Langue française Registres de langue et discours rapporté Geneviève Petiot Cite

Langue française Registres de langue et discours rapporté Geneviève Petiot Citer ce document / Cite this document : Petiot Geneviève. Registres de langue et discours rapporté. In: Langue française, n°33, 1977. Sur les exercices de grammaire. pp. 68-78; doi : https://doi.org/10.3406/lfr.1977.4810 https://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_1977_num_33_1_4810 Fichier pdf généré le 04/05/2018 Geneviève Petiot, Paris-III REGISTRES DE LANGUE ET MANUELS SCOLAIRES 1. La plupart des manuels scolaires et des ouvrages ď « initiation » à la linguistique parus ces dernières années abordent le problème des registres de langue ; peut-être faut-il y voir aussi bien la trace de l'interrogation que posent bon nombre d'enseignants, au niveau de la pédagogie, sur « la » langue à enseigner, et sur la fonction de la classe de français, que l'influence de travaux de recherches relevant de la sociolinguistique. Avant d'entrer plus avant dans l'étude (comment parle-t-on des registres ? A quels exercices donnent-ils Heu ?), il n'est pas inutile de rappeler les problèmes théoriques que soulève la notion de registres (ou niveaux) de langue, pour préciser leur incidence pédagogique. 1.1. Dans un recueil ' qui présente le bilan d'une équipe de travail de l'INRDP, H. Huot traitant de « langue orale, langue écrite, registres de langue » propose une mise au point sur les différentes façons dont la linguistique prend, ou non, en compte la question des registres de langue ; ces différences sont contenues dans la définition de l'objet même de la linguistique, la langue. Si pour tous les linguistes, la notion de système structuré est retenue, c'est sur la nature de ce système que divergent les théories : 1.1.1. Système homogène pour Saussure qui rejette dans la « parole » « la partie active et individuelle du langage », comme il distingue « ce qui est essentiel et social » (la langue) de ce qui est « accessoire et plus ou moins accidentel » (la parole) ; et pour Chomsky qui distingue la « connaissance que le locuteur-auditeur (appartenant à une communauté linguistique homogène) a de sa langue » (la compétence) de « l'emploi effectif de la langue dans des situations concrètes » (la performance). De telles dichotomies posent la langue comme système homogène, et en excluent toutes « les variations observables à l'intérieur d'une communauté linguistique » (H. Huot, pp. 63-65) ; les registres de langue ne sont pas une propriété de la langue, mais ils sont rejetés dans le style, les usages sociaux... 1. Les notes 1 renvoient à la bibliographie. 68 1.1.2. C'est au contraire la prise en considération de ces variations comme caractéristiques de la langue qui amène Weinreich et tout particulièrement Labov à définir « la langue comme un système qui fonctionne [...] avec ces phénomènes de variation ' ». Partant de la constatation que ces variations « sont conjointement disponibles pour les locuteurs adultes d'une même communauté linguistique », et distinguant connaissance active et connaissance passive de ces formes, ils définissent par la synonymie les relations qui fonctionnent entre ces systèmes de variation : ces formes distinctes « offrent des moyens alternatifs de dire la même chose ». Dans cette hypothèse, les registres sont partie intégrante de la compétence définie comme « la maîtrise d'un système régulièrement différencié » ; ils prennent en considération le fonctionnement de la langue dans la société, et des facteurs non linguistiques (énonciateurs, situations...). 1.2. La simple vue des livres scolaires fait immédiatement apparaître le choix théorique de leurs auteurs : l'existence de deux séries parallèles de manuels, la première traitant de la grammaire, c'est-à-dire d'une description analytique de la langue, et proposant des exercices d'application de ces exposés théoriques, la deuxième relative aux « techniques d'expression » orale et écrite, à la « créativité » des élèves et relevant du domaine de la rhétorique, traduit la dichotomie langue (régularité équivalant à homogénéité)/parole (variations échappant à cette régularité). Une telle coupure est d'ailleurs de tradition dans l'enseignement. 2. Le nombre des ouvrages scolaires examinés dans le cadre de cet article est — volontairement — limité ; il s'agit de manuels récents, se référant aux études linguistiques, qui font état, tous, des registres de langue. 2.1. Leur liste est loin d'être exhaustive, et par là même sujette à caution. Ils concernent tous le 1er cycle du 2e degré. 2.1.1. Grammaires et exercices A. Baguette, R. Frankard (B. F.) : La classe de 1" cycle Grammaire nouvelle. — Manipulations de grammaire nouvelle, Paris, Scodel, parus à partir de 1972. J. Grunenwald, H. Mitterand (G. M.) : Itinéraire grammatical. — Travaux dirigés, Paris, Nathan, parus à partir de 1973. M. Obadia, R. Dascotte (O. D.) : 3 ouvrages par classe : Grammaire. — Travaux dirigés. — Conseils pédagogiques, Paris, Hachette, parus à partir de 1973. 2.1.2. Expression J. Labeyrie, H. Mitterand (L. M.) : Techniques de l'expression orale et écrite, Paris, Nathan. M. Obadia, R. Dascotte (O. D.) : Les chemins de l'expression, Paris, Hachette, 1971. E. Arthemann : L'expression écrite, Paris, Istra, 1968. 69 G. et R. Galichet (G.) : Grammaire structurale et entraînement à l'expression, Paris-Limoges, Lavauzelle, 1971-1974. D. Gaugue, L. Vidal : Etude de l'expression française, Paris, Larousse, 1971. Comme le cadre de cet article est limité à l'examen du traitement des registres de langue et des exercices proposés, nous ne retiendrons de cette liste que L.M., O.D. et G. : tous trois consacrent des exercices à ce problème. Les deux autres livres ne le retiennent pas, et ils présentent des études de textes liées à l'apprentissage du vocabulaire, et des sujets de rédaction ; nous n'aurons donc pas à en parler, encore qu'il puisse paraître étonnant qu'un tel problème ne soit pas retenu dans des études ď « expression ». G. est, à première vue, le seul à mettre en cause la dichotomie langue/rhétorique signalée plus haut. Signalons qu'en fait il n'est qu'un élément d'un vaste ensemble d'ouvrages traitant d'une part de grammaire, exercices de grammaire et dictées, et de l'autre de rapports grammaire/expression. Etant donné son type d'organisation (les exercices d'entraînement à l'expression suivent des études grammaticales, et des exercices d'entraînement à l'analyse, fondés tous deux sur un texte d'observation), il sera étudié avec les livres de la première liste. 2.1.3. En fonction de cette dichotomie, il semble que l'objectif global de la classe de français serait défini par une double acquisition, menée parallèlement : connaissances théoriques liées à l'analyse de la langue comme système homogène d'un côté, et de l'autre mise en œuvre de ces connaissances dans la production et la reconnaissance de textes, hétérogènes. C'est bien ce que revendiquent l'ensemble des « Intentions générales » et « Avant-propos » de ces manuels de grammaire : la maîtrise de la langue passe par la compréhension de son fonctionnement ; les traités d'expression lient l'ouverture de l'école sur la vie à la maîtrise des langages et registres de langue 2. Comme ces manuels ne font pas allusion aux contraintes sociales qui assignent un registre plutôt qu'un autre 3, n'est-ce pas une nouvelle façon à la fois libérale et fondée linguistiquement de reposer les relations norme/usage ? 2.2.1. Ce sont les manuels de grammaire de 6e qui, dès les premières pages, présentent les registres de langue : B. F. chap. 1. « Les matériaux », dans La langue orale et la langue écrite. G. M. : chap. 2. « L'expression orale » et chap. 4 « L'expression écrite *. 2. O.D. : « en s'exprimant l'enfant apprend à dominer la langue... il ne la domine réellement que lorsqu'il en comprend le fonctionnement. » G.M. : « les élèves sont invités à manipuler les phrases... Leur gymnastique assure progressivement la maîtrise des modèles de construction de la phrase. » B.F. : « A titre d'exemple, disons que tous les enfants qui parlent français, et qui disent des phrases françaises, savent ce qu'est le sujet : ils en utilisent des centaines, tous les jours. Que vaut un enseignement qui ne parvient pas à faire connaître à l'enfant ce qu'il sait ? » 3. G. parle explicitement ď « une certaine initiation stylistique ». 70 O. D. : chap. 2. с Niveaux de langue et situations ». G. : chap. 2. « Les distinctions fondamentales », dans Langue parlée, langue écrite. Les niveaux réapparaissent dans les chapitres traitant de l'interrogation et de la négation ; pour les autres classes, dans l'étude du vocabulaire — le plus souvent, improprement appelé lexique — , plus particulièrement dans l'étude de relations sémantiques telles que la polysémie et la synonymie. Le premier chapitre n'est donc qu'une tentative de faire prendre conscience du problème aux enfants ; force est de constater que le traitement que lui réservent les autres chapitres est sporadique et insuffisant : ce n'est donc pas la problématique des registres de langue qui va structurer ces manuels. Les quatre ouvrages cités utilisent le terme de « niveaux » (G.M. parlera de registres pour la langue écrite) : la hiérarchisation qu'il implique disparaît dans celui de « registres », terme retenu dans les ouvrages de linguistique. 2.2.2. Comme on pouvait s'y attendre dans ces conditions, aucune définition de la notion uploads/s3/ registres.pdf

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