Paroles et mélodies dans les pièces de Djeguélé Communication en Question, nº 5
Paroles et mélodies dans les pièces de Djeguélé Communication en Question, nº 5, 2015 83 Communication en Question www.comenquestion.com nº 5, Novembre / Décembre 2015 ISSN - 2306 - 5184 PAROLES ET MELODIE DANS LES PIECES DE DJEGUELE Words and melody in the Djeguele’s music Bassirima KONE1 Doctorant en Musique et Musicologie Université Félix Houphouët-Boigny chekofoly@gmail.com 1 Bassirima Koné est doctorant en musique et musicologie au département des Arts de l’UFR. Information, Communication et Arts (UFRICA) de l’Université Félix Houphouët-Boigny. Bassirima KONE 84 RÉSUMÉ Paroles et mélodie occupent une place primordiale dans les pièces de Djéguélé, (musique des xylophones) en pays sénoufo. Si, depuis l’origine de la création d’une pièce jusqu’à son exécution publique, la mélodie est le fil d’Ariane qui guide musiciens, mélomanes et profanes, les paroles sont surement la plinthe qui forme le fondement de cette belle architecture. Ces deux éléments constituent les outils de communication majeurs de cette forme musicale populaire. C’est ce que le présent article se propose de montrer en relevant la nécessité de les préserver pour maintenir la dynamique de cette musique. Mots clés : Paroles, Mélodie, Pièce, Djéguélé, Musique. ABSTRACT Lyrics and melody play an important part in djeguele pieces of music (xylophones music) in Senoufo country. If from the beginning of the creation of a piece of music to its public performance, melody is the compass that guides musicians, music lovers and secular, the lyrics are probably the plinth that forms the foundation of this beautiful architecture. These two elements are the major communication tools of this popular musical form. That's what this article is to show, raising the need to preserve and maintain the dynamics of this music. Keywords: Lyrics, Melody, Piece of music, Djeguele, Music. Paroles et mélodies dans les pièces de Djeguélé Communication en Question, nº 5, 2015 85 Introduction La musique des Djéguélé chez les Sénoufo est très populaire. Elle traverse les générations et semble intéresser toutes les populations quelles que soient leurs situations sociales. A l’analyse, un élément s’avère déterminant dans l’intérêt que les populations portent à cette musique. Il s’agit des textes qui sous-tendent les pièces. Véritables creusets identitaires, les textes des Djéguélé prennent leur source dans la culture sénoufo. Les lignes mélodiques qui accompagnent ces textes les rendent plus digestes et contribuent ainsi à la popularité de cette musique. Texte et mélodie sont les outils de communication majeurs qui permettent de mieux cerner le message véhiculé par la musique des Djéguélé. Quel est l’apport de chacun de ces éléments au dynamisme de cette musique? Comment se mettent-ils en place pour constituer cette alchimie digeste et harmonieuse qui ne laisse personne indifférente? Après avoir évacué les aspects théoriques et méthodologiques de notre sujet, nous montrerons l’importance de la mélodie et des paroles à travers les différentes étapes de l’évolution d’une pièce de djéguélé, ainsi que la puissance communicationnelle de ces deux éléments sur les populations. Lorsqu’un air de Djéguélé s’étire dans l’air, son effet sur les populations reste tributaire du sens que prendront les paroles qui l’accompagnent. La mélodie, grâce à son aspect agréable et plaisant à l’oreille humaine, est certes un élément d’importance dans une œuvre musicale, mais, dans le cas des pièces de Djéguélé, elle est vile si elle ne s’accompagne de paroles fortes et sensées. Telle est la logique fonctionnelle des pièces de Djéguélé que nous voudrions bien montrer ici et veiller à leur préservation. Bassirima KONE 86 Notre objectif est de montrer, à travers cet article, l’importance des paroles et de la mélodie dans une pièce de Djéguélé. Dans le foisonnement des pièces de Djéguélé rendant difficile la fixation d’un répertoire propre à ce genre musical, de nombreuses œuvres apparaissent comme futiles du fait de leur constitution. Une utilisation efficiente des paroles et des mélodies des Djéguélé contribuerait à rendre cette musique plus dynamique. Avant d’aborder la substance de notre étude, nous en éluciderons les mots clés que sont : « les paroles », « la mélodie », « la pièce de musique » et « les djéguélé». 1. Définition des concepts 1.1. Les paroles Les paroles sont les textes d’un morceau de musique. Ensemble de mots servant à exprimer la pensée, la parole est l’outil idéal de communication entre les humains. La musique, art d’Euterpe, exprime mieux que tout, les sentiments, les émotions et les pensées des hommes. C’est pourquoi, les peuples de l’oralité s’attacheront à exprimer en musique, leur histoire, dans l’espoir de la conserver. En Afrique, comme le dit Bebey (1969), il est rare de trouver une musique sans parole. Une mélodie sans paroles est une vile mélodie. 1.2. La mélodie Dérivée du grec melos (chant), la mélodie est définie par le dictionnaire de la musique comme une succession de sons de hauteurs différentes qui forment un air ou une phrase musicale. Elle est dérivée du langage parlé et constitue l’écriture Paroles et mélodies dans les pièces de Djeguélé Communication en Question, nº 5, 2015 87 horizontale de la musique, par opposition à l’harmonie qui en est l’écriture verticale. La mélodie est une expression essentiellement méliorative, même si le mélodieux n’est pas le même pour tous. Chez les peuples de tradition orale, la mélodie, à l’instar de la musique, qui relève de l’évanescent, se doit d’être captivante, légère et facile à retenir pour espérer ne pas mourir dans la mémoire de ceux qui l’entendent. Elle précède l’invention de l’harmonie dans l’histoire de la musique de ces peuples. Maillon important d’une œuvre musicale, tout comme le rythme et le texte, la mélodie est universellement admise, quel que soit le peuple qui l’utilise, comme la lanterne qui éclaire l’ensemble de l’œuvre. 1.3. Les Djéguélé Ce sont les xylophones, instruments populaires de réjouissance en Afrique, appartenant à la famille des idiophones, plus connus sous le nom de balafons. Ils se composent de lames (dont le nombre varie entre 12 et 21) de tailles et de formes diverses en dessous desquelles sont fixées des calebasses toutes aussi variables en taille et en forme. Les djéguélé se jouent à l’aide de deux baguettes que l’on frappe sur les lames et sont souvent utilisés en orchestre. 1.4. La pièce de musique Egalement appelée morceau de musique, la pièce est un fragment d’œuvre courte. Elle se présente généralement sous forme instrumentale ou vocale. Dans un orchestre de musique classique ou moderne, la pièce de musique est le lieu privilégié de démonstration de virtuosité de la part des instrumentistes. Il en est également de même dans les orchestres de djéguélé. A l’analyse, Bassirima KONE 88 la pièce de musique comporte généralement un thème et reste dominée par une mélodie et souvent un texte qui la caractérisent. Etablissons, pour clore cette partie, le cadre de la présente étude : Ces recherches se sont déroulées dans le département de Korhogo, chef-lieu du terroir occupé par les Sénoufo, grands utilisateurs de xylophones pendant deux ans (de 2013 à 2015), dans les villages de Siékaha, Komborokoura et Korhogo. Les populations qui occupent ces espaces sont des sous-groupes ethniques Nafara, Kouflo et Tiembara. Nous avons, à cette occasion, interrogé des musiciens, des instrumentistes dont l’âge varie entre 15 et 50 ans. Nous les avons soumis à un questionnaire portant sur l’expérience de la pratique instrumentale, les techniques de création d’œuvres, le nombre de pièces créées et l’effet de leurs œuvres sur les populations. Nous présenterons ici quelques- unes de ces œuvres dont nous analyserons la teneur des textes et des mélodies. 2. Les Senoufo et les Djéguélé 2.1. Le peuple Le peuple sénoufo constitue l'un des groupes ethniques les plus importants de l’Afrique de l’Ouest. Avec une population estimée à 2500000 habitants, ce groupe se trouve à cheval sur quatre pays, le Mali, le Burkina Faso, le Ghana et la Côte d'Ivoire. Présents dans cet espace depuis le premier millénaire selon les historiens (J-N Loucou, 1984), les Sénoufo seraient partis des régions septentrionales de leur zone d’habitation actuelle, précisément du delta du Niger, à la recherche de terres fertiles. Pacifistes à souhait, ils préfèrent se consacrer à la culture de la terre. On les repartit en trois grands Paroles et mélodies dans les pièces de Djeguélé Communication en Question, nº 5, 2015 89 groupes: Les Sénoufo du Nord, autour de Koutiala et San (Mali) sont appelés Minianka; Les Sénoufo du Centre, autour de Sikasso (Mali) et Kénédougou (Burkina Faso) sont appelés Nanérégué; Les Sénoufo du Sud, principalement en haute Côte d’Ivoire et quelque peu au Ghana sont appelés Siéna mana ou Syénambélé. Ce dernier groupe est composé d’une centaine de sous-groupes dont une dizaine se trouve dans le département de Korhogo. Parmi ceux-ci, les plus importants en nombre sont les Tiembéra, les Nafara et les Kouflo qui font l’objet du présent article. Leur langue est le syénar. Elle reste assez homogène à l’ensemble des Sénoufo en dépit de quelques variations mineures par endroits (Welmers, 1957 :13). Cette quasi homogénéité de la langue explique en partie la forte symbiose constatée autour de leur principale musique, celle des Djéguélé. La société sénoufo est fortement hiérarchisée et basée sur une gestion gérontocratique uploads/s3/5-kone-bassirima-5ok.pdf
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- Publié le Jan 19, 2021
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