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Librairie Droz is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Diderot Studies. http://www.jstor.org Diderot et le vocabulaire technique de l'art: Des premiers "Salons" aux "Essais sur la peinture" Author(s): Florence Boulerie Source: Diderot Studies, Vol. 30 (2007), pp. 89-111 Published by: Librairie Droz Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40372892 Accessed: 05-04-2015 13:02 UTC REFERENCES Linked references are available on JSTOR for this article: http://www.jstor.org/stable/40372892?seq=1&cid=pdf-reference#references_tab_contents You may need to log in to JSTOR to access the linked references. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. 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Quand Diderot adresse ces mots a 1'ami Grimm en rite du Salon de 1763, il aborde sa troisieme description des expositions bisannuelles donnees par les membres de l'Academie royale de peinture et de sculpture dans les galeries du Louvre. A lire ces lignes, Ton pourrait croire que l'ecrivain se represents son travail de description des tableaux comme un prodigieux exercice litteraire, exigeant des qualites de plume infinies, requerant finesse d 'expression et justesse de sensibilite de sorte que le texte se modele sur l'ceuvre peinte jusqu'a se confondre avec la toile. Mais il s'agirait de bien plus que d'un exercice de style: il est question de gout, de coeur. Pour Diderot, il s'agit d'ame. Transmettre l'image des tableaux au lecteur lointain de la Correspondance litteraire, pour qui le seul moyen de connaitre les oeuvres est d 'entendre la description qu'on lui envoie de Paris, apparait moins comme une affaire de rhetorique que comme une affaire d'emotion. II faudrait que l'auteur sache sentir et faire sentir, qu'il depasse la subjectivite des attirances particulieres et des preferences 1. Denis Diderot, Salon de 1763, dans : Essais sur la peinture. Salons de 1759, 1761, 1763, Jacques Chouillet et Gita May (ed.), Paris, Hermann, 2007 [1984], vol. I, p. 181. Les references tirees des quatre volumes des Salons parus chez Hermann seront desormais indiquees entre parentheses, selon le modele suivant: (SH, volume: page). This content downloaded from 150.131.192.151 on Sun, 05 Apr 2015 13:02:15 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions 9o FLORENCE BOULERIE personnelles pour embrasser toutes les subjectivities . En ouvrant le Salon de 1763, Diderot semble bien loin de se soucier de juger les oeuvres autrement que par leur qualite emotive, si variable d'un peintre a l'autre qu'il y aurait quelque absurdite a reprocher a Greuze de n'etre pas voluptueux, comme a Chardin de n'etre pas pathetique. Concevoir la description du Salon comme un epanouissement de la sensibilite - de la sensibilite de coeur, quasiment du sentiment - n'est-ce pas renoncer a tout critere de jugement transversal ? N'est-ce pas tenir a l'ecart toute mesure objective de la qualite des oeuvres ? Pourtant, comme l'a montre notamment Jacques Chouillet2, 1763 est justement la date oil le Salon de Diderot prend soin de detailler les questions d'execution des oeuvres. L'ecrivain s'est informe sur la « maniere » de peindre et sur le « faire » des artistes : il en fait part a son lecteur tout au long des descriptions de l'exposition. De cette attention a la technique nait un regard critique plus affute: des lors, comme Font mis en evidence Gita May3 et Else Marie Bukdahl4, Diderot cherche a retrouver sur les toiles certaines qualites formelles. Les aspects techniques permettraient au philosophe faisant maintenant metier de critique d'art de distinguer l'oeuvre authentique de la croute ne meritant que le Pont Notre-Dame, oil Ton vendait les productions des barbouilleurs incapables de rejoindre les banes de l'Academie. L'ecrivain en viendrait a apprecier la virtuosite des pinceaux: ses jugements seraient argumentes sur l'examen du dessin, de la couleur ou du clair-obscur. L'on est assez loin du vceu formule par Diderot en tete du salon: l'ecriture ne serait pas une forme de Tame, emanation d'une subjectivite expansive, mais le resultat d'une approche objective de la matiere artistique. Y aurait-il un decalage entre les souhaits du Diderot ecrivain et la realite des Salons? Aurait-il voulu ecrire sous l'emprise d'une sensibilite totale, et n'aurait-il pu que critiquer avec les elements de la science des arts ? 2. Jacques Chouillet, La Formation des idees esthetiques de Diderot (1745-1763), Paris, Armand Colin, 1973. 3. Gita May, Diderot et Baudelaire critiques dart, Geneve, Droz, troisieme edition, 1973. 4. Else Marie Bukdahl, Diderot critique dart, Copenhague, Rosenkilde et Bagger, 1980, 2 vol. This content downloaded from 150.131.192.151 on Sun, 05 Apr 2015 13:02:15 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions DIDEROT ET LE VOCABULAIRE TECHNIQUE DE L'ART 91 Tous les lecteurs des Salons ne s'accordent pas a reconnaitre en Diderot un critique savant dans la partie technique des arts. On lui conteste, parfois violemment, la capacite a juger en fonction de criteres objectifs5. Diderot a ete accuse d'ignorer totalement les principes techniques de la peinture; on a fait de lui un litterateur dogmatique qui ne devrait sa reputation de critique savant qu'a son aura d'encyclopediste, d'homme de science, scrupuleux depositaire des secrets des arts et des metiers. Le point de vue est hostile et sans doute injuste, car il suffit d'ouvrir les Salons pour y constater la presence du vocabulaire technique de l'art. De plus, si Diderot a souhaite developper dans ses descriptions une poetique du sensible, il n'a pas neglige la dimension objective de la critique, allant jusqu'a fixer les criteres formels devaluation de Tart dans les Essais sur la peinture publies a la suite du Salon de 1765. II n'est done guere possible d'affirmer que Diderot a meprise les aspects techniques de la peinture: nous nous demanderons plutot quelle place ces derniers ont prise dans l'ecriture critique. Quelle part les mots des peintres, ceux des sculpteurs, ont eue a l'invention de la critique d'art diderotienne ? Jusqu'ou s'etend la specialisation du vocabulaire technique, et done du savoir de l'auteur? Jusqu'ou l'ecrivain a-t-il adopte la perspective technicienne des maitres de Tart ? Jusqu'ou, enfin, sont allees scs investigations dans le domaine du savoir-faire des artistes ? L'on ne sera pas surpris de rencontrer des les premiers Salons le lexique du domaine de l'art, necessaire pour rendre compte d'une exposition de peintures, sculptures, gravures et dessins. Nous ne pourrons toutefois considerer comme vocabulaire technique les mots tableau, peinture, sculpture, dessin, gravure, ni meme le mot toile, employes par Diderot pour designer les objets dont il parle. L'on notera cependant l'absence du mot oeuvre, terme generique que Ton utiliserait aujourd'hui communement, mais qui ne vient pas sous la plume de Diderot quand il commente les Salons: il ne l'utilise qu'une fois dans les Essais sur la peinture. En 1759, 1761 et 1763, les designations des objets decrits varient pourtant peu, Diderot n'entrant guere dans le detail de la nomenclature : sur ce point, 5. Voir en particulier Ferdinand Brunetiere, «Les Salons de Diderot », dans: Nouvelles etudes critiques, Paris, Hachette, 1882, et Virgil Topazio, « Diderot's Limitations as an Art Critic », The French Review 37 (1963), p. 3-11. This content downloaded from 150.131.192.151 on Sun, 05 Apr 2015 13:02:15 UTC All use subject to JSTOR Terms and Conditions 92 FLORENCE BOULERIE les textes envoyes a Grimm ne donnent pas de representation precise de la diversite des ouvrages exposes. Composition sert a evoquer bon nombre de toiles et, si Ton trouve quelques portraits, quelques bustes et des Marines des 1759 (SH, 1 : 99), il faut attendre 1761 pour avoir despaysages (SH, 1 : 144) ou des pastorales. (SH, 1 : 128) La distinction peinture d'histoire, tableau de genre n'est pas utilisee dans les premiers Salons pour nommer les oeuvres : ce sont les Essais qui la fixent dans le langage du critique (SH, 1 : 63 sq.), les comptes rendus des expositions employant les expressions grande composition ou machines pour les tableaux d'histoire, petits tableaux pour les scenes de genre. Le mot nature morte, atteste des 1752 pour designer les representations picturales de fruits, animaux morts ou objets inanimes, n'apparait pas. Le redacteur ne se met pas en peine de nommer avec exactitude le type d'ceuvre expose: il choisit le nom generique, l'outil le plus simple et le plus disponible. Ainsi, composition ou morceau uploads/s3/ boulerie-f-diderot-et-le-vocabulaire-technique-de-l-x27-art.pdf
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- Publié le Mai 20, 2022
- Catégorie Creative Arts / Ar...
- Langue French
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