TABLEAUX ET TITRES : LES ENJEUX DE LA TRADUCTION DANS UN ATELIER D’ART AU BOTSW

TABLEAUX ET TITRES : LES ENJEUX DE LA TRADUCTION DANS UN ATELIER D’ART AU BOTSWANA Leïla Baracchini Éditions de l'EHESS | « L'Homme » 2020/1 n° 233 | pages 45 à 74 ISSN 0439-4216 ISBN 9782713228360 DOI 10.4000/lhomme.36596 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-l-homme-2020-1-page-45.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Éditions de l'EHESS. © Éditions de l'EHESS. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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URL : http:// journals.openedition.org/lhomme/36596 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lhomme.36596 © École des hautes études en sciences sociales © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182) © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182) © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182) © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182) L’HOMME 233 / 2020, pp. 45 à 74 ÉTUDES & ESSAIS Il y a trente ans, était fondé au Botswana le premier atelier d’art san contemporain, le Kuru Art Project. À l’instar de nombreux projets d’art mis en place pour des populations autochtones, le Kuru Art Project a été créé par une Ong dans un objectif de renouveau culturel et de développement économique (empowerment). La réalisation de peintures et de gravures destinées à être exportées en tant qu’objets d’art devait ainsi procurer un nouveau moyen d’expression « plus fort que les mots » (Le Roux 2014 : 18), permettant à des populations longtemps marginalisées de se faire voir et entendre sur la scène internationale. La fondation du Kuru Art Project s’appuyait en cela sur un constat déjà avéré en d’autres lieux, à savoir que la fabrication et la vente d’objets d’art offraient aux peuples autochtones non seulement l’une des meilleures portes d’entrée dans l’économie globale, mais aussi un moyen privilégié de représentation de soi (Morphy & Perkins 2006 : 18). Toutefois, dès lors qu’est évoqué le pouvoir d’autoreprésentation et d’affirmation d’une pratique importée reposant sur des codes et des valeurs étrangers aux populations concernées, il apparaît nécessaire de se poser la question de savoir qui parle, pour qui et à qui. De fait, le rapport souvent promu par les Ong entre l’art et l’empowerment n’est pas dénué d’ambiguïtés. Tableaux et titres Les enjeux de la traduction dans un atelier d’art au Botswana Leïla Baracchini Ce projet a bénéficié d’une bourse de recherche du Nccr Critique de l’image (Université de Bâle) et du soutien de l’Université de Bâle et de l’Université de Neuchâtel. Je tiens à remercier par ailleurs le ministère de la Jeunesse, du Sport et de la Culture du Botswana pour avoir autorisé cette recherche. La réalisation de ce projet n’aurait pas été possible sans le soutien du Kuru Art Project, du San Research Centre et de l’Université du Botswana. Je remercie aussi et surtout toutes les personnes qui ont participé à cette étude. Mes remerciements s’adressent enfin à Brigitte Derlon, ainsi qu’aux lecteurs anonymes pour leurs suggestions et leurs relectures. © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182) © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182) 46 Leïla Baracchini De nombreux auteurs ont ainsi montré que l’intégration d’objets d’art non occidentaux au sein des mondes de l’art requiert de nombreuses opérations de médiation qui ne sont pas sans effets sur la capacité de ces objets à servir de moyen de représentation de soi (Clifford 1988 ; Price 1989 ; Steiner 1994 ; Myers 2002 ; Seltzer Goldstein 2012). L’étude de ces nouvelles pratiques artistiques suppose alors de s’interroger sur la chaîne des acteurs engagés dans la médiation des objets entre divers régimes de valeurs, ainsi que sur les transformations induites par le passage au statut prisé d’art et d’artiste. Comment la circulation d’un objet est-elle susceptible d’en modifier la valeur, le statut et les usages ? Quels sont les acteurs impliqués dans ces processus ? Dans quelle mesure ces transformations agissent-elles sur le pouvoir représentationnel des objets ainsi produits ? Cet article développe ainsi une réflexion sur la manière dont le sens se négocie, s’affirme ou s’oppose dans un contexte marqué par un accès inégal à des moyens d’expression et, donc, à des moyens de représentation de soi et/ou de l’autre. Si les disjonctions de sens (Myers 1991) existant entre les discours des artistes et ceux des intermédiaires ont régulièrement été mises en avant pour les arts non occidentaux (Fisher 2012 ; Seltzer Goldstein 2012) et pour l’art san contemporain (Guenther 2003), il y a également lieu de s’attacher à saisir comment ces glissements s’opèrent. Pour cela, je m’intéresse ici à un espace-temps particulier : la pose des titres. En effet, parmi les multiples médiations qui interviennent au Kuru Art Project, les procédés d’intitulation, qui impliquent toute une dynamique de traduction linguistique et culturelle, sont apparus au cours de cette étude comme un moment-clé pour saisir les transformations inhérentes au pro- cessus d’artification, pour reprendre Nathalie Heinich et Roberta Shapiro (2012). En effet, si la traduction de titres constitue « le cas le plus extrême de domestication 1 en traduction » (Jaccomard 2018 : 80), la présence de titres écrits dans une langue étrangère aux artistes incite à s’intéresser à leurs conditions de production. Comment les titres sont-ils élaborés ? Par qui ? Pour quel public ? Et au gré de quelles transformations ? S’interroger sur les enjeux représentationnels inhérents au passage à l’art amène ainsi à examiner les apports d’une étude des processus de traduction interlinguistique et sociale lors de la production de titres, afin de cerner, au cours de microsituations, les modalités et les effets d’une médiation qui, tout à la fois, rend possible et conditionne la rencontre entre un tableau 1. La notion de domestication (Venuti 1998) désigne un mode de traduction « ethnocentrique » dans lequel le texte étranger est transformé de manière à épouser les normes culturelles du public cible. Il s’oppose à la foreignization qui vise, à l’inverse, à conserver dans la traduction les particularités linguistiques et culturelles du texte initial. © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182) © Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 13/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 92.223.59.182) 47 Tableaux et titres ÉTUDES & ESSAIS et un spectateur. À partir de l’analyse des interactions entourant la pose de titres écrits en anglais au sein d’un atelier regroupant des artistes de langue naro 2, j’exposerai comment les mots circulent et comment, en circulant d’une langue à l’autre, mais aussi d’un mode d’expression (l’oral) à l’autre (l’écrit), et d’une personne à l’autre, ils se transforment et, ce faisant, modifient la définition de l’objet. Alors que les questions de langue et de traduction ont rarement été intégrées aux études consacrées au commerce des arts non occidentaux (Ben-Amos 1977 ; Jules-Rosette 1990), je pro- poserai une réflexion sur les traductions linguistiques et sociales en jeu dans la production d’objets d’art en contexte colonial et montrerai en quoi des asymétries dans les ressources d’expression à disposition participent d’une forme d’écart dans les moyens de (se) représenter. L’approche adoptée ici se distingue en cela des études menées dans le champ de la titrologie (Hoek 1981) et de la traductologie. En effet, les pro- cédés d’intitulation et de traduction demeurant le plus souvent invisibles, les travaux consacrés à la traduction de titres se sont principalement axés sur des analyses textuelles, au détriment des interactions engagées dans les processus de traduction (Iliescu 2001 ; Cachin 2006 ; Constantinescu 2019). Cet article vise, au contraire, à prolonger les réflexions émergentes sur l’intérêt à appréhender les phénomènes de traduction en tant qu’opé- rations de transfert interlinguistique et opérations de médiation (Buzelin 2004). De fait, bien qu’en sciences sociales le concept de traduction ait connu un véritable uploads/s3/ lhom-233-0045.pdf

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