis amaverunt compn compra . compriamo - comprate comprano compravo compravi comprava compravamo compravate. compravano comprai comprasti ■ compro comprammo compraste comprarono Le mm de comprammo doit dériver du *sm Latin selon nos hypothèses et nous posons le changement smlmm par assimilation, en tenant en particulier compte de l'importance des phénomènes d'assimilation uploads/s3/ lgge-0458-726x-1985-num-20-78-2464.pdf

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