PSYCHOLOGIE DES BEAUX et DES MOCHES SOUS LA DIRECTION DE JEAN-FRANÇOIS MARMION

PSYCHOLOGIE DES BEAUX et DES MOCHES SOUS LA DIRECTION DE JEAN-FRANÇOIS MARMION Table des matières Couverture Titre Copyright Beauté intérieure, mon oeil ! (Jean-François Marmion) Visage, ô beau visage (Jean-Yves Baudouin et Guy Tiberghien) Beauté, stéréotypes et discriminations (Peggy Chekroun et Jean-Baptiste Légal) « On ne tombe pas amoureux d’une norme ! » Entretien avec Jean-Claude Kaufmann Sois maigre et tais-toi T’as de beaux poils, tu sais (Christian Bromberger) La mise en scène de soi sur les réseaux sociaux : Au-delà du beau et du laid (Bertrand Naivin) Les enfants de l’apparence. Entretien avec Xavier Pommereau. Le beau sexe et la laideur (Claudine Sagaert) Le corps moralisé. Entretien avec Isabelle Queval Peut-on aimer en dehors de la beauté ? (Lubomir Lamy) Beauté, laideur et vie professionnelle (Jean-François Amadieu) Beauté et laideur. Approche en droit de la non-discrimination (Jimmy Charruau) Années folles : le corps métamorphosé (Georges Vigarello) « Dans la mode, la beauté est démodée ». Entretien avec Frédéric Godart Percevoir la beauté en un corps singulier (Danielle Moyse) La beauté des monstres (Anne Carol) La dysmorphophobie, ou l’obsession de l’imperfection physique (Caline Majdalani) Qui m’aime m’ampute ! Ambivalences de la beauté dans les parures corporelles (David Le Breton) Grandeurs et misères de la chirurgie esthétique (Agathe Guillot) Body art : le corps humain comme œuvre d’art (Floriane Herrero) Tatau. Une brève histoire du tatouage (Agathe Guillot) Beautés animales (Jean-Baptiste de Panafieu) Beauté naturelle et beauté artistique (Frédéric Monneyron) L’art est la source de l’humanité. Portrait du cerveau en esthète (Pierre Lemarquis) Le syndrome de Stendhal : quand l’œuvre est renversante (Romina Rinaldi) La valeur de beauté à l’épreuve de l’art contemporain (Nathalie Heinich) Contributeurs Maquette couverture et intérieur : Isabelle Mouton. Illustrations couverture et intérieur : ©Marie Dortier Crédits photos intérieur : pages 9, 21, 24-25, 37, 42, 53, 61, 67, 77, 81, 99, 112, 119, 123, 126, 135, 143, 148, 151, 164, 170, 173, 185, 198, 202, 207, 214-216, 239, 273, 280, 28, 295, 310, 316, 326 ©AdobeStock – Page 157 © Groupe Marie-Claire – Pages 242, 263 © DR – Pages 229, 253 ©GettyImages. Retrouvez nos ouvrages sur www.scienceshumaines.com www.editions.scienceshumaines.com Diffusion/Distribution : Interforum En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement, par photocopie ou tout autre moyen, le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français du droit de copie. © Sciences Humaines Éditions, 2020 38, rue Rantheaume BP 256, 89004 Auxerre Cedex Tel. : 03 86 72 07 00/Fax : 03 86 52 53 26 ISBN = 978-2-36106-590-4 Beauté intérieure, mon œil ! « Un soir, j’ai tenu la Beauté sur mes genoux. – Et je l’ai trouvée amère. – Et je l’ai injuriée ». Arthur Rimbaud, Une saison en enfer « Quoi ma gueule ? Qu’eeeest-ce qu’elle a ma gueule ?! » Johnny Hallyday, Ma gueule Il était une fois un troubadour des temps modernes dénommé Michael J. (Nous ne citerons pas son patronyme afin d’éviter les fâcheries avec ses frères, les Jacksons.) Il devint le plus gros vendeur de disques de tous les temps car, dans un clip resté fameux, il avait magnifiquement dansé aux abords d’un cimetière avec des morts-vivants gigotant des moignons. Michel Drucker n’avait jamais vu ça. On murmure que Michael, déjà fragile, se vit tout étourdi par un tel prestige. Hors caméra, entre autres extravagances, il se transforma en Monsieur Patate à paillettes, se ciselant une fossette ici, se rabotant les pommettes là, se décrêpant les mèches. Sa peau noire devint blanche, mais par inadvertance, puisqu’il jurait n’avoir point honte de ses origines. Le plus étrange, c’est que son appendice nasal ne se voyait plus comme le nez au milieu de la figure : il rapetissait au fil des mois. Bientôt il sembla une arête de poisson, tout prêt à se détacher à la moindre brise : fièrement campé sur son trône, le roi Michael vivait pourtant dans la terreur d’éternuer. Avec le temps, le visage œuvre d’art s’affaissa. Se creusa, se rida, s’éboula sous la poudre de riz. Dans son clip à zombies, le maquillage de Michael l’avait considérablement enlaidi. Dans la vraie vie, le fatal bistouri aussi. Pour cette raison et d’autres, il mourut soupçonné d’être un monstre. Il était une autre fois un preux bretteur dénommé M. de Cyrano de Bergerac. (Nous ne citerons pas son prénom car nul ne voudra jamais croire qu’un quidam pût s’appeler Savinien.) On raconte que contrairement au Michael vieillissant, il était pourvu d’un nez propre à y étendre le linge d’une famille nombreuse. Dans une fable théâtrale le prenant pour héros, le fin lettré M. de Bergerac s’amouracha jusqu’à l’ivresse d’une jolie dame, Roxane, qui hélas faisait les yeux de Chimène à Christian, bellâtre béant de l’intellect. Beau joueur, et voyant plus loin que le bout de son nez (par temps clair), le repoussant M. de Bergerac prêta son esprit à son rival pour embobiner la nubile. Roxane découvrit trop tard la supercherie, et que l’habit ne fait pas le moine. Qui fut le plus malheureux, de Michael la fine mouche ou de Cyrano la fine lame ? Celui qui devint laid en cherchant la beauté, ou celui qui se sentait trop affreux pour être aimé ? Furent-ils vraiment consolés par leur talent ? Sera bien beau qui sera laid le dernier La consolation : voilà l’enjeu de la beauté intérieure. Tout compte fait, quelle grâce insigne qu’un physique quelconque ! Ah, les pauvres beaux ! Car on se plaît à penser que la beauté apparente n’est qu’un masque vulgaire ne dissimulant rien. Qu’un garçon trop joli n’est qu’un niais. Qu’une femme trop belle est une traînée. Doublée d’une gourde : sois belle et tais-toi, par pitié. « Être une heure, rien qu’une heure durant, beau ! Beau ! Beau et con à la fois ! », implorait Jacques Brel. Consolation toujours, quand l’intelligence du cœur est censée racheter les imbéciles, et la richesse spirituelle contrebalancer la pauvreté matérielle, les premiers seront les derniers : les narcisses d’aujourd’hui seront fanés demain. Apollon prendra de la brioche. Tandis que les superbes moches, perchés sur les cimes de la sagesse, cultiveront toujours davantage, sans lassitude aucune, leur fertile vie intérieure. « On m’a vu ce que vous êtes, vous serez ce que je suis », grinçait le vieux Corneille. Et Lichtenberg de renchérir : « La laideur a ceci de supérieur à la beauté, c’est qu’elle dure. » Le temps venge les laiderons de toutes les injustices. C’est le triomphe symbolique de Socrate, décrit comme la hideur incarnée, sur les bimbos bosselées et les bellâtres creux de la télé-réalité. Et puis c’est bien joli d’être beau, mais quel sacerdoce ! Que la nature nous ait gâtés ou non, nous sommes tenus pour directement responsables des efforts déployés pour atténuer les dégâts. Un bourrelet suspect, le biceps indolent, la couperose indiscrète, des reflets poivre et sel indigestes, le haut de cuisse mal galbé, la fesse affaissée, le maillot hirsute, et à nous le pilori, en l’occurrence les sarcasmes réels ou fantasmés d’autrui, et surtout notre propre venin. Négligence étudiée, hardes et nippes baba, jeans troués punk chic, costard strict non étriqué, robe froufroutante pigeonnante, bob de camping moisi, montures à écailles grèges, tout accessoire est essentiel, gorgé de sens, que le style soit cool, pro, swag, au gré des contextes et des figures imposées par le kaléidoscope social, dans le labyrinthe des faux- semblants. Le tatouage est enluminure. La barbe, un manifeste. Les tongs, un bras d’honneur. La beauté : un chantier, une parade Et ça, c’est le monde réel… mais il y en a un autre, virtuel, où il s’agit de se promouvoir en tête de gondole, et pas seulement à Venise, mais au resto, et dans la rue, le bus, la salle de bains, partout. Regardez-moi, ici, sirotant sagement mon cocktail face au soleil couchant parce que je suis tellement humble et normal bien que je sois extraordinaire ! M’avez-vous vu, là, levant le pouce auprès de mon assiette de lasagnes ? Mirez ma petite bouche en cul-de-poule, en imperceptible contre-plongée, parce que je suis chagrin(e) et un poil rebelle mais finalement si fragile et doux cœur à bercer ? Que vais-je bien picorer aujourd’hui dans le grand self-service du selfie ? Quelle effigie dégainer à ma gloire ? Comment vous harponner mais me dérober quand même ? Comment mentir avec sincérité ? Quelle retouche opérer, quel filtre, quelle appli ? Miroir, mon beau miroir diffractant qui darde tes rayons au hasard de la toile, ricochant en retweets, dis-moi que je suis digne qu’on me suive et que mes portraits en buste m’imposent comme personnalité prégnante mais insaisissable, cassante et délicate, excitante du dehors, apaisante du dedans ? Ne suis-je pas trop beau pour être faux ? Jamais une civilisation n’aura voué un tel culte au qu’en- dira-t-on. Nous avons basculé de la société du spectacle à celle du one- (wo) man show. Chacun revêt ses plus beaux atours pour monologuer face à d’autres pomponnés qui monologuent eux-mêmes. Tout le monde uploads/s3/ psychologie-des-beaux-et-des-moches-jean-francois-marmion.pdf

  • 51
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager