1 PICCININI : AVERTIMENTI : 1623 Les avertimenti, ou instructions précédant l’i
1 PICCININI : AVERTIMENTI : 1623 Les avertimenti, ou instructions précédant l’intavolatura di liuto , et di chitarrone, Libro Primo, d’Alessandro Piccinini, Bologne 1623. Traductions et notes par : Joël Dugot et Marco Horvat Article paru dans la revue Musique Ancienne N° 19 mars 1985, p. 21 à 29. Révisions des notes par : Pascal Gallon Décembre 2003 Aux Studieux Du luth, chapitre I Parmi tous les instruments de musique, le luth, aussi célèbre soit-il, est digne de sa renommée ; il n’est personne, si médiocres soient son intelligence et sa connaissance de la musique qui ne le connaisse, tant pour l’excellence et suavité de sa mélodie que pour sa perfection musicale. Puisqu’ avec lui on peut parfaitement jouer une composition un demi-ton, un et deux tons plus haut et plus bas, attendu qu’il possède les demi-tons partout. A cela s’ajoute la commodité remarquable avec laquelle le dit instrument peut être utilisé, pouvant se jouer debout, en marchant ou assis, et de tout autre manière, selon le goût, ce qui n’est pas négligeable. C’est à propos de cet instrument si noble et si royal, que je me propose de donner aux débutants quelques conseils très importants ; dont une longue étude et une très grande habitude de l’enseignement m’ont appris la très grande utilité ; et ce non pas pour me vanter d’en savoir plus que d’autres, mais seulement dans l’intérêt général. Je sais par expérience combien il est important d’avoir de bonnes bases pour qui désire devenir excellent joueur. Mes avertissements en cette manière iront donc aux choses les plus importantes ; quiconque désire se perfectionner en cette profession ne dédaignera pas de les lire à plusieurs reprises, ni ne ménagera sa peine pour les mettre ponctuellement à exécution. De la sorte, je ne doute qu’à la fin il en reconnaisse l’utilité, et mesure ce qu’il doit à mon emprise. Du jeu net, chapitre II J’affirme donc que parmi les qualités principales que l’on attend d’un bon joueur, l’une des plus importantes est de produire un son clair et propre. De manière que le moindre effleurement d’une corde ait la pureté d’une perle, et celui qui ne joue pas ainsi ne mérite aucune estime. Et il convient de déployer un grand zèle pour y parvenir ; et en particulier en France où l’on n’estime personne qui ne joue proprement et délicatement. Du jeu doux et fort, chapitre III Parmi les nombreuses singularités du luth, l’une des principales est d’avoir la possibilité de jouer doux et fort, ce qui donne beaucoup d’expression1 quand c’est fait à propos. Si la musique est gaie, on doit alors jouer plus fort, mais sans tomber dans la dureté ou l’âpreté, et spécialement quand on joue des fantaisies ou des canzones, on doit jouer fort la corde qui expose le sujet ou la fugue, mais l’accompagnement restera doux afin de ne pas couvrir le sujet. Là où on rencontre des passages chromatiques, mélancoliques ou graves ou encore dissonants 1 Nous avons traduit « affetuoso » par expressif. Il faut garder à l’esprit la signification particulière de ce terme, qui revêt chez les musiciens italiens de cette époque un sens esthétique. Voir à ce sujet l’article d’ Etienne Darbellay, Liberté, variété et ‘affetti cantabili’ chez Girolamo Frescobaldi, Revue de Musicologie, Tome LXI, 1975, n° 2, pp. 198-243. La comparaison entre les « avertimenti » de Piccinini et ceux publiés en 1615 par Frescobaldi est riche d’enseignements. 2 [durezze], on jouera doucement de façon que le son soit faible sans toutefois être assourdi ou muet, et en allongeant un peu la mesure adroitement et judicieusement ; le jeu n’en sera que plus expressif ; et l’on trouvera peu de pièces [sonate] dans lesquelles un joueur avisé ne trouvera l’opportunité d’user de ce jeu ondoyant [ondeggiato], c’est à dire doux et fort ; la où la musique est remplie de dissonances il est de très bon effet de varier parfois comme on fait à Naples, en rejouant les dissonances plusieurs fois, tantôt doux tantôt fort, et plus c’est dissonant, plus on rejoue, mais en vérité cette manière de jouer réussit mieux en fait qu’en dit, et particulièrement si on apprécie un jeu plein d’expression [ suonare affetuoso]. Où rend le luth sa meilleure harmonie, Chapitre IV Le luth ainsi que le chitarrone rendent leur meilleure harmonie2 lorsqu’on on en joue à mi-chemin de la rose et du chevalet. C’est donc là que doit se tenir la main droite. De la main droite et des prescriptions qui s’y rapportent, chapitre V Pour apprendre à placer la main droite, tu fermeras le poing et tu l’ouvriras ensuite un peu, afin que le bout des doigts soit contre les cordes et le pouce allongé, l’auriculaire posé sur la table. Ce sera bien. Comment se servir du pouce, chapitre VI Le pouce, qui selon moi ne doit pas avoir l’ongle très long, s’emploie de la manière suivante, qui est chaque fois que l’on jouera une corde, on devra diriger vers la table de façon qu’il butte toujours sur la corde voisine, et qu’il s’y arrête jusqu’à ce que l’on ait à nouveau besoin de lui ; lorsqu’on joue plus d’une corde à la fois, le pouce devra aussi faire le même mouvement. Ceci est très important, il faut que les cordes basses soient touchées de cette manière, d’abord pour obtenir une bonne harmonie, ensuite pour la 2 Harmonie est à prendre dans le sens de « bien proportionné ». grande commodité qu’on en retire, surtout lorsqu’on joue dans le grave. Comment s’utilisent l’index, le majeur et l’annulaire, chapitre VII Les trois autres doigts – index, majeur, annulaire- qui doivent avoir assurément des ongles assez long pour qu’ils dépassent la pulpe mais pas plus, et taillés en ovale c’est-à- dire plus longs en leur milieu, doivent s’utiliser ainsi : lorsqu’on jouera un accord, ou lorsqu’on pincera une seule corde, on jouera avec l’extrémité charnue du doigt, en la dirigeant vers la table avec, on fera en sorte que l’ongle laisse échapper les deux cordes en même temps, lesquelles résonnant ensemble, produiront une très belle harmonie. Avec quels doigts jouer deux chœurs, chapitre VIII Pour jouer deux chœurs [simultanément], on utilisera toujours le pouce et le majeur sauf si on rencontre un point au dessous [de la lettre], auquel cas il faudra utiliser l’index et le majeur. Du gruppo [trille] et combien il est difficile [à jouer], chapitre IX Le gruppo que l’on fait dans les cadences est très difficile, car on doit le battre également et rapidement et le conclure en accélérant et pour ma part, j’ai constaté qu’exécuté à l’aide du seul index, en jouant dans les deux sens, de haut en bas et de bas en haut alternativement avec la pointe de l’ongle3 il réussit à merveille, clair et rapide ; et je le fais avec une telle facilité, que je l’accompagne d’une autre partie avec le pouce et l’index on peut très bien jouer de cette façon. Quelques uns de ces gruppi se trouvent dans les œuvres qui suivent, et le plus redouble [long] figure à la fin du ricercare premier, celui que l’estime le plus. 3 Ce semble être la technique appelée « dedillo » par certains vihuelistes au milieu du XVIe siècle. 3 « Traits » [tirate] et gruppo comment les exécuter, chapitre X Pour exécuter des gruppi et des traits avec le pouce et l’index, comme on le fait d’ordinaire, on doit tenir le pouce très en dehors et l’index très n dessous, de façon à former une croix4. Les deux autres doigts - majeur et annulaire- doivent être allongés, mais sans effort ni contrainte dans le bras, les doigts exécutant le trait doivent faire peu de mouvement ; on doit aussi veiller à ce que le pouce n’attaque pas plus fort que l’index, mais l’un et l’autre vient également afin qu’il ne puisse remarquer aucune différence, et on y parviendra en s’exerçant ainsi. Nombreux sont ceux qui, lorsqu’ils exécutent un gruppo avec ces doigts, cherchent à l’accompagner d’une autre partie comme je l’ai dit pour le chapitre IX, mais cela ne va pas car pour chaque note de l’accompagnement qu’ils jouent, ils en manque une pour le gruppo, bien que du fait de la rapidité, beaucoup d’auditeurs se laissent abuser. De l’arpègement au luth, ce que l’on entend par là, chapitre XI Par « arpéger »,5 au luth, on entend lorsque l’on exécute des traits [tirate] ou des diminutions [passaggi] avec l’index et le majeur tandis que le pouce joue une autre partie. Cette façon de jouer est d’une grande facilité et donne du plaisir à l’oreille, car les deux doigts, par le mouvement qu’ils font, rendent un son égal et digne de louange. A 4 Cette technique, dont la généralisation est encore récente au moment où Piccinini rédige ses avertimenti, succède à la technique de la main droite avec le pouce « à l’intérieur », dite de nos jours « figeta ». Le changement semble s’être opéré vers la fin du XVIe siècle comme l’a uploads/s3/ piccinini-instructions.pdf
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- Publié le Sep 19, 2021
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