LA CHAIR ET LE BRONZE. REMARQUES SUR MÉTAPHYSIQUE Z, 11 ET L'INTERPRÉTATION DE
LA CHAIR ET LE BRONZE. REMARQUES SUR MÉTAPHYSIQUE Z, 11 ET L'INTERPRÉTATION DE M. FREDE ET G. PATZIG Riccardo Chiaradonna Presses Universitaires de France | Les Études philosophiques 2014/3 - n° 110 pages 375 à 388 ISSN 0014-2166 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2014-3-page-375.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Chiaradonna Riccardo, « La chair et le bronze. Remarques sur Métaphysique Z, 11 et l'interprétation de M. Frede et G. Patzig », Les Études philosophiques, 2014/3 n° 110, p. 375-388. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses Universitaires de France. © Presses Universitaires de France. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 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En particulier, faut-il comprendre, dans la déinition, des parties de la matière aussi bien que des parties de la forme ? 2/ Comment peut-on distinguer les parties de la forme des parties de la matière ? Selon la thèse énoncée en Z, 10, 1035b33-34, seules les parties de la déinition sont les parties de la forme (τοῦ λόγου μέρη τὰ τοῦ εἴδους μόνον ἐστίν) et cette position se retrouve à la in de Z,11 (1037a25-30). Si cela est vrai, d’autres questions se posent. On peut, d’abord, se demander si la forme est le seul type de deiniendum ou si l’on peut aussi déinir, mais d’une manière diférente, le composé de matière et de forme1. À cet égard, les interprètes ont parfois suggéré que la forme et le composé sont objet de deux types de déinition, l’une austère et l’autre plus libérale, telle qu’elle comprendrait aussi la mention de la matière. Des passages bien connus sug- gèrent, en efet, que selon Aristote la déinition d’un être naturel doit faire mention de la forme ainsi que de la matière (voir, notamment, Phys. II, 2,193b22-194a12 ; Metaph. Ε, 1, 1025b28-1026a6 ; Z, 11, 1036b28-32, passage sur lequel nous reviendrons plus bas). D’un côté, il y aurait donc la déinition en sens propre, qui n’est que la déinition de la forme : puisque dans l’essence des formes naturelles, il n’y a pas de parties matérielles (ni 1. Aristote distingue deux types de composés, le composé particulier, par exemple Socrate ou Callias – composé de la forme et de sa matière particulière – et le composé universel, par exemple l’homme général – composé de la forme et d’un type de matière (un type de corps organique, qui implique, par exemple, la présence de deux bras et de deux jambes dans les cas de l’humain). Voir Metaph. Z, 10,1035b27-31. Le fait que le composé universel soit objet de la déinition est souligné, notamment par D. Bostock in Aristotle. Metaphysics. Books Ζ and Η, traduits et commentés par D. Bostock, Oxford, Clarendon Press, 1994, p. 159. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - LEFEBVRE DAVID - 92.90.126.29 - 15/10/2014 23h20. © Presses Universitaires de France Document téléchargé depuis www.cairn.info - - LEFEBVRE DAVID - 92.90.126.29 - 15/10/2014 23h20. © Presses Universitaires de France 376 riccardo Chiaradonna de parties matérielles particulières, ni de types de parties matérielles), dans leur déinition non plus, il n’y aura pas de mention de la matière. De l’autre côté, il y aurait la déinition du composé, une déinition moins rigoureuse, dans laquelle les parties matérielles aussi se trouvent mentionnées2. Contre cette conclusion, on a remarqué cependant que Aristote paraît défendre en Z,11, et surtout en conclusion de ce chapitre, une thèse plus forte, dont la relation avec ce qu’Aristote dit en dehors de Z peut être problématique, selon laquelle, même pour le composé, il n’y a de déinition qu’en référence à la forme (la forme étant l’ousia première), alors que la matière est indéinis- sable en elle-même (voir, en particulier, Z, 11, 1037a26-30)3. Comme nous verrons, selon certains interprètes, cette conclusion n’implique cependant pas forcément que la matière soit complètement exclue de la déinition, car il est possible d’envisager qu’il existe, pour les substances naturelles, une façon particulière de faire référence à la matière, même à l’intérieur de la déinition de la forme4. La question est débattue. Il n’en reste pas moins que les textes qu’on vient d’évoquer tendent à conirmer une lecture rigoureusement for- maliste selon laquelle chaque chose n’est dans le fond rien d’autre que sa forme et selon laquelle la forme (dans le cas des êtres vivants, l’âme caracté- risée pas ses fonctions vitales) est le seul deiniendum, sans comprendre dans sa déinition aucune mention de la matière. Une telle position rigoureusement formaliste a été défendue de manière très vigoureuse par Michael Frede, dans le commentaire à Metaphysique Z qu’il a écrit avec Günther Patzig (dorénavant FP) et dans un article qui a fait date5. Dans les limites de cette étude, je n’aborderai pas les nombreuses questions liées au statut de la forme et à la déinition en Métaphysique Z, 10-11 qui viennent d’être évoquées plus haut. Je me bornerai à proposer un commentaire de la première section de Z, 11, en prenant en compte sur- tout la lecture de FP . Leur commentaire a fait école, mais peu de spécialistes se confrontent aux détails. Je reprendrai, à cet égard, la remarque de Myles Burnyeat, selon lequel la leçon du commentaire de FP n’a pas encore été totalement tirée : elle ne consiste pas tant dans les thèses qu’ils défendent que dans l’analyse exemplaire des arguments individuels et dans leur méthode 2. Pour une discussion récente, voir G. Galluzzo, he Medieval reception of Book Zeta of Aristotles’ Metaphysics, Leiden, Brill, 2012, vol. I, p. 108-110. 3. Voir M. Frede et G. Patzig (éd.), Aristoteles “Metaphysik Ζ”: text, Übersetzung und Kommentar, München, Beck, 1988, vol. II, p. 203 et 219 et D. Devereux, « Aristotle on the Form and Deinition of a Human Being: Deinitions and heir Parts in Metaphysics Ζ 10 and 11 », in G.M. Gurtler, W. Wians (dir.), Proceedings of the Boston Area Colloquium in Ancient Philosophy, vol. XXVI, 2010, Leiden, Brill, 2011, pp. 167-196 (voir, en particulier, pp. 168-169). 4. C’est, notamment, l’interprétation développée récemment et de manières très difé- rentes par D. Devereux, « Aristotle on the Form and Deinition of a Human Being », op. cit., pp. 182-185 et M. Peramatzis, Priority in Aristotle’s Metaphysics, Oxford, Clarendon Press, 2011, pp. 32-38, 93-94 sq. 5. Voir supra, n. 3 et M. Frede, « he Deinition of Sensible Substances in Metaphysics Ζ », in D. Devereux, et P . Pellegrin, Biologie, Logique et Métaphysique chez Aristote, Paris, Éditions du CnRS, 1990, pp. 113-129. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - LEFEBVRE DAVID - 92.90.126.29 - 15/10/2014 23h20. © Presses Universitaires de France Document téléchargé depuis www.cairn.info - - LEFEBVRE DAVID - 92.90.126.29 - 15/10/2014 23h20. © Presses Universitaires de France 377 La chair et le bronze novatrice pour établir le texte grec6. C’est sur le premier aspect de leur travail que se concentrera cet article7. En efet, de nombreuses critiques ont été adressées aux thèses générales défendues par FP (le formalisme, l’individua- lité de la forme), sans cependant toujours aborder leur exégèse en détail8. C’est pourquoi il me paraît instructif de suivre une démarche en quelque sorte diférente pour reconstruire la manière dont les conclusions principales de ces interprètes s’enracinent dans une lecture minutieuse, mais parfois cri- tiquable, du texte. Au début de Z, 11, Aristote pose le problème de savoir quelles parties appartiennent à la forme et quelles parties n’appartiennent pas à la forme, mais au composé. Sans avoir établi cette distinction, il ne sera pas possible de déinir chaque chose (οὐκ ἔστιν ὁρίσασθαι ἕκαστον), car la déinition porte sur la forme et sur l’universel (1036a28-29). Cette section prend le relais de la thèse énoncée en Z, 10, 1035b34 : les parties de la déinition sont les seules parties de la forme. Il s’agit donc d’avoir un critère pour sélectionner les parties formelles (à uploads/s3/ leph-chiaradonna-2-libre.pdf
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- Publié le Aoû 14, 2021
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