Poétique de la critique picturale symboliste Micéala Symington MLN, Vol. 114, N
Poétique de la critique picturale symboliste Micéala Symington MLN, Vol. 114, No. 5, Comparative Literature Issue. (Dec., 1999), pp. 1110-1118. Stable URL: http://links.jstor.org/sici?sici=0026-7910%28199912%29114%3A5%3C1110%3APDLCPS%3E2.0.CO%3B2-3 MLN is currently published by The Johns Hopkins University Press. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of JSTOR's Terms and Conditions of Use, available at http://www.jstor.org/about/terms.html. JSTOR's Terms and Conditions of Use provides, in part, that unless you have obtained prior permission, you may not download an entire issue of a journal or multiple copies of articles, and you may use content in the JSTOR archive only for your personal, non-commercial use. Please contact the publisher regarding any further use of this work. Publisher contact information may be obtained at http://www.jstor.org/journals/jhup.html. 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S'inscrivant dans la lignée de Baudelaire, qui avait déclaré que la critique devait être «partiale, passionnée, politique»2, Wilde va plus loin encore et annonce que la critique peut être un moyen de création littéraire: «Et ainsi la peinture devient pour nous encore plus men~eilleuse qu'elle ne l'est réellement, et elle nous révèle un secret dont en vérité elle ignore tout, et la musique de la prose mystique est aussi douce à nos oreilles que fut la musique de ce flûtiste qui a prêté aux lèvres de La Giocondaces courbes subtiles et empoi~onnées~~. Ainsi, la critique complète et dépasse son objet d'inspiration, y découvrant une force symbolique ignorée par l'œuvre d'art elle-même. L'écrit critique réclame donc son indépendance, il exige une autonomie par rapport à l'image picturale qui l'a inspiré, et doit acquérir l'autonomie de I'art. Mais cette indépendance que réclame Wilde pour la critique dans <<The Critic as Artist,, n'est en réalité que la mise en forme systématique des idées esquissées déjà dans ses écrits critiques précédents. En 1877, lorsqu'il est encore étudiant à Oxford, Wilde publie un compte rendu d'une exposition de peinture de la Grosuenor Gallery4,à Londres. Dans cet article, il décrit un tableau de G. F. Watts intitulé «Love and Death,>. La description de Wilde est passionnée et subjective, selon les préceptes de Baudelaire, et va jusqu'à transformer l'image en récit: MLN 114 (1999): 1110-1 118 O 1999by The Johns Hopkins University Press M L N 1111 <<La Mort, une forme géante, voilée d'étoffes grises, entre avec une puissance inévitable et mystérieuse, frayant son chemin à travers toutes les fleurs. Un pied est déjà sur le seuil, et une main implacable est étendue pendant que l'Amour, un beau garçon aux membres souples et dorés, et aux ailes couleur d'arcen-ciel, se dérobant comme une feuille froissée, tente vainement de barrer l'entrée avec ses mains^^. En utilisant la forme progressive, que la traduction française ne restitue évidemment pas ("Death [...] is passing in [. . .]") ,Wilde transforme I'image statique en action et, par le choix des adjectifs (inmitable, relentless, vain), il suggère une suite à l'histoire. Loin de rechercher la description fidèle du tableau, il l'utilise plutôt comme tremplin pour sa propre imagination artistique. C'est pourquoi sa description ne se limite pas au présent: <<Une petite colombe, insensible à l'agonie du conflit terrible, attend patiemment au pied des marches [la sortie de] son camarade de jeu; mais elle attendra en vain, car bien que le visage de la Mort nous soit caché, nous voyons, à la terreur dans les yeux et les lèvres tremblantes du garçon, que, comme Méduse, ce fantôme transforme tout ce qu'il regarde en pierre [...] ,>6. La colombe <.attendra en vain,>, affirme Wilde. Cette projection dans un avenir étranger à I'image est présentée comme une vérité poétique qui se fonde sur les lois de la vraisemblance: la terreur dépeinte dans les yeux du garçon indique une issue terrible. Wilde présente donc sa critique comme la restitution d'un événement gelé par la peinture. Il reprend la théorie de Lessing7 selon laquelle la peinture est spatiale, par opposition à la nature temporelle de la littérature, qui relève plus du domaine de l'intelligible. La critique d'art ajoute ainsi la temporalité à l'image: <<L'image qui teint la toile ne possède aucun élément spirituel de croissance ou de changement [...]. Le mouvement, ce problème des arts visibles, ne peut être vraiment réalisé que par la littératurenfl. Mais si Wilde réclame la liberté artistique pour la critique, il refuse cette indépendance à l'image. Ainsi, il juge les sujets historiques par rapport à un précédent littéraire. Sa critique, par exemple, du tableau de Richmond intitulé <cElectra at the Tomb of Agamemnon» repose sur l'observation que le peintre s'est trop éloigné de la scène telle qu'elle est décrite par Eschyle dans Les Choéphores: <<[ ...] il n'y a aucune trace de cette lamentation asiatique passionnée, à laquelle les femmes grecques étaient si enclines, et qu'Eschyle décrit avec une telle intensiténg. Ce refus pour la peinture d'une liberté d'expresssion qu'il exige pour la critique est l'indication d'une hiérarchisation des arts, où la critique tient une place plus élevée que I'image qui l'a inspirée. Sa démarche critique se présente comme la restitution des origines littéraires du sujet, comme une comparaison entre I'image et son point de départ littéraire. Il se permet ainsi d'identifier la source d'inspiration de la peinture et de discuter ses mérites. MICÉALA SYMINGTON Cette démarche n'est pas innocente de la part de Wilde: il établit, ce faisant, un parallèle implicite entre le travail du peintre, qui prend sa source dans la littérature, et celui du critique, qui utilise le tableau comme tremplin pour son imagination créative. Dans son commentaire du tableau de Burne-Jones intitulé «Beguiling of Merlin., il identifie et cite le récit qui a inspiré l'image: <<La version de la légende de "l'Enchantement de Merlin" qu'a suivie M. Burne- Jones est différente de celle de M. Tennyson, et du récit de la "Morte d'Arthur". Elle est tirée de la "Romance de Merlin", qui raconte l'histoire de cette façon Avant même de considérer l'aspect esthétique de cette peinture, Wilde cherche donc à définir précisément sa source écrite. Mais il ne limite pas son approche historico-littéraire de la peinture à des tableaux de source ouvertement littéraire. Cette démarche se retrouve également dans le commentaire d'un tableau de Whistler intitulé ~Arrange- ment in Black No 3», où son ironie habituelle lui fait lire dans le titre un pseudonyme de l'acteur Henry Irving: *des nuages noirs barbouillés apparaît la figure décharnée de M. Henry Irving, avec les cheveuxjaunes et la barbe pointue, la fraise, la cape courte, et les bas serrés dans lesquels il apparut pour jouer Philippe II dans la pièce de Tennyson, La Reine Maryl1. Wilde se permet même de citer dans cette pièce les vers qui conviennent à la figure représentée par Whistler dans son tableau. Cette identification ludique du sujet d'une peinture qui au contraire réclame son autonomie esthétique, jusque dans son titre, est un moyen habile de rétablir une hiérarchie artistique qui place la critique au-dessus de l'art pictural. Ses opinions radicales à propos de la peinture lui ont d'ailleurs valu l'inimitié de Whistler, dont la conférence intitulée «Sen O'Clock» dénonce les méthodes critiques utilisées notamment par Wilde: *Voici quelque temps, l'écrivain sans attaches au beau s'est fait intermédiaire en cette chose de l'Art [...]. Pour lui une peinture est plus ou moins l'hiéroglyphe ou le symbole d'une histoire. Dans le peu de termes techniques qu'il trouve l'occasion d'étaler, l'œuvre est par lui considérée absolument d'un point de vue littéraire; en vérité, de quel autre le peut- il considérer? Et dans ses critiques, il se comporte avec, comme vis-à-vis d'un roman-d'une histoire-ou d'une anecdote. Il manque entièrement et tout naturel- lement d'en voir l'excellence-ou le démérite-artistiques, et dégrade ainsi l'Art en y voyant une méthode pour aboutir à un effet littéraire..l2 Wilde, dans sa réponse à cette attaque, déclare que le meilleurjuge de l'art est le poète. En effet <<le poète est l'artiste suprême, car il est le maître de la couleur et de la forme, et le vrai musicien en plus»'3. Dans la hiérarchie des arts, l'art poétique se trouve au sommet, dans la mesure où il réalise la meilleure synthèse des arts. De la même façon, s'il cherche à rénover l'illustration picturale du texte, Wilde se montre réservé quant à l'idée d'illustrer un livre d'images par des poèmes, car <<cela met le poète dans une position très subordonnée»14. Mais cette volonté d'établir une synthèse des arts n'est pas exclusivement propre à Wilde. Déjà uploads/s3/ poetique-de-la-critique-de-l-x27-art-ymbolique.pdf
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- Publié le Mar 10, 2021
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