Romantisme Annie Becq, Genèse de l'esthétique française moderne Mme Nicole Moze
Romantisme Annie Becq, Genèse de l'esthétique française moderne Mme Nicole Mozet Citer ce document / Cite this document : Mozet Nicole. Annie Becq, Genèse de l'esthétique française moderne. In: Romantisme, 1986, n°54. Être artiste. pp. 124-126; https://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_1986_num_16_54_4854 Fichier pdf généré le 01/04/2018 124 Commentaires et notes critiques Arthur Rimbaud, Œuvres poétiques. Textes présentés et commentés par Cecil Arthur Hackett. Illustrations de Pierre Clayette, Coll. « Lettres Françaises », dirigée par P.-G. Castex, Paris, Imprimerie Nationale, 1986, 472 p. Presque toute une vie de science de patience rimbaldiennes est peut-être nécessaire, non tant pour maîtriser un texte inépuisable, qui n'en finit pas de stupéfier et de déjouer ses lecteurs, que pour adopter à son égard la meilleure distance possible, faite à la fois d'aimante et érudite proximité, et de prudence respectueuse. La remarquable édition que nous propose Cecil A. Hackett nous offre ainsi la perspective la plus équitable sur les problèmes d'établissement du texte1, qui relèvent partiellement de la critique interne et de l'herméneutique : par exemple, celui du statut d'Une Saison en Enfer ou de la datation des diverses Illuminations. Elle présente en même temps l'état du texte complet sans doute le plus fiable dont nous puissions disposer actuellement. Tenant compte à la fois des inconnues qui subsistent et des travaux sur manuscrits les plus récents (par exemple ceux d'André Guyaux), bénéficiant des dernières mises en circulation de manuscrits autographes — par exemple celui des Déserts de l'Amour acquis par la Bibliothèque nationale en 1985 — , Cecil A. Hackett évite le parti pris et surtout la conjecture hasardeuse : ses notes ne formulent pas d'hypothèses sur le(s) référent(s) des textes ; elles proposent des micro-analyses souvent éclairantes, fondées sur un travail de critique interne et nourries d'une parfaite connaissance de l'histoire littéraire et des questions d'esthétique. Cette méthode seule permet de pleinement justifier parfois le déplacement d'un poème à l'intérieur d'une section ou d'une section à l'autre, (même si quelques cas peuvent, me semble-t-il, prêter encore à discussion). Quoi qu'il en soit, les choix interprétatifs trop tendancieux ou arbitraires qui ont gouverné le classement des Poésies ou des Illuminations dans leurs éditions successives sont signalés ou modifiés. (Mais pourquoi avoir placé Les Déserts de l'Amour et .les Proses « évangéliques » en appendice, auprès des poèmes, écrits en collaboration et pour rire, de l'Album Zutiquel Ces deux textes, le premier surtout, si central à tous égards, semblent voués à une malédiction persistante). Les œuvres «attribuées» ne figurent pas dans cette édition. La numérotation habituelle des Illuminations «Villes» résultant d'une lecture contestable des manuscrits, a tout simplement disparu. On regrette en revanche que n'aient pas été joints les quelques brouillons conservés (de lecture trop incertaine ?) à' Une Saison en Enfer. La bibliographie, qui accueille les livres les plus récents (et donc celui d'Alain Borer), procède par .ordre chronologique ; elle offre ainsi une perspective intéressante sur les chemins de l'exégèse rimbaldienne. Signalons aussi, agrémentant (de façon un peu surprenante) la mise en page de cette nouvelle édition, les illustrations de Pierre Clayette, dans un style néosymboliste à la Gustave Moreau. Enfin — et d'abord — une préface de 25 pages propose en un style limpide un parcours de l'œuvre et de la vie de Rimbaud. Elle nous introduit au caractère inouï de cette expérience humaine et littéraire, et nous fait partager l'exploration récente de continents rimbal- diens encore mal connus. Elle rappelle en outre un préalable capital à toute lecture, toute entente, de Rimbaud : si « le génie n'est que l'enfance retrouvée à volonté », les « génies » ne la retrouvent ou ne s'évertuent à les retrouver que parce qu'elle est perdue. Or, Rimbaud, l'enfant-poète, parle cette langue si inventive, si étrangère et plus qu'oubliée, de l'enfance. Une enfance douée de maturité, c'est tout autre chose qu'une maturité en quête d'enfance. Grâce au travail de Cecil A. Hackett, cette luxueuse édition constitue désormais un outil de lecture essentiel, qui comble les exigences de l'esprit et de la science, ainsi que le plaisir intelligent des yeux. Anne Berger Notes (1) Pour une étude détaillée des choix qui président à cet établissement, on se reportera à l'indispensable synthèse effectuée par P.-G. Castex : « Rimbaud en 1886. Une année capitale», L'Information littéraire, sept.-oct. et nov.-déc. 1986. • L'art et l'artiste Annie Becq, Genèse de l'esthétique française moderne. De la Raison classique à l'Imagination créatrice (1680-1814), Pisa, Pacini editore, 1984, 2 vol. 17 x 24 de 954 p. La démarche est pluridisciplinaire, englobant la littérature aussi bien que la philosophie, la sculpture et surtout la peinture. La masse des informations est considérable : on est entraîné de Kant à Saint-Martin en passant par Descartes, Pascal, Gassendi, Bossuet, Malebranche (dont l'apport est particulièrement souligné), Hobbes, Locke et Shaftes- bury, Hume, Condillac, La Mettrie, Diderot, Rousseau, d'Alembert, Leibniz, Ballanche, Mme de Staël, Cabanis. Quant aux théoriciens de l'esthétique, ils font tous l'objet d'analyses détaillées, de Félibien et R. de Piles à Quatre- mère de Quincy et Schlegel. Il s'agit d'étudier pas à pas comment s'est forgée la notion de « subjectivité créatrice » qui est au centre de notre esthétique moderne. Commentaires et notes critiques 125 La notion d'individu créateur est apparue dès la Renaissance, mais ce n'est qu'à partir de la rupture de la Querelle des Anciens et des Modernes que s'est très lentement développée une nouvelle conception de la raison, moins intellectuelle et moins normative que la raison classique, ce que l'on pourrait appeler, selon l'expression de l'Italien Gravina une « raison poétique », qui inclut l'imagination et surtout la relation entre ces deux facultés spirituelles. Cette évolution débouche sur «la genèse d'une nouvelle conception de l'activité Spirituelle <}ans son ensemble » (p.. 14), proche de celle que formulera Baudelaire dans le Salon de 1859, une fois effectué définitivement le passage de l'idée d'imitation à celle de création. Parallèlement à l'histoire des théories, Annie Becq analyse toutes les modifications du statut de l'artiste se libérant peu à peu du mécénat grâce à la progression de la situation de marché sous sa forme moderne, qui le rend moins dépendant d'une commande préalable. Ces nouvelles structures économiques privilégient évidemment la valeur d'échange par rapport à la valeur d'usage, favorisant, par exemple, le développement du tableau de chevalet. L'idée-force du livre consiste à démontrer que c'est cette évolution économique qui conditionne et rend possible l'évolution des notions théoriques et l'avènement, en particulier, de l'idée de création : « [...] la dépendance accrue au système de marché va de pair avec la proclamation de liberté et d'autonomie créatrice » (p. 23). De la même façon, la notion d'auteur implique que soit posé le problème de la propriété des biens intellectuels : « Avant la généralisation de ce marché, l'écrivain, surtout s'il est aristocrate, se soucie peu de la paternité de son œuvre et le plagiat n'encourt pas de sanction » (p. 24). Après l'effondrement de la société fondée sur le privilège, les artistes et les intellectuels sont intégrés à la classe dominante, mais en position de marginalité et avec le souci constant d'affirmer leur indépendance, c'est- à-dire leur liberté de création. Car la dépendance spécifique liée à la situation de marché est compensée par une plus grande liberté par rapport au « sujet » de l'œuvre. A la notion de création, il faut rattacher l'idée kantienne de «désintéressement», ainsi que l'effacement du travail concret, en particulier les spécificités des techniques propres à chaque art. Le prix de l'œuvre d'art n'est plus fonction du travail, mais du prestige. La difficulté essentielle de cette problématique est d'arriver à penser de façon non mécanisé l'articulation entre les différents niveaux, celui de l'économique et celui des superstructures idéologiques. A. Becq emprunte pour cela à J.-J. Goux la notion d'isomorphismè, qui lui permet de faire de la valeur d'échange le dénominateur commun entre la situation de marché sous sa forme capitaliste et la théorie de l'autonomie du domaine de l'Art, qui va nécessairement de pair avec la notion moderne de création. Le livre I est consacré à l'héritage classique, conçu comme l'ère des contradictions, « édifice fissuré» dont la complexité est plus grande qu'on ne le croit généralement. Avant d'être une doctrine esthétique et littéraire, le classicisme est l'affirmation d'une idéologie dominante, celle de l'absolutisme monarchique, qui n'est lui-même qu'un compromis entre l'absolutisme véritable et l'héritage féodal. Les théories de l'imitation ramènent le Beau au Vrai et identifient le génie à la raison, dont la fonction esthétique n'est pas distinguée de la fonction proprement philosophique : pour les classiques, l'art est une forme de connaissance. Dans ce contexte où l'universel l'emporte systématiquement sur le singulier et où le vraisemblable se réduit le plus souvent à un « naturel » ramené « à la notion de vérité entendue comme moyenne et normale» (p. 61), même le plaire est relevable d'une relation intelligible. Cependant, c'est quand même_à partir de la notion d'agrément que s'amorce la mise en doute des règles et des préceptes^A cet égard, essentielles sont les discussions autour de la notion de couleur en peinture, qui force à distinguer uploads/s3/ becq-genese-de-l-x27-esthetique-francaise-moderne-review.pdf
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- Publié le Mar 05, 2021
- Catégorie Creative Arts / Ar...
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